Droit passerelle: émois, et moi et moi !

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Image par Alina Kuptsova de Pixabay, La pauvreté guette les indépendants. Le droit passerelle est-il correctement pensé?

Vous vous souvenez de cette scène fameuse du film ‘Forrest Gump’, dans laquelle Tom Hanks, assis sur un banc et tenant sa boîte de chocolats pour sa Jenny, est en discussion avec une personne du troisième âge et lui révèle sentencieusement, avant de prendre son bus, une vérité d’une grande sagesse : « Vous savez quoi ? La vie, c’est comme une boîte de chocolats. Vous ne savez jamais ce qu’elle contient. » ?

Et bien, toutes proportions gardées, les Ecolos/Groen de notre plat pays, c’est un peu comme une boîte de notre chocolat national, à la différence notable près qu’ils sont vraiment très très loin de faire notre fierté.  Bref, avec nos Ecolos/Groen, on ne sait jamais ce qu’on aura. Parfois, on a droit à des déclarations pleines d’humour (même s’il est totalement involontaire). Mais le plus souvent, ce sont des sorties médiatiques tragiques de bêtise. 

Il arrive aussi, mais c’est assez rare pour le souligner, qu’ils nous livrent un début de commencement d’analyse rationnelle. La dernière fois notable que cet événement s’est produit, ce fut le 19 novembre dernier, lorsque M. Philippe Defeyt répercuta dans la presse  le résultat d’une étude de l’Institut pour un développement durable, selon laquelle « 45% des cafetiers, restaurateurs et traiteurs bénéficient avec les aides COVID d’un revenu supérieur à ce qu’ils percevaient avant la crise.»  

Prise au pied de la lettre, une telle sortie médiatique, dont le timing fut particulièrement malheureux puisqu’il coïncidait, à quelques heures près, à la mort tragique d’Alysson,  jeune la barbière, emportée par son désespoir, pourrait légitimement susciter une levée de boucliers indignés chez les ‘petits’ indépendants susvisés: elle sous-entend en effet, de manière sans doute plus maladroite que volontaire, que près de la moitié d’entre eux bénéficieraient en quelque sorte d’un effet d’aubaine grâce aux aides ‘COVID’. On sait, en règle,  que tel n’est globalement pas l’état d’esprit qui règne chez les métiers ou professionnels de l’art culinaire, ni plus généralement au sein des ‘petits’ indépendants: ce sont de véritables passionnés, qui n’aspirent qu’à une chose, vivre de leur art ou savoir-faire. 

Au-delà de ces maladresses et même de certains prétendus biais ‘scientifiques’ (comme par exemple la volonté de prendre comme point de référence l’année 2016, pourtant marquée par les attentats de Bruxelles, et, à ce titre, en réalité peu représentative de l’activité professionnelle effective des cafetiers, restaurateurs, etc.), M. Philippe Defeyt et l’Institut pour un développement durable soulèvent des questions pertinentes et sensées quant aux types d’aides à octroyer aux indépendants en cas de pandémie: ces aides sont-elles destinées à protéger les revenus en tant que tels de l’indépendant ou au contraire à permettre et favoriser la reprise de son activité économique ? 

Dans cette dernière hypothèse (i.e., aide à la reprise économique), les aides octroyées doivent-elles servir à couvrir les frais fixes de manière forfaitaire (le même montant pour tous) ou au contraire tenir compte d’autres critères plus spécifiques et plus objectivables, comme le niveau d’endettement ou le degré d’amortissement de l’outillage et des machines ? 

Il convient de reconnaître qu’une telle situation est particulièrement délicate et difficile à appréhender pour le législateur, puisqu’elle l’expose presque mécaniquement à un reproche et au risque de discrimination: on le sait, le simple fait de traiter de manière identique des personnes ou catégories de personnes différentes est en principe constitutif d’une discrimination. A l’inverse, une législation est censée s’appliquer au plus grand nombre, sous peine de devenir elle aussi inconstitutionnelle.  

Si la volonté politique de soutenir financièrement (et temporairement) certains pans ou secteurs entiers de notre économie est en soi un objectif tout à fait louable, elle doit néanmoins être précédée et soutenue par une réflexion approfondie quant aux objectifs intrinsèques des aides à octroyer et quant à leurs modalités de mise en œuvre. 

Plus généralement, la pandémie de la COVID-19 soulève notamment les questions de la pertinence de l’octroi d’un revenu universel et/ou celle d’une adaptation du statut social de l’indépendant, afin que celui-ci puisse également bénéficier d’une allocation de chômage. 

Que le débat commence! 

Gaëtan ZEYEN