Neerpede, encore un écocide au nom de l’écologie ?

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Neerpede, un écocide programmé
Neerpede, un écocide programmé. Image par Christine Sponchia de Pixabay

Une fois de plus, sous prétexte d’écologie et d’inclusion, les autorités bruxelloises promeuvent la destruction de l’environnement. Aujourd’hui, un de leurs projets de bassin de baignade porté par Bruxelles environnement menace un écrin de verdure aux confins d’Anderlecht sous prétexte de « renaturation » d’un espace qui ne les a pas attendus pour se reverdir par lui-même. Pour ceux qui suivent le massacre de la friche Josaphat à Schaerbeek, il y a comme un triste goût de déjà-vu. A la manoeuvre, le tandem Maron-Trachte avec la bénédiction de Rudi Vervoort et celle de Elke Van den Brandt. Très enthousiaste aussi quand il s’agit de promouvoir la baignade en plein air à Bruxelles, le secrétaire d’Etat bruxellois Pascal Smet. En somme, revoilà la fine équipe du plan Good Move…

Quand la nature reprend ses droits

Neerpede, à l’Ouest d’Anderlecht, est un ancien hameau qui a conservé encore certains éléments de ruralité. Situé dans le Pajottenland, en son temps, Pierre Breughel l’Ancien y a posé son chevalet pour peindre des scènes de la vie quotidienne qui font aujourd’hui toute sa renommée.

Pas intégralement épargné par les siècles d’urbanisation qui ont suivi, cet espace à la lisière de la ville s’est retrouvé partiellement minéralisé. Néanmoins, parce que la nature finit toujours par reprendre ses droits (sans intervention de l’Homme), tout un écosystème s’est installé sur ce périmètre précédemment modifié par des interventions humaines. L’équilibre qui y a vu le jour fait aujourd’hui le bonheur de la faune, de la flore, des riverains… et même celui de promeneurs venus de bien plus loin pour profiter de ce poumon vert et, pour certains, y admirer de nombreux oiseaux.

Alors que tout le monde y trouvait son compte, Bruxelles Environnement entend totalement retravailler le parc du Neerpede pour « renaturer » l’ensemble de la zone. Ainsi, le chantier prévoit par exemple de casser des berges bétonnées. Est-ce réellement nécessaire ? La faune et la flore se sont développées sur les infrastructures existantes. Elles ont exploité le biotope existant et y ont trouvé les ressources nécessaires pour prospérer. Faut-il dès lors que l’Homme, en l’occurrence l’homme politique, mette à mal ce nouvel équilibre pour en reconstituer -si tout va bien- un autre qui selon ses critères sera plus naturel ? Quel crédit accorder à cette intervention humaine sur l’intervention de la nature pour recréer un environnement « naturel » ? C’est aussi en ces termes que se pose à Schaerbeek le problème de la friche Josaphat qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours et qui pourrait bien déboucher sur une ZAD en pleine ville…

Disneylandisation du patrimoine

Une question qui se pose à l’occasion de toute intervention sur le patrimoine, quel qu’il soit : faut-il faire tenter de reproduire « l’original ». Ici, la nature, ou, au contraire, laisser apparentes les interventions humaines ? En matière d’archéologie, de nos jours, il est recommandé de ne pas masquer les interventions et de ne pas tomber dans l’imitation. Au contraire elles tendent à être réalisées de façon intelligible et se distinguent des restaurations typiques du XIXe qui consistaient à faire « plus vrai que nature ». Etrangement, en matière de patrimoine naturel, les autorités semblent avoir ouvertement opté pour la « Disneylandisation » des paysages que ce soit à Schaerbeek ou à Anderlecht. On notera qu’à Tournai, le pont des Trous, un joyau gothique du 13e siècle, aura droit aussi à sa reconstitution de pacotille alors qu’un contournement aurait été possible. Certes, cela a un coût. Mais si on juge que le patrimoine a une valeur, quoi de plus logique que de mettre le prix pour le sauvegarder ?

Si pour nous, quidam, la nature a une valeur, certains voient au contraire le prix du mètre carré à bâtir. C’est le cas des promoteurs. C’est aussi indirectement le cas de certains élus. Car, ne l’oublions pas, ils sont rémunérés au nombre d’habitants de leur commune. En Belgique, grâce à ce système très avantageux, le bourgmestre de Charleroi gagne plus que le Président de la France, et cela, sans inclure les autres mandats politiques rémunérés dans telle ou telle asbl. Ainsi, tout ce qui contribue à fixer une population sur le territoire à travers la construction de logements ou indirectement à travers des services offerts à leurs administrés joue en faveur de l’augmentation de leurs émoluments.

Dans cette perspective, faut-il s’étonner que des élus s’acharnent à « renaturer » des espaces, voire à les construire ? Un chantier, ce sont toujours des taxes et des permis. Parfois, des « amis » et des chimères aussi, comme l’illustre « Cristal Park », un méga projet avorté à Seraing. Un véritable cas d’école, comme s’il en manquait…

Force est surtout de constater que l’écologie offre un extraordinaire prétexte pour lancer des chantiers tous azimuts. A Neerpede, on instrumentalise les canicules pour justifier des espaces de baignades. Idem concernant la friche Josaphat que les porteurs du projet immobilier qualifient d « ’îlot de chaleur ». Dans les deux cas, les promoteurs promettent de faire mieux que la nature…

L’homme est-il capable de reproduire celle-ci ? Non. Au mieux peut-il l’artificialiser de façon à en donner l’illusion. Et dans le projet de bassin de baignade, c’est d’autant plus vrai que la qualité de l’eau de baignade imposera des dispositifs de filtration qui n’ont rien de naturels. En somme, ce projet est à la nature ce que le façadisme est à l’architecture. N’oublions jamais que le terme de « bruxellisation » qui figure dans tous les manuels d’architecture non loin de « chancre urbain » dans les rayons des pathologies du bâti provient des « worse practices » si répandues à Bruxelles ! N’oublions pas qu’à Bruxelles, une longue succession d’élus incultes a eu la peau de joyaux de l’Art Nouveau… A Bruxelles, le patrimoine, qu’il soit naturel ou architectural, ne constitue pas une priorité politique. Rien d’étonnant donc à ce que les autorités proposent aujourd’hui un projet qui conduit à une caricature de la nature.

Une piscine, deux piscines, trois piscines, quatre piscines … et plus si affinités !

Bruxelles n’a pas de piscine ouverte. C’est vrai, c’est un manque. Ce qui est bien dommage c’est qu’il y en a eu par le passé, à Molenbeek ou encore à Evere. Mais les infrastructures ont étés abandonnées et puis détruites. Avant d’en reconstruire de nouvelles, il faudrait  se pencher sur les éléments qui ont conduit à la condamnation de ces espaces afin d’en tirer les leçons.

Or, lorsque l’on se tourne vers Pooliscool, le lobby bruxellois de la baignade en plein air pour tous, on réalise que Bruxelles ne se lance pas dans un projet, mais dans quatre projets de baignade en plein air. En effet, outre le projet de bassin de natation du Neerpede, il y a un projet de piscine sur le toit des Abattoirs d’Anderlecht ainsi que la piscine temporaire Flow sur le canal qui a été installée sur deux saisons. A tout cela, ajoutons une autre initiative, communale cette fois, celle du bassin Beco, toujours sur le canal dont les premiers coups de pelle sont prévus pour 2026.

Compte tenu de cette future offre pléthorique de plans d’eau qui ont tout à fait leur place dans un environnement minéralisé comme les toits d’Anderlecht ou les berges bétonnées du canal de Bruxelles, est-il bien utile de créer un bassin dans une zone humide qu’il faudra condamner en commençant par y abattre 39 arbres?

Une autre question se pose encore, celle de la sécurité. Depuis quelques années, les espaces de baignade en plein air sont le théâtre de violences. Ce fut le cas à Huizingen, dans le Brabant flamand, où la province a décidé de fermer la piscine extérieure. A Hofstade, le plan d’eau a défrayé la chronique en 2011 lorsque 200 « jeunes bruxellois » ont organisé une émeute. Les infrastructures de Flow ont elles aussi fait l’objet d’un saccage durant la période d’hivernage. Quand on apprend que le plan d’eau du Neerpede devrait accueillir près de 2000 baigneurs par jour, on imagine que cette pression ne sera pas sans conséquence sur la tranquillité de la faune ni celle des riverains.

Le collectif « Sauvegardons Neerpede », à l’image de « Sauvons la friche Josaphat », entend lutter pied à pied pour défendre son écrin de verdure et ne compte pas tomber dans le panneau du greenwashing, fut-il porté par un ministre régional d’obédience écologiste.

Si la défense de ce petit coin de nature vous motive, même si vous ne résidez pas à Anderlecht, n’hésitez pas à prendre part à l’enquête publique et à exprimer votre avis avant le 14 avril.

Vous pouvez envoyer vos commentaires à cette adresse:

commissiondeconcertation@anderlecht.brussels
avec la référence
ENQUETE PUBLIQUE NEERPEDE PU 52806 et PE 62023

T.H.