De passage à Bruxelles, Steven Koonin, ancien conseiller de Barack Obama sur les questions climatiques, a donné une conférence au B19 pour y présenter son best-seller paru en 2021, « Unsettled: What Climate Science Tells Us, What It Doesn’t, and Why It Matters », depuis peu traduit en français sous ce titre « Climat, la part d’incertitude ».
Voilà qui rassurera la majorité silencieuse de nos contemporains qui commencent à sérieusement s’interroger sur cette fin du monde à la une de tous les journaux. Une hypothétique fin des temps qui ouvre aussi la porte à la coercition énergétique et menace la survie de notre tissu industriel.
La part de l’Homme
En effet, Steven Koonin est un physicien de haut vol, autrement dit, un scientifique pur et dur. Cela ne l’a pas empêché de sortir de sa sphère et de sa zone de confort pour intégrer et interpeller le monde politique. Mais lui ne se laisse pas impressionner par les scénarios catastrophistes élaborés à Hollywood ni par le système médiatico-politique qui les reprend en boucle pour structurer un narratif autour de la fin du monde provoqué par le changement climatique. Le climat, il ne le fantasme pas ; il l’étudie.
L’Homme a vraisemblablement une influence sur le climat. Mais elle est très difficilement quantifiable et elle est probablement très marginale. Pour le prouver, l’orateur s’en remet aux données collectées depuis le IXe siècle par le Nilomètre de Rodah, une île située au Caire sur le Nil. Les crues du fleuve étaient vitales pour les récoltes et déterminaient le niveau d’imposition auquel les agriculteurs seraient soumis. Autant dire qu’il s’agit de données sérieuses. Or sur plus de quinze siècles, elles nous révèlent d’énormes variations.
On pourrait ajouter, à une autre échelle, l’observation d’un timelapse des Alpes depuis la dernière glaciation pour visualiser l’amplitude et la rapidité des écarts de températures à une période où l’Homme venait à peine d’investir le continent européen.
Tout ceci devrait nous amener à agir avec prudence avant de franchir des caps sur le plan industriel qui s’avèrent irréversibles.
Par ailleurs, le réchauffement n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour la planète. A l’image de ce qui se produit dans une serre, lorsque la température s’élève, les végétaux prospèrent. En réalité, au niveau global, notre planète se revégétalise. Les quelques zones désertiques habilement mises en avant par la presse pour permettre à certains lobbies de vendre du catastrophisme, leur fond de commerce, ne doivent pas la cacher la forêt…
Cette dramatisation, cette hystérisation qui met en scène une planète sur le point de s’embraser repose sur une habile exploitation de l’ignorance des gens. La vérité selon l’ancien conseiller du Président Obama, c’est qu’il est très difficile de mettre en place un modèle fiable. Comment prévoir le climat d’ici des décennies quand il est impossible de prévoir la météo des quinze jours à venir ? Et si on ajoute à cela un biais idéologique chez bon nombre d’ « experts » du climat, on s’écarte des hypothèses les plus réalistes.
Quand on demande au conférencier ce qu’il pense du Green Deal et des décisions européennes relatives au climat de façon générale, il lève les yeux au ciel et nous remémore les meilleures leçons de gravité de Coyote dans les cartoons! Vous savez, ce moment délicieux où le sol se dérobe sous les pieds d’un écervelé qui court après un objectif hors de portée. Mille milliards d’investissement tout de même pour financer cette farce rien qu’au niveau européen. En « Eurotopie », continent régit par la pensée magique où les décideurs sont des baby boomers-rois, les licornes paissent tranquillement dans les champs de quinoa. En « Eurotopie », Keep Calm parce que c’est Tex Avery qui dessine l’avenir énergétique.
En attendant, les USA pragmatiques, n’ont aucune intention de fragiliser leur souveraineté énergétique en se privant de leurs ressources en hydrocarbures. Ironie du sort, Biden vient d’annoncer il y a quelques jours qu’il revenait sur sa promesse et étendrait l’exploitation du gaz de schiste en Alaska, au grand dam de son électorat. L’Europe, elle , au contraire, se passe la corde autour du cou sur le plan énergétique. Elle se plonge dans une dépendance délétère.
Encore une fois, répète Steven Koonin, tout ceci est rendu possible par le faible niveau de connaissances scientifiques des élus et de leur électorat. Et en Belgique, ce n’est pas Gilkinet, ministre de la mobilité, gradué en communication et ancien collaborateur sportif d’une chaîne locale qui fera démentir l’erreur de casting d’autant qu’elle ne semble pas compensée des collaborateurs à la hauteur des enjeux.
On laissera à Obama l’intelligence d’avoir choisi Steven Koonin plutôt qu’Al Gore pour s’informer sur le climat. C’est ce pragmatisme et cette lucidité qui font des Etats-Unis une nation résiliente. Quant à l’Europe, on la voit plutôt mourante si elle ne change pas de cap.
Dans le bras de fer qui se joue au niveau européen sur la prolongation des moteurs thermiques au-delà de 2035, l’Allemagne met toute l’énergie du désespoir pour ne pas sacrifier son industrie automobile… ni son opinion publique, massivement favorable à cette prolongation. De son côté, la petite Belgique par l’entremise de De Croo exprime son souhait au contraire de maintenir le cap vers la sortie du thermique sous prétexte que l’on est déjà trop engagé sur cette voie. En somme, suivant cette logique, lorsqu’on est aspiré par des sables mouvants, une fois arrivé à la taille, il ne faudrait plus tenter de s’en sortir puisqu’on est trop engagé dans le processus. Selon cette logique, même si on a oublié son parachute, on saute parce qu’on est déjà dans l’avion…
Sortir de l’hystérie climatique
Notre déclin n’est pourtant pas inéluctable. Il est possible de reprendre notre destin en main. Et Steven Koonin nous invite à le faire de toute urgence. Pour y parvenir, selon lui, il faut cesser d’appréhender le climat de façon hystérique et dogmatique pour au contraire étudier les faits de manière rationnelle et se donner les moyens de quantifier la part de l’Homme dans les changements en cours.
Il met aussi en garde l’Occident afin qu’il n’entrave pas la volonté légitime des pays en voie de développement de disposer de ressources énergétiques.
Il plaide aussi pour une décarbonation rationnelle qui s’inscrit dans une vision holistique soucieuse des conséquences technologiques, économiques, législatives et sociales. Ceci passe par le développement préalable de technologies basses-émissions fiables. C’est le cas pour l’énergie nucléaire. Mais il reste d’énormes progrès à réaliser en matière de réseaux électriques, de batteries ou encore d’e-fuels.
Aurons-nous le courage et l’humilité de regarder notre niveau d’impréparation tant technologique que scientifique avant de poser des choix de société irréversibles ? En tout cas, si ce sursaut devait avoir lieu en Europe, il ne viendra pas du politique ! C’est donc au peuple qu’incombera cette indispensable tâche : réduire la part d’incertitude climatique en se donnant la peine de comprendre les enjeux pour espérer sauver sa peau. Ca tombe bien, il reste encore des scientifiques prêts à déployer généreusement de grands efforts didactiques. Louons ces personnes qui, comme Steven Koonin, après de brillantes carrières, n’ont plus rien à prouver et plutôt que profiter d’une retraite bien méritée se consacrent à informer l’humanité des dangers qui la guettent. B-Mag consacrera le prochain épisode du dossier énergétique « Lost in Transition » à tous ces « Silver Brains », ces anciens ingénieurs devenus lanceurs d’alerte.
Tatiana Hachimi