Jürgen Conings: La Belgique à court de chasse (à l’homme)

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L'armée sur les traces de Jürgen Conings
L'armée sur les traces de Jürgen Conings, photo de Somchai Kongkamsri provenant de Pexels

La Belgique, en voie de semi déconfinement partiel avec spécificités selon les régions, hébétée par la gestion politique d’une crise sanitaire ubuesque et majoritairement sous tranquillisants, s’est trouvé un nouveau jeu : une chasse à l’homme ! Ca devrait occuper les Belges jusqu’au premier match des Diables rouges de l’Euro 2021.

En l’occurrence, il s’agit d’attraper un certain Jürgen Conings, jusqu’il y a peu, inconnu.

Qu’a donc fait ce Monsieur Conings pour être devenu en l’espace d’une dizaine de jours l’homme le plus recherché du royaume ? Ses mains sont-elles couvertes de sang innocent ? A-t-il commis des attentats ? Kidnappé des petites filles ? Fraudé le fisc ? Non, il a menacé sur les réseaux sociaux le très controversé virologue Marc Van Ranst, qui donne ses ordres au gouvernement belge depuis 2020. Dès lors, toute la presse a, avec cette belle unanimité qui la caractérise, classé Jürgen Conings dans la catégorie « Extrême-droite ». Rien dans son CV ne montre pourtant une quelconque adhésion à un parti d’extrême-droite, contrairement à Marc Van Ranst qui n’a jamais fait mystère de sa sympathie pour le PTB-PVDA, le parti d’extrême-gauche belge dont il est un militant revendiqué. L’ancien recteur de la KUL, Rik Torfs disait d’ailleurs de lui qu’il serait « naïf de le considérer uniquement comme un virologiste expert et qu’il faut le voir comme quelqu’un qui a une vision assez extrême de la société. Il doit comprendre que son militantisme politique a des conséquences sur la crédibilité de ses opinions scientifiques. »

Il n’empêche que le visage de Jürgen Conings s’affiche à présent partout – on n’en fait pas autant pour les « fichés S » – et nul n’ignore plus rien de son apparence, de son nom ou de son CV. Ni du fait qu’il est un ancien militaire, et qu’il a abandonné ses médailles sur la tombe de ses parents avant de prendre le maquis, ce qui constituerait un renoncement catégorique à l’armée.

Toujours est-il que si nos fins limiers sont aussi doués pour retrouver ce fuyard qu’ils le furent pour Salah Abdeslam, pourtant autrement plus sanglant, Jürgen Conings peut franchement rentrer chez lui faire une sieste.

Et c’est peut-être justement parce que lesdits limiers sont conscients de leur incapacité qu’ils ont fait appel aux armées des pays frontaliers, ce qui est tout de même un poil hallucinant.

Il faut dire que dans un premier temps, la presse avait titré que des lance-roquettes avaient été trouvés dans la voiture du suppôt de l’extrême-droite, information sensationnelle mais formellement démentie par le parquet. Tout ce qu’on a trouvé, ce sont des fusées éclairantes et on ignore même si le gars est armé. 

Pour ajouter un peu de sel à ces singeries, Marc Van Ranst est allé pleurnicher dans les colonnes du quotidien La Libre. En effet, traqué comme une bête par le disciple de l’extrême-droite, Marc Van Ranst doit se cacher et il n’aime pas ça ! « Mon fils Milo (12 ans) est très impressionné, car il n’a pas encore fait l’expérience d’un refuge. De plus, il trouve cette situation très désagréable car il ne peut pas aller à l’école. Les cours lui manquent, mais surtout ses amis ». Depuis sa cachette, le virologue parvient à poursuivre son travail malgré la situation.  » Heureusement, je peux compléter un certain nombre de choses en ligne et il me reste encore beaucoup de jours de congé. » nous apprend le journal. Ben oui, il est confiné, le pauvre et visiblement, il n’aime pas ça. Les Belges n’avaient pas non plus raffolé du confinement dur qu’il leur avait imposé. Et s’étaient étonnés qu’il ait obtenu le monopole des tests pour son labo de l’Université de Louvain, créant ainsi un retard impressionnant pour les résultats desdits tests alors que les autres labo universitaires, tout aussi bien équipés, se tournaient les pouces.

La blonde entre en scène

Mais il manquait à cette série B un personnage féminin. Tous les scénaristes vous le confirmeront, il faut un personnage féminin, sinon ces dames risquent de zapper. C’est là qu’intervient la très inexpérimentée mais très blonde Annelies Verlinden, nouvelle Ministre de l’Intérieur. Ses propos quant au présumé facho planqué dans la Campine qui menace un virologue sont implacables, elle ne laissera rien passer, ses sbires sont sur le pied de guerre et, si elle n’a pas accordé de « permis de tuer » comme on l’a cru un moment, elle précise que ses hommes réagiront de manière adéquate vu la dangerosité du bonhomme. Diantre ! Et elle annonce qu’elle scrute sans relâche les réseaux sociaux et sera sans pitié pour les marques de sympathie qui envahissent la toile, applaudissant Jürgen Conings.

Elle a d’ailleurs bien raison de braquer les projecteurs sur ce fait divers. Tous les prestidigitateurs vous le diront, il faut obliger le spectateur à regarder ailleurs. En effet, elle présentera sous peu une « Loi pandémie », dont l’avant-projet proposait entre autres joyeusetés, le port d’un bracelet électronique permettant de surveiller en temps réel les déplacements des citoyens. Joliment toiletté, ce projet arrive sous peu sur la table des politiques. S’il passe, il absoudra toutes les mesures anticonstitutionnelles prises durant la crise sanitaire et permettra à l’avenir à l’exécutif de s’émanciper totalement du pouvoir législatif, dernier bastion de la représentation démocratique. Reste à savoir si les députés, encartés dans les mêmes partis que les ministres, sauveront leur honneur et le nôtre en refusant cette éviction de fait des chambres, ou s’ils préféreront suivre le feuilleton des Jean Moulin de proximité traquant la bête immonde.

Sophie Flamand