Le parapluie nucléaire européen de Macron peine à s’ouvrir

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Macron peut-il se réfugier derrière le feu nucléaire?

Emmanuel Macron se voit endosser le rôle de défenseur inconditionnel de l’Europe en proposant la mutualisation du parapluie nucléaire français au profit des Etats européens. Voilà qui tombe à point nommé pour un président en perte de vitesse sur le plan national. Revenir d’abord en Jeanne d’Arc du XXIème siècle prête à bouter les Anglais les Russes hors d’Europe. Et dans un seconde temps, le Robespierre des temps modernes viserait bien la fonction de président du Conseil Européen, à défaut celui de Président de la Commission européenne pour s’assurer un avenir une fois son mandat terminé.

L’idée d’une mutualisation n’est pas récente. Macron l’avait déjà mentionnée dans son discours de février 2020 à l’École militaire. Il la remet à l’ordre du jour face à Vladimir Poutine qu’il présente comme un danger existentiel pour l’Europe dans son ensemble et mais aussi face au possible désengagement américain de l’OTAN.

On connaît Macron et ses envolées lyriques comme du Charles Michel dans le texte. Maintenant qu’elles deviennent en plus bellicistes à la Clauzewitz, on peut s’interroger sur la crédibilité militaire d’une telle initiative en terme de dissuasion. Qu’en est-il aussi de sa légalité au regard du Traité de non-prolifération des armes nucléaires entré en vigueur le 22 janvier 2021?

Que reste-t’il de la dissuasion nucléaire française ?

La France a mis au rebut ses armes nucléaires tactiques de type Pluton et ensuite Hadès qui permettaient l’emploi de ce type d’armes de faible puissance sur le champ de bataille. Ne restent dès lors que des armes nucléaires pré-stratégique ou anti-villes d’une puissance minimale de 300 kilotonnes (kt) (20 fois Hiroshima).

A titre d’exemple, une bombe nucléaire de 300 kt explosant à Paris sur les Invalides provoquerait les dommages suivants :

Rayon de la boule de feu: 0,87 km (2,35 km²)

Taille maximale de la boule de feu nucléaire; la pertinence de l’endommagement sur le sol dépend de la hauteur de détonation. S’il touche le sol, la quantité de retombées radioactives est significativement augmentée. Tout ce qui se trouve à l’intérieur de la boule de feu est effectivement vaporisé.

Rayon de dégâts lourds (20 psi): 1,46 km (6,67 km²)

À 20 psi (pound per square inch), soit 1,41 kg/cm2, les bâtiments en béton fortement construits sont gravement endommagés ou démolis; les décès approchent à 100 %. Souvent utilisé comme référence pour les dommages importants dans les villes.

Rayon de rayonnement (500 rem): 2,14 km (14,4 km²)

500 doses de rayonnement ionisants réelles ; probablement fatale, dans environ 1 mois ; 15 % des survivants finiront par mourir du cancer à la suite d’une exposition.

Rayon d’endommagement de l’explosion modérée (5 psi): 3,06 km (29,5 km²)

Avec une surpression de 5 psi, la plupart des bâtiments résidentiels s’effondrent, les blessures sont universelles, les décès sont très répandus. Les risques d’incendie sont augmentés car les bâtiments endommagés courent un risque élevé de propagation du feu. Cette référence est souvent utilisée pour définir les dommages modérés dans les villes.

Rayon de rayonnement thermique (brûlures de 3ème degré): 6,33 km (126 km²)

Les brûlures au troisième degré s’étendent aux couches profondes de la peau (derme). Souvent indolores sur le moment parce qu’elles détruisent les nerfs, eIles provoquent des cicatrices très importantes qui entravent les mouvements des membres quand elles n’amène pas à l’amputation. Dans ce rayon, la  probabilité de brûlures au 3ème degré est de 100 %.

Rayon d’endommagement par l’explosion lumineuse (1 psi): 7,88 km (195 km²)

À une surpression d’environ 1 psi, on peut s’attendre à ce que les vitres se cassent. Cela peut causer de nombreuses blessures dans une population environnante qui se masse à la fenêtre après avoir vu l’éclair d’une explosion nucléaire (qui se déplace plus vite que l’onde de pression). Souvent utilisé comme référence pour les dommages légers dans les villes.

Le nombre de morts immédiats ou par suite des blessures et radiations encourues se chiffrerait en millions (les radiations mortelles étant portées par les poussières portées par le vent. Dans l’exemple, les retombées nucléaires atteindraient Namur en Belgique!

La France dispose donc à l’heure actuelle de 290 têtes nucléaires. 50 têtes nucléaires de 300 kt sont cataloguées air-sol et 240 têtes nucléaires sont embarquées à bord de sous-marins. Le missile M51 embarqué à bord de sous-marins emporte de 6 à 10 têtes nucléaires d’une puissance de 100 kt. Jusqu’à 1Mt par missile, de quoi anéantir Paris et sa banlieue. 

Quelles sont les limites de la proposition de Macron (redevenu Jupiter, dieu de la foudre)?

Au plan légal, le fantasme macronien ne tient pas la route : la France a signé en 1992 le traité de non-prolifération  (TNP) des armes nucléaires qui de facto interdit de mettre à disposition d’un Etat tiers le feu nucléaire. Pas de têtes nucléaires en Pologne donc … Le bouton rouge doit rester dans des mains françaises. Cela n’empêche pas le président polonais Tusk de mettre la main sur ce fameux bouton  alors que c’est une violation du TNP.

Comme les armes doivent rester sur le sol français, l’espoir de bombarder Moscou est réduit. Vient s’ajouter à cela le problème de la décision d’ouverture du feu : Quand ? Comment ? En réponse à quelle attaque ? On conviendra qu’une division russe s’approchant de la frontière estonienne ne justifierait pas de l’emploi d’une bombe nucléaire de 300 kt ou plus.

Avant retrait des missiles Hadès (80 kt) et Pluton (10 à 25 kt), la France pouvait envoyer un signal d’avertissement par le tir d’une arme de faible puissance. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La France, qui pêche par excès, a perdu sa force de dissuasion. Notre exemple montre ce qu’il resterait de Paris (ou d’une autre grande ville) en cas de feu nucléaire.

Dernier souci pour Macron (outre le fait qu’il doit respecter le traité de non-prolifération des armes nucléaires) : l’Autriche, l’Irlande et Malte ne peuvent stocker des armes nucléaires sur leur territoire et ne peuvent bénéficier d’une frappe atomique. Ces pays seront-ils exclus de la mutualisation ? La Norvège, le Groenland et l’Islande ne font pas partie de l’Union européenne. Quel serait leur « parapluie » ?

Le Président français vient à nouveau de faire la démonstration d’une proposition irréaliste et irréalisable sauf à s’asseoir sur la Constitution française (les armes nucléaires font partie de l’Armée française) et sur les traités internationaux. A part occuper les chancelleries et faire bien rire Poutine… Néanmoins, tant qu’il y aura suffisamment d’idiots pour y croire, nous restons les otages de cette « réalité alternative. »

Prochaine étape : mettre à disposition de la Commission européenne le siège de membre permanent de la France au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Si après cela, von der Leyen n’embrasse pas Manu sur la bouche en lui refilant sa succession …