Le gouvernement français a franchi le cap du pire en se lançant dans la plus vile des récupérations, celle de l’assassinat de Samuel Paty, le courageux professeur exécuté par un terroriste islamiste d’origine tchétchène.
Un gouvernement bête et méchant
A la recherche de points d’accroche pour nourrir le russian bashing, les ministres Gerald Darmanin et Sophie Primas, deux ex-LR passés sous pavillon macronien, se sont livrés à la plus odieuse des récupérations politiques en s’emparant de l’assassinat de Samuel Paty dans des conditions effroyables.
Pour rappel, Samuel Paty est ce courageux professeur d’Histoire décapité en 2020 aux abords de son collège par un terroriste Tchétchène pour avoir lancé un débat sur la liberté d’expression autour des caricatures de Mahomet de Charlie Hebdo qu’il a eu l’outrecuidance d’exhiber en classe. Immédiatement après ce cours qui ne devrait même pas faire débat dans une société civilisée, Samuel Paty a été victime d’une traque numérique qui s’est muée en véritable chasse à l’homme. Avec un soutien a minima, sa hiérarchie a tenté de l’amener à un regrettable « pas de vague » en lui demandant de s’excuser auprès de sa classe. On connait la suite dramatique. On a vu aussi les contorsions de l’administration destinées à minimiser sa responsabilité et la diluer dans moult solennités. Pourtant, les faits restent les faits : en France, au XXIe siècle défendre la liberté d’expression peut conduire à la peine de mort par décapitation sur la place publique. Lorsque Samuel Paty s’est retourné, il n’y avait personne, sauf son bourreau. Où était l’Etat de droit dont se gargarisent nos démocrates autoproclamés à chacune de leur apparition devant une caméra? Nulle part comme l’a prouvé quasiment jour pour jour deux ans plus tard en 2023, l’assassinat d’un autre professeur, Dominique Bernard, par un djihadiste d’origine ingouche.
Alors que rien ne peut le justifier, le 12 mars 2025, deux ministres déterrent ces victimes du terrorisme pour servir leur agenda géopolitique. Au menu, le blâme de la Russie. Les terroristes étaient Tchétchènes ; donc Russes. Et voilà la Russie qui porte la responsabilité de ces attentats. Ce n’est plus l’hôpital qui se moque de la charité, c’est l’égout qui se fout des latrines ! Le pire, c’est qu’avec les sorties simultanées de deux ministres, Darmanin et Primas, ça fait furieusement penser à une action gouvernementale concertée, donc préparée.
On imagine le briefing…
- – Là, faut y aller maintenant et frapper fort les esprits avec la Russie. La menace, elle doit prendre corps dans les esprits? Elle doit devenir « existentielle » Qu’est-ce qu’on a en magasin de bien dégueulasse et traumatisant pour rendre le truc « existentiel » ?
- – Le terrorisme… ?
- – Oui ! ça c’est bon ! Ca fait peur, ça dégoute. Ca donne envie aux gens d’avoir un pouvoir fort. Oui, là on est bon.
- Bon OK. Maintenant, qu’est-ce qu’on a pour charger les Russes sur ce terrain ?
- – Les Tchétchènes ?
- – Excellent ! Oui, les Tchétchènes! On va dire que les Russes nous ont balancé leurs terros et qu’ils ne veulent pas les reprendre. La population va tout de suite faire le lien avec la déstabilisation, la menace russe… et exi-sten-ti-elle ! Magnifique ! Validé
- – Et Samuel Paty, c’est pas un peu touchy tout de même ?
- – T’inquiète, ni lui ni Dominique Bernard ne vont pas ressortir de leur tombe pour contester. De toute façon, les auteurs avaient la nationalité russe. Point barre ! Et puis si on peut glisser un « on ne veut pas manipuler les Français, mais… », ça les mettrait encore plus en confiance ; ça ferait le flic gentil. Bon, maintenant que ceux qui ont l’occasion de placer le narratif s’y collent !
Les choses auraient pu peut-être été décidées ainsi. Ou pas. Mais il est hautement improbable qu’elles ne l’aient pas été. Sans le moindre respect pour la mémoire de Samuel Paty ou de Dominique Bernard; sans le moindre égard pour les victimes du terrorisme ; sans la moindre autocritique.
L’absence de décence
Face à cette boue, nous ne pouvons que relayer l’appel à la décence formulé par la sœur de la première victime, Mickaëlle Paty qui s’est exprimée en ces termes dans Le Figaro : «L’attentat contre mon frère ne peut servir les intérêts de la politique étrangère ou politicienne du gouvernement», avant d’ajouter au sujet de l’attentat d’Arras : «S’il est à déplorer que les États ne reprennent pas leurs ressortissants, c’est l’État français qui a refusé, sous la pression de militants de gauche, d’expulser la famille du terroriste qui a tué Dominique Bernard».
Comment la France, au même titre que la Belgique, qui tire tant d’orgueil à se profiler comme la terre d’asile de l’internationale du djihadisme ose-t-elle incriminer la Russie qui n’a pas hésité à « vitrifier » la Tchétchénie pour éradiquer les poches djihadistes en menant une guerre sans merci ? Là où la Russie combat ses djihadistes nos grands démocrates s’empressent de les accueillir et de les entretenir, au grand dam de la Russie qui n’a eu de cesse de nous mettre en garde depuis des décennies sur les dangers d’une politique d’asile « super-libérale » ! Là où la Russie a combattu le djihadisme, nos chers élus ont payé, avec notre argent, dix fois le prix d’une « paix sociale » qui ressemble à s’y méprendre à une inextricable guerre de religion maintenant l’ennemi est dans la place.
Ceux qui construisent le narratif, ceux qui sont aux sources du Russian bashing visent à réduire notre dissonance cognitive. Maintenant que la Russie n’est plus le partenaire qui nous vendait des ressources énergétiques à un prix raisonnable, il faut ternir son image, la blâmer de tous les maux. Si le narratif prend, il en sortira l’écran parfait qu’attendent nos représentants pour dissimuler leur fuite en avant.
Imaginez l’intérêt de se retrancher derrière un « état de guerre » pour justifier les pires atteintes à la liberté d’expression, les plus inimaginables prédations sur nos comptes, l’endettement pour 1000 ans. Et tout cela avec l’assentiment, si ce n’est la dévotion d’une population reconnaissante qui voit en ses représentants autant de Jean Moulin, de Jeanne d’Arc et de Général de Gaulle ! C’est la Russie, mais cela aurait pu être le Paraguay, la Mongolie ou le Zimbabwe si l’occasion s’était présentée.
Désigner une menace étrangère reste la meilleure porte de sortie pour ceux qui se sont trompés sur à peu près tout, de la désindustrialisation, à la guerre contre terrorisme en passant par le narco-trafic. Un ennemi extérieur, c’est supposé souder à l’intérieur. Toutefois, si la société est fracturée dans ses fondements, et tout porte à le croire, cette tentative chimérique de recoller les morceaux se soldera un jour ou l’autre par les pires exactions.
Comme les USA de Trump, la Russie de Poutine, plutôt que de susciter la peur panique devrait nous amener à nous poser des questions rationnelles sur l’efficacité de notre système, un système qui nous conduit à la barbarie, à la précarité, à l’immobilité, au narcotrafic… Oublions la Russie. Oublions Trump. C’est hors-sujet. Et cette absence de lien confirme le flagrant délit de récupération politique. Regardons notre Europe. Replongeons-nous en 1970 et mesurons le reflux de nos libertés et l’avancée des entraves.
Cessons d’être les otages d’une communication qui vise à nous piéger dans l’émotionnel et à rejeter la faute sur autrui. Regardons les faits et les personnes avec rationalité, au risque de découvrir avec effroi ce qui se cache parfois sous les habits d’un ministre.
Thierry Henrion