Non, la N-VA ne s’est pas affichée « avec des néo-fascistes »

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Photo de Groeningepoort
Photo de Groeningepoort (Courtrai) par ArcheoNet Vlaanderen (réutilisation et modification autorisées sans but commercial).

Ahmed Laaouej devrait réfléchir avant de twitter.

Cela fait maintenant un peu plus d’un an que nous avons voté, et nous n’avons toujours pas de gouvernement de plein exercice. Les formateurs et les informateurs défilent sous le porche du Palais Royal, les journalistes politiques spéculent avec gourmandise sur les couleurs de la prochaine coalition (Arizona ou arc-en-ciel ?) tandis que les jours se suivent et se ressemblent. Un an et un mois. Sans gouvernement. Mais que font nos politiques grassement payés, tandis que l’économie du pays coule ?

Ils twittent, apparemment. Au risque de saboter toute chance de former un jour un gouvernement représentatif à la fois pour le nord et pour le sud du pays. Ainsi, Ahmed Laaouej, le chef à la Chambre du premier parti francophone de Belgique – le PS, n’a rien trouvé de mieux à faire que d’outrager le premier parti de Flandre – la N-VA, en reprochant aux nationalistes de s’afficher aux côtés de « néo-fascistes » le jour de la célébration de la Communauté flamande.

Le PS accuse un parti de la majorité flamande de complaisance avec le néo-fascisme. Business as usual.

Face aux retombées économiques et financières de la pandémie (et de l’accumulation de problèmes structurels irrésolus), le pays a plus que jamais besoin de se remémorer sa devise nationale – « L’union fait la force », et d’enterrer temporairement la hache de guerre. L’urgence de la situation requiert du tact et de la bonne volonté de part et d’autre. Mais c’est un besoin qu’Ahmed Laaouej ne connaît pas, et nous comprenons pourquoi : il touchera de toute façon ses émoluments à la fin du mois, et le mois prochain, et celui d’après, et encore le suivant, et ainsi de suite, comme si de rien n’était, alors que le pays n’est toujours pas gouverné par une majorité démocratique légitime.

Toutefois, si la majorité flamande déroulait le tapis rouge à des groupuscules néo-fascistes, ne faudrait-il pas s’en inquiéter, quitte à déterrer la hache de guerre ? Si, très certainement. Sauf que, contrairement à ce qu’avance le député socialiste enfiévré, il n’y avait aucun néo-fasciste assis au premier rang de la commémoration de la bataille des Éperons d’Or à Courtrai, samedi dernier. Le Français Aurélien Verhassel – car c’est bien lui qu’Ahmed pointe fébrilement du doigt – n’appartient à aucun groupuscule se revendiquant du mussolinisme.

On pense évidemment tout le mal qu’on veut de Génération Identitaire – le mouvement cofondé par Aurélien Verhassel en 2012 – surtout qu’on y est chaudement invité. Il faut dire que Génération Identitaire offre matière à inquiétude : la « remigration » pour laquelle l’organisation milite peut sonner comme un euphémisme de déportation forcée, et les « tournées de sécurisation » de sa section lyonnaise ressemblent fâcheusement à des milices (quoique non armées). Aurélien Verhassel lui-même a été condamné pour des faits de violence, même s’il plaide la légitime défense.

Le militant identitaire français Aurélien Verhassel explique les raisons de sa présence au premier rang de la commémoration de la bataille des Eperons d’Or à Courtrai.

En même temps, on ne trouve aucune trace de révisionnisme, aucun hommage à Mussolini, et aucun rejet de la démocratie et des libertés fondamentales sur la plateforme officielle de Génération Identitaire. Au contraire, les militants identitaires invoquent ces deux dernières valeurs pour lutter contre l’islamisme et l’acharnement médiatico-judicaire dont ils font l’objet – et à raison. Pour autant, ne pourrait-il pas s’agir de fascistes qui avancent masqués ? Et si Ahmed avait vu juste ? Après tout, on n’est jamais trop prudent, surtout avec une idéologie violente, illibérale et anti-démocratique, qui a déjà déchiré le continent par le passé.

Peut-être. Peut-être que les leaders du mouvement, Aurélien Verhassel inclus, sont d’habiles manipulateurs secrètement inspirés par l’exemple de Mussolini. Mais ne lisant ni les cœurs ni les pensées, je ne saurais l’affirmer (Ahmed Laaouej non plus d’ailleurs). Ce que je peux en revanche affirmer, pour les avoir déjà rencontrés, c’est que les militants identitaires de la base ne sont pas des fascistes. Ce sont des jeunes femmes blanches qui n’en peuvent plus de marcher la peur au ventre sous les obscénités lancées par une « diversité » encapuchée et encanaillée. Ce sont des jeunes hommes blancs qui ne veulent pas se prendre un coup de canif dans le ventre pour un regard de travers, une remarque « déplacée » ou une cigarette refusée. Ce sont de jeunes Européens de souche qui vivent mal le « vivre-ensemble » imposé par le laxisme migratoire des générations précédentes, et qui sont terrifiés à l’idée de finir un jour minoritaires et persécutés sur la terre de leurs ancêtres.

Et peut-être qu’ils se rendent coupables d’exagérations et d’amalgames, tous ces jeunes qui rejoignent Génération Identitaire. Pourtant, ce n’est pas non plus l’actualité anxiogène et violente de ces dernières semaines qui va les contredire. Qu’importe : la N-VA, contrairement au parti d’Ahmed Laaouej, a compris que rétablir l’ordre à l’intérieur du pays comme à ses frontières priverait Génération Identitaire et son homologue flamand Schild & Vrienden de leur raison d’être. Et ce programme n’a rien de « néo-fasciste » : c’est le minimum syndical pour tout État de droit qui se respecte. Au lieu de chercher la petite bête à leurs malheureux compatriotes flamands, les politiciens francophones feraient mieux de prendre note. Les jeunesses française et flamande ne sont pas les seules à être hantées par l’insécurité et le malaise culturel, et en Wallonie il reste un créneau à occuper.

Nicola Tournay