Par Drieu Godefridi
Le 21 juillet dernier, le « biostatisticien » Kurt Barbé publiait le graphe suivant, « projettant » les hospitalisations COVID « possibles » en Belgique « si des mesures radicales ne sont pas prises » :
Ce graphe était aussitôt repris par l’ensemble de la presse, qui en appelait derechef à l’adoption immédiate des mesures les plus radicales.
Nous sommes le 29 août, voici maintenant le graphe SCIENSANO des hospitalisations COVID réelles :
On le constate : non seulement la « deuxième vague » n’a pas été pire que la première ; en réalité, selon le critère même sélectionné par le « biostatisticien » Kurt Barbé — celui des hospitalisations — il n’y a pas eu de deuxième vague du tout.
Ce constat est corroboré quant à la courbe des décès, qui atteste également de l’absence de « deuxième vague ».
La reponsabilité d’un intellectuel par rapport à ce que l’on fait de ses idées est un vieux débat. Charles de Gaulle, comme on le priait de commuer la condamnation à mort de Robert Brasillach, refusait : « Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité. »
Dans ce débat de la responsabilité personnelle de l’intellectuel, deux thèses s’affrontent. Selon la première, l’intellectuel est responsable de la mise en application de ses idées. L’intellectuel qui incite à des politiques radicales, même s’il ne collabore aucunement à leur mise en œuvre, en partage la responsabilité. Selon la seconde thèse, seul le politique assume la responsabilité des mesures décidées ; l’intellectuel restant en quelque façon immunisé de toute idée de responsabilité, dans le confort de son « poële » (l’image est de Descartes).
Notre époque associe constamment toutes sortes d’experts à la prise de décision publique. Il ne nous paraît plus possible, ni souhaitable, d’octroyer à l’expert un pouvoir décisionnel de fait, tout en l’exonérant systématiquement et par avance de toute responsabilité.
Le graphe de M. Barbé a largement contribué a créer la psychose vécue cet été sur le thème de la deuxième vague. La fausseté avérée de cette projection — pas son imprécision : son absence d’un quelconque rapport avec le réel — nous semble engager la responsabilité de son auteur, à tout le moins sur le plan civil et déontologique.
L’argument sur lequel se retranchent très généralement les intellectuels-pyromanes est que — c’est le suprême caveat ! — si des mesures n’avaient pas été prises, alors leur formidable projection se serait avérée.
Ce qui est le type même de ce que l’épistémologue Karl Popper appelait un argument ad hoc, visant à immuniser une théorie de la possibilité même de la critique, en la rendant irréfutable.
Surtout, le COVID n’est pas cantonné aux frontières belges et des pays tels la Suède qui n’ont pris aucune des mesures radicales prisées par le « biostatisticien » Kurt Barbé offrent une courbe identique à la belge, ie absence totale de deuxième vague. En réalité, il n’existe pas un seul pays dans le monde qui ait vécu, en dépit de la profusion de mesures mises en place, ou leur absence, la fantasmagorique « deuxième vague » a fortiori pire que la première professée par M. Barbé.
Les projections du « biostatisticien » Barbé ne sont pas des enfantillages, elles ont des conséquences lourdes dans nos sociétés, souvent terribles sur le plan individuel : violences, désespoir, maladies non soignées, destruction économique, psychose collective.
Il nous semble que les auteurs de projections comme celle du « biostatisticien » Barbé devraient en répondre devant les tribunaux.
La science qui s’implique intimement dans le politique ne devrait plus échapper à la responsabilité.
Drieu Godefridi, PhD (Sorbonne)