(MàJ)Le 22 mai, les motards investissent Bruxelles (2e round)

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2 mai 2021, les motards investissent à nouveau Bruxelles,
2 mai 2021, les motards investissent à nouveau Bruxelles, Photo de Kelly Lacy provenant de Pexels

L’Etat entend-il protéger le motard – du suicide qu’il ne veut pas commettre- pour mieux le racketter? La question taraude la communauté des motards qui s’apprête à enchaîner les actions sur le terrain avec une deuxième manifestation prévue le 22 mai prochain à Bruxelles.

Le 10 avril dernier, des centaines de motards avaient convergé de toute la Belgique malgré le mauvais temps pour manifester à Bruxelles leur mécontentement face à la possible mise en place dès 2022 d’un contrôle technique (CT) obligatoire pour les deux-roues motorisés.

La France étant également concernée par ce changement législatif. De très nombreux motards français devaient se joindre à eux. Les mesures sanitaires les ont bloqués à la frontière sans quoi le concert de moteurs “en marche” au rond-point Schuman eût été encore plus spectaculaire. 

Mais ce n’est que partie remise car des actions sont déjà programmées le 22 mai prochain. 

Quelles sont les revendications des motards ? Leurs griefs sont multiples. Ils vont de l’appréciation d’une telle mesure comme n’étant rien d’autre qu’une sorte de nouvelle taxe déguisée jusqu’au refus de l’interdiction pure et simple d’adapter sa moto en fonction de ses besoins ou de ses goûts. A cela s’ajoute la frustration de constater que les statistiques d’accidentologie impliquant des motos ne démontrent l’origine d’un problème mécanique comme cause d’un accident grave que dans une portion très anecdotique (les différentes études disponibles tournent autour de 1% des accidents). La très grande majorité des accidents graves incombent d’abord à l’autre usager de la route lorsque le motard seul n’est pas mis en cause, ensuite au motard lui-même (erreur d’appréciation, manque de technique…), la très grande part restante étant due… à l’infrastructure routière!

La voirie, source d’accidents qui n’émeut pas le politique

En cela, les motards n’apprendront rien aux automobilistes : l’infrastructure routière est pointée du doigt dans près de 20% des cas. C’est donc une forme d’incompréhension doublée d’une colère qui anime ces motards quand on leur sert que ce contrôle technique aurait pour but principal de sauver des vies.

Ce qui choque ces motards c’est encore le fait que pour la plupart, la moto est avant tout une passion. Une sorte de seconde épouse (ou époux car il y a des « motardes » aussi) dont ils prennent religieusement soin et qu’ils entretiennent méticuleusement. S’ils lui accordent autant de soin, c’est non seulement dans un souci d’esthétique mais avant tout pour des raisons de sécurité. Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que ces machines exposent  leurs utilisateurs et que la surface de contact au sol proche de celle d’une carte de banque ne leur offre qu’un équilibre précaire. Tout motard est donc bien conscient que la moindre défaillance technique peut s’avérer fatale. 

Si en voiture (où l’équilibre n’est pas à remettre en question) il faut parfois des centaines de kilomètres pour réaliser que les freins ne sont plus vraiment efficaces, qu’elle « tire » d’un côté ou de l’autre au freinage ou chahute un peu fort sur les pavés, sur une moto toutes ces sensations sont décuplées et de ce fait à la moindre anomalie, l’instinct de survie du motard va le pousser soit à s’arrêter pour étudier et résoudre le problème sur place, soit à prendre rendez-vous chez son concessionnaire. Là aussi c’est une cause de désapprobation du CT de la part des motards. Qui mieux que lui ou que son concessionnaire peut mieux connaître ou détecter un problème sur sa moto ? Certainement pas un technicien de CT formé d’une manière trop générale. 

Par ailleurs, contrairement aux voitures, tous les organes de sécurité des motos sont visibles de « l’extérieur » sans devoir procéder à de fastidieux démontages. Ces motos devant être révisées de manière plus fréquentes que les voitures (deux à trois fois plus souvent en moyenne), elles sont donc naturellement plus souvent inspectées et mieux entretenues que ces dernières. Il est donc peu probable qu’un technicien de CT puisse apprendre quoi que ce soit à un motard sur l’état de sa machine qu’il ne sache déjà et de surcroît probablement pas quelque chose qui puisse mettre sa sécurité en danger sans quoi il ne l’aurait pas conduite jusqu’au centre de CT à moins qu’il ne soit animé par des pulsions suicidaires. 

La liste des griefs contre la mise en place d’un CT régulier pour les motos ne s’arrête pas là. Si pour une voiture il suffit au technicien de reculer ou d’avancer le siège pour pouvoir se mettre au volant du véhicule à tester en toute sécurité, pour la moto c’est autre chose. Enfourcher une moto c’est un peu comme monter à cheval. Une moto, ça ne se prête pas sans crainte.  Une perte d’équilibre est vite arrivée et peut entraîner une chute. Celle-ci, même à l’arrêt, provoquerait des dommages qui conduiront à d’interminables contestations relatives à l’évaluation des dégâts et à la responsabilité de cette chute. Même superficiels, ces dégâts peuvent très vite chiffrer. Sans compter que certains modèles ont une selle tellement haute, que les techniciens de CT dont la taille serait inférieure à 1,80m seraient tout simplement incapables de les conduire sur des rouleaux pour en évaluer le freinage ou la suspension.

Il y a aussi les défenseurs du CT. Ceux qui a priori ne voient pas tant le demi jour de congé à consacrer ou les 40€ de plus à payer comme un inconvénient. Ceux-ci avancent qu’en cas de revente ou après un accident important, un contrôle impartial des organes de sécurité serait un avantage pour tous. Ce n’est pas inintéressant comme approche mais le problème est que si aujourd’hui les motards acceptent ce genre de CT, comment feront les Centres de CT pour amortir le coût des investissements en matériel et en formation de personnel ? Ne seront-ils pas tentés de faire pression sur le politique pour passer de ce type de CT à un CT annuel obligatoire ? 

Contrôle technique: un chaos législatif à 17?

Sur le plan politique, il n’existe aucune harmonisation entre les 17 pays membres de l’Union européenne ayant mis en place un CT. Au contraire, c’est l’anarchie: si dans certains pays c’est un CT annuel, dans d’autres c’est tous les deux ans. Certains poussent même le vice jusqu’à contraindre à présenter le deux-roues au CT dans un état strictement identique à celui au moment de l’achat. Peu importe que l’accessoire remplacé soit un élément de sécurité, de confort ou de décoration. En Espagne par exemple, si un propriétaire a changé ne fût-ce que ses rétroviseurs, des ampoules ou même un support de plaque d’immatriculation, il doit pouvoir présenter un certificat d’homologation européen attestant de la conformité pour chacune des adaptations réalisées pour être admis à circuler! Il faut commencer avant toute chose par harmoniser les manières de procéder avant d’accepter aveuglément la mise en œuvre d’un CT très contesté et très contestable. Dans cette phase d’harmonisation, la participation de l’ensemble des acteurs concernés, à commencer par les associations de motards, est impérative afin d’éviter l’adoption de mesures incohérentes, voire absurdes.

Enfin, si d’aucuns diront : « … de toute façon il n’y a rien à faire ; c’est une volonté européenne et la Belgique devra s’y soumettre… ». C’est faux! L’Europe prévoit dans ses textes que si les Etats membres peuvent mettre en place des mesures visant à améliorer les infrastructures routières en faveur des motocyclistes, ils se verraient prolongés dans l’exonération de l’obligation de mettre en place ces CT. 

Or c’est justement ce que défendent la plupart des associations de motards. Des routes plus sûres et des campagnes de sensibilisation destinées aux automobilistes. Des solutions techniques peu coûteuses, au regard du nombre de vies sauvées: l’utilisation généralisée de peintures abrasives pour réaliser les marquages au sol ou le recouvrement des taques d’égouts; la mise en place de glissières de sécurité sous tous les rails du même nom qui sans elles, au lieu d’offrir une hypothétique sécurité aux motards, se transforment en véritables hachoirs à motards. Pour n’en citer que deux, on voit que l’hôpital se moque un peu de la charité. 

Les motards réalisent aussi que la mise en place de ces contrôles techniques serait une opération bien lucrative pour l’Etat (sans compter la TVA sur les CT) pour se dédouaner vis-à-vis de l’Europe de l’obligation plus coûteuse de veiller à améliorer l’état des routes. Volonté qui semble beaucoup manquer à nos dirigeants depuis de nombreuses années. 

Pour conclure, la vision des motards pourrait se résumer de la façon suivante. Si l’objectif d’une telle mesure est réellement leur sécurité: que l’Etat s’occupe d’abord d’améliorer l’état des routes ; les motards s’occupent déjà de leurs motos. Sinon, ce sera la démonstration éclatante que tout ceci n’est qu’une juteuse affaire financière. Une affaire savamment orchestrée dans l’ombre par d’influents lobbies européens des centres de CT, comme DEKRA, qui auront adroitement présenté leurs arguments pour transformer les propriétaires des 37 millions de deux-roues motorisés européens en vaches à lait.

Kate Hemme