MERKEL: seize ans de gouvernement – une courte rétrospective

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Angela Merkel
Image par janjf93 de Pixabay, Angela Merkel, le coronavirus et le déclin de l'Occident.

Un texte de DAVID ENGELS

Très bientôt, et néanmoins de nombreuses années trop tard, le règne d’Angela Merkel va enfin prendre fin : seize interminables années qui ont profondément affecté l’Allemagne, et dont nous récolterons bientôt tous les fruits en Europe. Pour bien analyser cette période charnière de l’histoire de l’Allemagne moderne, il faudrait soit remplir des volumes entiers de documentation, soit la résumer à quelques lignes.

Que retenir des années Merkel?

Ce qui saute aux yeux, c’est la « gauchisation » de plus en plus prononcée de la CDU, le parti politique d’Angela Merkel : initialement solidement ancré dans les valeurs chrétiennes et l’économie sociale du marché, la CDU a systématiquement abandonné les valeurs conservatrices au profit de la bienpensance actuelle et a délaissé la classe moyenne au profit d’un clientélisme visant, d’un côté, les masses appauvries et, d’un autre, quelques grands lobbies.

Énumérons, pêle-mêle, et sans soucis d’exhaustivité, quelques points qui viennent spontanément en tête en faisant le bilan de ces seize dernières années : immigration d’un à deux millions de « réfugiés » en Allemagne, vague meurtrière de terrorisme, écrasement de l’économie grecque lors de la crise de l’euro, lois de censure limitant la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, interférence directe dans le résultat d’élections libres comme en Thuringe, sortie désorganisée du nucléaire et du charbon, criminalisation de toute critique des mesures covid, politisation de la cour constitutionnelle allemande, destruction du mécanisme Dublin sur l’accueil de demandeurs d’asyle, pénurie énergétique gravissime, instrumentalisation politique du service de « protection de la constitution », dépendance grandissante du marché énergétique russe, légalisation du mariage et de l’adoption homosexuels, banalisation de l’euthanasie, mise en incapacité totale des forces de défense allemandes, explosion de la criminalité, privation des personnes non-vaccinées de leurs droits constitutionnels, polarisation sociale de la population allemande, refus de payer les contributions dues à l’OTAN, flambée des prix, vieillissement dangereux des infrastructures, augmentation des crimes contre les intellectuels et politiciens de « droite », mise en péril de l’industrie automobile, montée de l’antisémitisme (musulman), banalisation des crimes de la RDA, manipulation des médias libres par une politique systématique de subside, interférence dans les affaires intérieures des voisins européens, mise en place d’un dispositif légal mettant entre parenthèses les droits fondamentaux pour mieux lutter contre le « réchauffement climatique », hausse des impôts, aggravation des relations avec l’Angleterre, la Pologne et la Hongrie, etc.

Certes, bon nombre de ces points ne sont pas de l’entière responsabilité d’Angela Merkel, car sans cette radicalisation à gauche de l’opinion publique que nous constatons partout dans le monde occidental et, bien évidemment, sans le consentement de son propre parti désireux de se cramponner au pouvoir même au prix d’un abandon total de ce qui définissait la démocratie chrétienne il y a trois générations, cette évolution aurait été impensable. Néanmoins, il ne faut pas non plus sous-estimer l’importance capitale de l’Allemagne contemporaine dans le cadre de ce phénomène : construite presque exclusivement sur ce mélange curieux entre culpabilité historique pour les crimes du Troisième Reich et arrogance morale découlant de sa conviction d’avoir « appris de ses erreurs », l’Allemagne était le terroir prédestiné pour une idéologie de gauche ou se mélange messianisme communiste, masochisme occidental, naïveté économique et surtout l’auto-satisfaction d’être du « bon côté de l’histoire ».

Ainsi, Merkel, elle-même socialisée sous la dictature communiste de la RDA, est à la fois un produit de l’histoire de son époque et un catalyseur de toute une série de tendances de plus en plus néfastes pour notre vieille civilisation. Que ce soit la dévalorisation de la vie humaine par l’avortement, l’euthanasie et le transhumanisme ; la relativisation de la famille naturelle par les absurdités de la théorie du genre et de l’idéologie LGBTQ ; la destruction de la classe moyenne par un activisme anticapitaliste trop lâche pour s’attaquer aux grandes corporations ; l’évincement de la démocratie par l’influence des institutions internationales, des cours de justice politisées, du clientélisme et de la bureaucratie ; la désindustrialisation volontaire de l’Europe par le transfert des capitaux et des connaissances vers l’Asie et les divagations des théoriciens du réchauffement climatique ; l’instrumentalisation juridique des « droits humains » par une élite européenne voulant imposer ses choix idéologiques à l’entièreté du continent ; la diabolisation et la persécution systématiques du conservatisme au nom de la lutte « antifasciste » ; la chute démographique vertigineuse des Européens autochtones ; l’accroissement de plus en plus menaçant de sociétés parallèles d’origine immigrée refusant l’intégration culturelle et imposant de plus en plus leurs propres coutumes ; le déclin effarant des écoles et universités par la politisation de l’enseignement scolaire et la « démocratisation » des universités mises au pas idéologique par une logique purement économique – toutes ces évolutions, Merkel ne les a pas proprement causées en Allemagne, mais elle les a clairement confirmées et accélérées. Et en se servant du poids politique et économique de l’Allemagne, elle a tout fait pour les imposer partout dans l’Union européenne, aliénant en cours de route de nombreux partenaires importants comme le Royaume Uni, la Pologne ou la Hongrie.

L’illusion Merkel

Comment expliquer alors la fascination de beaucoup de personnes (surtout à l’étranger) pour Angela Merkel et le fait indéniable que son système de pouvoir ait été confirmé régulièrement dans des élections relativement libres (car n’oublions pas l’augmentation systématique des complaintes sur des irrégularités électorales et le fait que, tout récemment, à Berlin, certains districts ont vu une participation électorale de 150%) ?

Tout d’abord, Merkel a su profiter de ses deux atouts personnels majeurs : celui d’être une femme et celui de savoir masquer toute forme de personnalité individuelle derrière un écran de solidité ennuyeuse, ce qui lui a valu le support des féministes et assuré sa renommée de compétence. Puis, en réalisant, grâce aux voix d’un parti chrétien-démocrate, un programme politique appartenant beaucoup plus à la gauche et à l’écologisme qu’au conservatisme, elle a su procéder à ce que l’on a appelé la « démobilisation asymétrique » des électeurs (de gauche) dont beaucoup, contents des mesures (de gauche) du gouvernement (conservateur), n’ont plus vu d’intérêt à participer activement aux élections.

De plus, n’oublions pas que Merkel a su se présenter très tôt comme rempart contre les « populismes », en s’érigeant notamment en antithèse de Donald Trump, ce qui lui a valu beaucoup de sympathies sur la scène internationale et dans l’électorat allemand bienpensant.

Et finalement, force est de constater que sa politique finalement autodestructrice non seulement pour l’Europe, mais aussi pour l’Allemagne, a pu profiter (jusqu’aujourd’hui) des conséquences de la crise de l’euro : vu l’instabilité des marchés et le déclin économique de la périphérie européenne, exsangue par une politique d’austérité imposée par l’Allemagne, beaucoup d’investisseurs se sont rués sur les marchés allemands renommés pour leur « solidité » et les ont submergés d’argent tout en acceptant de très faibles intérêts, ce qui a pu donner un coup de fouet à la consommation et à la production de l’Allemagne en plein milieu d’une crise économique généralisée.

Dans l’intérêt allemand, ces sommes auraient pu – et auraient dû – être utilisées pour créer une solide réserve financière, renouveler l’infrastructure vieillissante et, surtout, pour améliorer le piètre état du système d’éducation allemand. Rien de tout cela n’a été fait : pour maintenir sa popularité et acheter le support de la base de son pouvoir (les médias, les immigrés, les ONG de gauche, la bureaucratie, les initiatives écologistes, l’élite bruxelloise), le système Merkel a immédiatement transformé toute cette manne financière en subsides politisées les plus divers. Ainsi, aujourd’hui, face à ce qui promet être l’une des pires crises économiques du siècle, il ne reste – plus rien.

Et bientôt, la note…

Maintenant, au bout de seize ans, Merkel quitte le navire allemand et laisse derrière elle non seulement un pays au bord d’une crise économique majeure, mais aussi une CDU en totale perte de confiance, un système politique, médiatique et académique dominé presque exclusivement par les mouvances écologistes et socialistes, et une société polarisée plus que jamais et marquée par la censure, la dénonciation et l’ostracisme. Après la décision de Merkel de ne plus vouloir briguer un nouveau mandat de chancelière et son curieux refus de s’impliquer dans la campagne électorale, la démobilisation asymétrique a cessé de fonctionner : lors des élections de septembre 2021, la CDU a essuyé l’une de ses pires défaites électorales, et le prochain gouvernement sera dominé par les socialistes et les écologistes – la conséquence logique de seize ans de trahison idéologique de la démocratie chrétienne en faveur de la gauche.

Après avoir géré le pays dans le seul souci de maintenir son système clientéliste au pouvoir aussi longtemps que possible, Angela Merkel disparait de la scène politique au moment même où les premières fissures se montrent : exsanguée pendant 16 ans, l’Allemagne vacille et risque de déstabiliser durablement un continent dont elle est le moteur économique et politique principal.

L’ironie de l’histoire : très probablement, la génération actuelle ne se souviendra pas de l’ère Merkel comme de la véritable raison de la crise qui se profile à l’horizon et qui va l’engouffrer, mais plutôt du « bon vieux temps » avant que les dernières façades du paradigme social, économique et politique de l’Après-Guerre ne s’écroulent définitivement.