UKRAINE: clash de fin pour le modèle kénneysien?

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La Maison Blanche envoie son économie en cure de désintoxication. Photo de Aaron Kittredge sur Pexels
La Maison Blanche envoie son économie en cure de désintoxication. Photo de Aaron Kittredge sur Pexels

Sans revenir sur la genèse et les étapes de la guerre en Ukraine, le clash du 28 février 2025 entre Zelenski et le tandem Trump-Vance dans le bureau ovale de la Maison Blanche est historique. Nous avons assisté en direct et en mondovision à la « recomposition » du bloc occidental. C’est à la fois Yalta et tout le système économique mondial qui risquent de voler en éclat.

Autant en emporte l’impôt

Donald Trump est un homme d’affaires, chimiquement pur. Il se bat pour l’émancipation de l’économique vis-à-vis du politique. Son projet est une sorte de croisade contre le keynésiannisme. Cette vision de l’économie à l’œuvre dans le « monde libre » dès les années 1930 propose une intenable voie du milieu. A mi-chemin entre libéralisme et dirigisme, c’est en réalité un oxymore. Aujourd’hui, le scandale USAID révèle ses ravages sur l’économie US. Entre l’un ou l’autre, il faut choisir. Pour Trump, le rejet du dirigisme est une urgence absolue.

L’Etat providence, sacralisé par nos social démocraties, implique le détournement massif des richesses produites par les contribuables. L’essentiel, ce sont les projets. Peu importe l’objectif, pourvu qu’on ait l’emprunt ! Cette agitation économique crée un courant supposé entraîner la prospérité des entreprises qui le rendront bien à l’Etat nounou. On dirait des fourmis avec leurs pucerons. Le Plan Marshall, l’économie de guerre (Irak, Afghanistan, Ukraine,..), le Green Deal, le soutien au secteur associatif, l’élargissement indéfini de l’UE… Tous ces projets sont d’exemples du keynésianisme. L’emprunt, comme les stupéfiants, au début, permet de se dépasser, avant de vider de sa substance celui qui y recourt. Nos niveaux d’endettement sont éloquents….

L’argent prélevé au contribuable se retrouve dans l’escarcelle de l’exécutif. Dans les systèmes qui reposent sur des coalitions, la manne sera répartie entre les différents partenaires, chacun le redistribuant à ses clients. En général, ceux qui hurlent le plus fort sont les mieux servis. Ceci conduit au gaspillage de sommes folles pour soutenir des secteurs entiers, quelles que soient leur utilité ou leur nocivité. Ce phénomène est parfaitement visible aujourd’hui avec les négociations pour la formation du gouvernement bruxellois où l’Ecolo Zakia Khattabi pose comme condition à sa participation le maintien des subsides aux officines écologistes. Cette réaction à l’échelle du petit cloaque bruxellois est reproductible à tous les niveaux irrigués par « l’argent magique ».

Rendons à César ce qui revient à César. Javier Milei est le premier à avoir attaqué le « système » sous cet angle économique. Son #AFUERA a probablement contribué à formaliser la pensée trumpienne. Celle-ci pourrait être résumée comme un syncrétisme qui parvient à mêler des éléments a priori antagonistes comme le libertarianisme et le régalisme, le mondialisme et le protectionnisme, la liberté d’expression et l’anti-wokisme.

Aujourd’hui, sous l’impulsion de Trump, les Etats-Unis ont opéré un retournement brutal et historique pour se défaire de tout ce qu’ils ont été depuis le XXe siècle prenant de court les Européens et leurs alliés qui les ont suivis dans le mirage, comme l’Ukraine.

En s’écartant de la fatalité de l’endettement, les Etats-Unis entrent dans une nouvelle ère. Comme ils constituent la base de l’immense pyramide de Ponzi qui anime l’Occident, ce shift est de nature à entraîner l’effondrement du système. L’Ukraine en fait les frais. Elle n’en n’est pas la cause. C’est une victime collatérale. Trump entend drainer le marais de Washington. Cette guerre contre la corruption ne se limite pas aux Démocrates. Elle s’étend à tous ceux qui font prospérer leur entreprise en dépouillant le contribuable US. C’est parce que Washington est le plus grand marigot (suivi de près par Bruxelles), qu’il a débordé largement en infectant toute la terre comme l’a illustré le programme USAID.

A ce titre, les Européens incarnent tout ce que Trump abhorre : des parasites suicidaires, lâches et inefficaces. L’Ukraine d’un Zelenski marionnette maraboutée par les irresponsables Hollande, Merkel et Boris Johnson ne trouve pas grâce à ses yeux. Sans compter le soutien que Zelensky a apporté à Kamala Harris durant la campagne présidentielle en s’affichant aux côtés de celle-ci fin septembre 2024 considérant l’élection comme une affaire pliée. Une arrogance qui ne date pas d’hier puisque le même Zelensky s’était illustré en 2019 par sa passivité dans le cadre des accusations de corruption contre le fils de Joe Biden, Hunter au sein de la holding ukrainienne Bursima. Celui-ci n’échappe à sa peine qu’à la faveur de la grâce accordée par papa.

Bye Bye Yalta ?

Assistons-nous au dernier acte de la Guerre froide qui n’en finit pas de rebondir ? Hier encore, l’Europe occidentale s’imaginait à jamais protégée par l’Oncle Sam. Cette vassalisation lui a permis d’éviter de très substantielles dépenses militaires depuis des décennies. Si les USA ont offert un tel cadeau, c’est qu’il était un peu empoisonné. Le plan Marshall, c’est un crédit (un endettement…) qui a relancé les Etats-Unis en enfermant l’Europe dans une liaison ancillaire au long cours.

En 1989, la chute du mur a été vécue par certains comme un triomphe du libéralisme sur le communisme. Elle a inspiré à Fukuyama son célèbre article « La Fin de l’Histoire ». La guerre des Balkans a pourtant prouvé que les deux blocs étaient toujours d’actualité et que l’Histoire allait continuer. Les révolutions colorées dans les anciennes républiques soviétiques l’ont confirmé. En 2008, le sommet de Bucarest scelle la trahison dans le marbre en promettant inconsidérément l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan.

Entretemps, la Russie a adopté la flat-tax et aboli les droits de succession. L’Europe «social-libérale »,  elle, s’enfonce dans la réglementation malheureuse avec un acharnement que les pays communistes ont remisé depuis des décennies ! Les images sont parlantes. Alors qu’en Chine les vélos ont cédé la place aux voitures, sur le Vieux Continent, on détruit des routes pour les transformer en pistes cyclables. Ce n’est pas qu’un symbole. C’est une idéologie et elle n’a rien de libéral. Finalement, c’est le communisme qui a changé de camp !

Aujourd’hui, Trump (mais un Démocrate agirait-il vraiment différemment ?) se détourne d’une Europe qui part en roue libre dans des croisades aussi ridicules qu’inutiles. Cette Europe qui lui achète désormais son gaz à un prix tellement plus élevé que celui qui venait de Russie n’est plus sa priorité. En attaquant son ancien partenaire russse avec autant d’agressivité, l’UE s’est condamnée toute seule à ne plus disposer d’énergie abordable avant des décennies avec toutes les conséquences sociales, économiques, politiques et géopolitiques que cela implique. En effet, elle a surtout amené la Russie à un rapprochement inédit avec la Chine. Insupportable pour les Américains…

Non, Trump n’est pas sous l’emprise de Poutine. Par contre, il est certainement déterminé à ne pas le laisser filer avec Xi. Plus malin que les Européens, il pourrait bien les doubler en nouant des relations cordiales avec la Russie. L’Europe, qui ne peut même plus compter sur l’Afrique où elle est tombée en disgrâce, sera bien seule pour gérer le lourd héritage des von der Leyen, Charles Qui ?, Kallas et autre Verhofstadt. A moins que sa population, dans un sursaut de survie, ne se venge dans les urnes.

Les Etats-Unis ont entraîné l’Europe durant des décennies dans leur addiction à l’argent magique. Pour satisfaire leurs besoins, ils l’ont dealé aux Européens en entretenant une dépendance dévastatrice. Mais voilà, la Maison Blanche a décidé d’envoyer le pays en cure de désintoxication. Make America Great Again… Tout le monde était prévenu et c’est bien pour cela que tout, y compris l’assassinat a été tenté pour l’empêcher de passer à l’action. Désormais il ne reste aux Européens qu’à survivre en se passant des dopants économiques. Toutefois, les élites européennes pourraient bien être tentées de piller leurs industries et leur population jusqu’au dernier sous, jusqu’à la ruine du continent.

L’Ukraine était le sujet du 28 février. Mais le programme est bien plus vaste…

Tatiana Hachimi