Une commission sur la décolonisation n’est ni une urgence, ni une priorité

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Image par Richard Ley de Pixabay Musée Afrique

Alors que le Royaume de Belgique compte encore ses morts, sacrifiés sur l’autel des macabres dysfonctionnements qui ont émaillé la crise sanitaire du Covid 19, le monde politique s’acharne à esquiver le débat sur les questions sanitaires, lui préférant celui sur la décolonisation du Congo. 

Le coronavirus a déjà contraint la Belgique à poser un genou à terre

Chez nous, le coronavirus a fait l’objet d’une gestion de crise typiquement « à la belge »  sur fond de dysfonctionnements en cascade, ceux que d’aucuns – indécrottables optimistes un peu niais – qualifient non sans une certaine bonhomie de ‘surréalistes’. En réalité, nos institutions souffrent d’un morcellement absurde des compétences entre niveaux de pouvoir, d’une absence totale de proactivité, de réactivité et de coordination, d’une communication maladroite, voire hasardeuse, d’un manque de professionnalisme, de décisions prises à l’encontre du sens commun le plus élémentaire, etc. Le coronavirus aura aussi révélé toutes les atteintes du patient Belgique.

A l’instar de l’Europe, notre Royaume se meurt aussi. Politiquement, économiquement et socialement. La formation d’un gouvernement fédéral reste dans l’impasse, tous les indicateurs économiques sont dans le rouge vif et la cohésion sociale se fissure. Lentement et inexorablement, chacun sent que notre pays, tel que nous le connaissions, n’en a sans doute plus pour très longtemps. Fini le pays de cocagne et l’insouciance: la sécurité sociale se vide et les rentrées fiscales sont en berne Le Royaume de Belgique vacille et a déjà un genou à terre. 

La raison et la responsabilité politique commanderaient donc d’agir urgemment et de réunir toutes les forces vives de notre pays pour le redresser ou, à tout le moins, sauver ce qui  peut encore l’être, c’est-à-dire notre liberté et notre prospérité. Et ce dans l’intérêt de tous ! 

Pourtant ce n’est pas la voie que semblent privilégier nos hommes politiques. Ils préfèrent temporiser, cacher la poussière sous le tapis et consacrer leur énergie et l’argent du contribuable à la mise sur pied d’une commission… sur la décolonisation! 

Où est l’urgence décoloniale? 

La mise sur pied d’une commission spéciale ‘covid-19’ est à la fois hautement pertinente  et  grandement souhaitable car elle permettra en principe de tirer des enseignements utiles lors de la survenance de nouvelles épidémies. Les nombreux manquements à tous les étages de la gestion de cette crise sanitaire, qu’il s’agisse des maisons de repos, des masques, des dépistages ou du ’tracing’, plaident en faveur de la mise sur pied d’une telle commission. 

De son côté, la question de la décolonisation du Congo dont on célèbre le 60e anniversaire revêt-elle un niveau d’urgence tel qu’il commande la mise en place d’une commission parlementaire? Où se situe l’urgence? Quel-est le péril pour la population? Notons aussi qu’il y a dix ans, l’indépendance du Congo n’avait pas suscité les mêmes tensions lors de son jubilé. L’empressement de nos élus à s’emparer de cette question n’est-il avant tout lié à l’embrasement communautariste planétaire suscité par l’affaire Floyd? 

Tout ceci reflète avant tout la volonté d’une classe d’hommes politiques, qui choisissent sciemment d’ignorer les véritables défis urgents et majeurs à relever pour complaire à une poignée d’activistes qui animent la fibre indigéniste, panafricaniste (songeons au député francophone Ecolo Kalvin Soiresse Njall, pour qui Lumumba -dont il ne retient que la phase terminale communiste- « est un véritable mythe » et qui fera certainement, au moment opportun, un excellent candidat à un poste de juge à la Cour constitutionnelle), voire franchement racialiste. Ces élus sont-ils réellement mus par le souci du bien-être de la majorité de la population belge ou bien utilisent-ils leur mandat pour décrocher des avantages au seul bénéfice de leur communauté?  

Ces représentants des communautés n’agissent toutefois pas seuls. Sans un assentiment plus large dans la classe politique, leur discours n’aurait qu’une portée marginale. Qui ne dit mot consent… Depuis l’affaire Floyd, ce consentement n’est plus tacite, mais plus qu’explicite dans le chef de nombreuses formations politiques qui ont clairement choisi de tirer politiquement parti de cette vague émotionnelle qui pourrait les aider à liquider plus rapidement que prévu « le monde d’avant ».

En d’autres mots, cette « urgence décoloniale » n’est, en réalité et à certains égards, que le prétexte pour ‘déconstruire’ toujours plus notre société et nos acquis communs et contraindre ainsi le Royaume de Belgique à mettre son deuxième genou à terre. 

Tel ne peut en aucun cas être le dessein de nos hommes politiques et certainement pas à une période qui nécessite de relever des défis autrement plus importants et urgents. Faut-il rappeler que le coronavirus, lui, à l’inverse des antiracistes qui confinent au racialisme, ne s’encombre pas des races ? 

J.-L. Erlovsen