La Banque Nationale de Belgique (BNB) est la banque centrale qui détient le privilège et le monopole de l’émission de monnaie dans notre royaume. Outre la stabilité des prix, elle veille également à assurer la liquidité dans le marché monétaire. La Belgique étant dans la zone euro depuis sa création en 1999, la franc belge est remplacé par l’euro émis par la banque Centrale européenne et relayé par la BNB dans le pays. En plus de la surveillance des banques privées, la BNB assure également un suivi minutieux de la situation économique nationale et publie régulièrement des analyses disponibles sur son site.
L’indépendance de la BNB
Son Gouverneur, actuellement Pierre Wunsch, s’exprime régulièrement sur la santé de l’économie lors d’interviews et de présentations. La BNB, comme toute banque centrale, est responsable de la politique monétaire tandis que le gouvernement est responsable de la politique budgétaire. Le tout forme ce qu’on appelle communément le policy mix.
Il est important de noter que le principe qui prévaut dans l’exercice de ces deux responsabilités est l’indépendance. Il est interdit à la BNB de s’immiscer dans la politique budgétaire exercée par le pouvoir exécutif tandis que ce dernier doit s’abstenir de toute intervention dans la gestion de la monnaie. C’est ici le sacro-saint principe d’indépendance de la banque centrale.
Particularisme belge, s’il n’y a pas de banque centrale au niveau régional, la monnaie étant une compétence nationale et supranationale en raison de l’euro, il y a dans notre pays trois régions, chacune dotée d’un gouvernement et donc d’un pouvoir exécutif pour conduire la politique budgétaire régionale. C’est le cas notamment de la Wallonie.
Constat lapidaire
Récemment, lors d’une récente interview accordée à la revue Louvains, Pierre Wunsch a déclaré que, avec 70% de dépenses publiques en rapport du PIB à l’horizon 2021-2022, la Wallonie sera plus proche d’un régime communiste que d’un régime néo-libéral, provoquant dès lors l’ire et l’indignation d’Elio di Rupo, ministre-président wallon. Dans la foulée, de nombreux mandataires socialistes ont suivi leur Ministre-Président pour dénoncer une prétendue immixtion du gouverneur dans les affaires de l’exécutif.
Rappelons au passage, que le Parti Socialiste règne en maître absolu sur la Wallonie depuis plus de 40 ans. Irrités par l’image sulfureuse du PTB et de ses penchants marxistes-léninistes douteux, il est assez logique que les pontes du PS jouent les vierges effarouchées.
Un régime quasi-communiste
Un régime communiste est caractérisé par la nationalisation des moyens de production et l’abolition de la propriété privée. Avec un ratio de 70% (dépenses vs PIB), il est indéniable que la Wallonie se rapproche du modèle communiste en engloutissant les sept dixièmes de sa production dans des institutions, des administrations et des entreprises publiques au fonctionnement opaque et à l’efficience questionnable. C’est un constat lapidaire mais juste.
Nous sommes très loin du modèle singapourien et de sa flexibilité. Il est somme toute cohérent que ce régime quasi-communiste soit l’aboutissement de la mainmise du PS et des politiques qu’il a impulsées. Par politique, il faut plutôt entendre « système » que « programme » car le PS s’est surtout affairé durant toutes ces années à tisser sa toile étatique jusque dans les moindres recoins de toutes les administrations wallonnes, à étendre son pouvoir jusqu’aux plus d’obscures ASBL subventionnées (dont le coût du personnel n’est pas intégré dans le calcul de la masse salariale des fonctionnaires, faut-il le rappeler!).
Pleine dérive
M. Wunsch énonce ici une évidence. La vérité fait mal et le PS le vit mal. On peut le comprendre, ses mandataires successifs ont fait de la Wallonie une zone sinistrée sur le plan économique. Plus récemment, ils ont complètement raté la trajectoire budgétaire qui, rappelons-le, devait mener les finances wallonnes à l’équilibre pour 2024, année à partir de laquelle les fameux transferts Nord-Sud iront decrescendo. Ici, on est en pleine dérive.
Déjà annoncé en septembre 2019, la dette wallonne devait exploser à 20 milliards d’euros à cet horizon. A ce stade, la crise du coronavirus n’a pas encore été prise en compte. Si les fonctionnaires wallons ont continué à percevoir leur salaire pendant le confinement (et ont même pu mettre de côté en raison de la quasi-impossibilité de consommer), la source des rentrées fiscales et sociales s’est tarie. Il y a un gros trou à combler. Et la reprise graduelle de l’activité économique, déconfinement oblige, ne se fera que très lentement. Le retour de l’économie wallonne à une vitesse de croisière sera d’autant plus retardé par le poids de la dette et la pression fiscale.
Avec des rentrées en forte baisse et des dépenses en hausse, on voit mal comment l’estimation de Pierre Wunsch, qui est aussi un économiste chevronné pour rappel, pourrait s’avérer erronée. Les finances wallonnes sont dans le rouge et le maintien du système actuel ne doit son salut qu’aux transferts Nord-Sud, à la rage taxatoire et au recours à l’emprunt (cet argent magique dont nous avons déjà énumérés à plusieurs reprises les effets indésirables).
Pas de dérapage
Dans la même interview, M. Wunsch a également exprimé son inquiétude en rappelant à juste titre que la chute du PIB national devrait atteindre les 9% en fin d’année. Il s’inquiète aussi du déficit budgétaire estimé à 6% l’an en 2021 et 2022, ce qui est intenable, notamment avec un ratio dette/PIB national aux alentours de 120%. Dans la foulée, il énonce à juste titre que les tensions institutionnelles ne sont toujours pas apaisées alors que la structure économique dans le Sud du pays dépend des transferts de la Flandre.
En effet, nous pouvons ajouter à cela que notre gouvernement est toujours en affaires courantes, ce qui freine les projets d’investissement et de créations d’emplois dans le chef des entrepreneurs au niveau local.
Il est évident que son intervention est non-partisane et que, fidèle à son rôle de Gouverneur, Pierre Wunsch a exprimé des inquiétudes légitimes quant à la pérennité économique du modèle belge et de ses particularismes. Son analyse est froide mais lucide. Tout au plus a-t-il implicitement rappelé à l’exécutif sa responsabilité dans la conduite de la politique budgétaire, ce qui implique la stabilité des finances. Le Gouverneur n’est pas sorti de son rôle en posant ce constat économique sombre. En aucun cas M. Wunsch n’a dérapé.
Bateau ivre
En somme, la Wallonie vit à crédit et la situation est intenable à terme. Comment compte-t-elle payer les pensions, le chômage, les allocations familiales et les soins de santé à l’horizon 2025 après que leur régionalisation soit effectivement mise en oeuvre? Un nouveau plan Marshall ? Un grand emprunt ? Nul ne le sait.
Ce qui est sûr, c’est que le mur de la réalité est proche et qu’il ne servira à rien de blâmer le grand satan néo-libéral alors que le naufrage du bateau ivre Wallonie est le résultat d’un capitaine PS qui a définitivement perdu le Nord. Sa boussole nous indique un seul cap, celui de la servitude.
Jules Alove