REFORME DU CODE PENAL: PRISON, SORS DE CE CODE!

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Réforme du code pénal: la prison, hors du code
Réforme du code pénal: la prison, hors du code. Image Pixabay deeCDD20

Comme souvent, la Belgique s’illustre par son art de se montrer à la fois avant-gardiste et à côté de la plaque. Cette fois, le petit royaume libéral s’apprête à enterrer la prison à l’occasion de la réforme de son code pénal, initialement largement hérité de l’époque napoléonienne.

Alors que notre pays connaît une augmentation significative de toutes les formes de délinquance selon les derniers chiffres qui portent sur l’année 2022, notre gouvernement porte à son terme la réforme du Code pénal rédigé en 1867.

Une volonté de changement idéologique

Si on peut comprendre qu’au fil du temps de curieux décalages soient apparus dans le texte comme un article relatif à l’attribution de titres de noblesse ou tel autre sanctionnant les troubles à l’ordre public dans les halles aux grains nécessitant une actualisation, le choix de faire de la prison « l’ultime remède », lui, s’apparente clairement à un choix idéologique.

Pour justifier cette volonté de faire de la répression un remède hors-la-loi, le ministre de la Justice, le libéral flamand Van Quickenborne, se retranche derrière des études (dont le financement dépend de près ou de loin des autorités en place…)  pour justifier sa préférences des peines (anciennement) alternatives tel que les travaux d’intérêt général en soutenant qu’ « il a été scientifiquement prouvé que ce type de peines amènent de manière plus efficace les délinquants à se repentir et protègent ainsi mieux la société contre la récidive ».

C’est sans compter que LA science n’est pas univoque sur la question de l’approche à adopter en matière de délinquance. Ainsi, les études sur lesquelles le ministre entend s’appuyer vont à l’encontre d’autres recherches menées aux Etats-Unis, qui au contraire mettent en avant les bénéfices d’une approche répressive plus précoce. C’est notamment le cas de la théorie du carreau brisé (broken window theory). En substance, cette hypothèse présente les détériorations mineures de l’espace public comme la cause d’un délabrement plus général du cadre de vie et des comportements des individus qui y vivent. De façon concrète, ce constat a amené certains décideurs politiques à sanctionner sévèrement les faits les plus mineurs. Ainsi, tout le monde gardera à jamais en mémoire la politique de tolérance zéro mise en place par l’ancien maire de New-York, Rudolph Guliani, qui permit de rendre à nouveau viable la mégapole rongée par des décennies de violence et de faire reculer de 57% la criminalité entre 1994 et 2000 !

Compte tenu de ces résultats spectaculaires et mesurables sur le terrain obtenus à l’époque Outre-Atlantique, il est très difficile d’imaginer qu’une politique inverse, c’est à dire la tolérance ad nauseam, puisse améliorer les (très mauvais) chiffres de la criminalité en Belgique.

Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre le processus. Laissons aux docteurs en criminologie le soin de gloser sur le fameux sentiment d’insécurité qui offre une si belle porte de sortie aux ministres successifs pour se défausser.

Quand les moyens justifient la fin

Reste une question : pourquoi faire le choix de l’inefficacité jamais démentie, en somme celui du laxisme, contre celui de la répression bien ciblée ?

Comme souvent, pour une question de moyens. L’enfermement coûte cher. Très cher ! Dans ce contexte, plus aucun gouvernement social démocrate n’engagera les moyens nécessaires pour se doter des outils qui permettraient de mener une politique carcérale ferme mais néanmoins intelligente. En bon conglomérat d’apparatchiks de passage au sommet, il préfèrera gérer le problème en surface, avec les mots, au risque de plonger la société dans une violence endémique et les juges dans le désarroi le plus total.

En effet, si malgré la politisation de la magistrature il existe dans notre pays encore des juges qui disposent de la volonté de sanctionner la délinquance, ce genre de réforme délétère leur coupe les ailes et le peu de motivation qui leur restait.

Pourtant, les Etats-Unis nous offrent l’exemple d’une démocratie qui ne recule pas devant la question de la violence. Là-bas, on a préféré régler le problème du financement de la politique carcérale en se tournant progressivement vers l’externalisation, la privatisation des prisons, un choix qui offre l’avantage de ne pas faire peser les coûts sur le contribuable. Par ailleurs, lorsque les prisons accueillent principalement des primodéliquants, elles ne produisent pas cet univers ingérable et dantesque qui concentre des criminels aguerris peu enclins à l’amendement.

Si certains critiquent les USA pour leur niveau de violence, il faudrait surtout se demander ce qu’il en adviendrait avec une politique carcérale à la belge…

T.H.