Dans son édition du week-end (3 et 4 juillet 2021), le quotidien ‘Le Soir’, jadis journal de référence, ouvre très complaisamment ses colonnes (une double page tout de même !) à Ihsane Haouach – fraîchement nommée commissaire du gouvernement à l’Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes – en réponse à la prétendue agression dont elle aurait été victime quelques jours plus tôt, lors d’une séance du conseil d’administration dudit Institut.
En fait d’”agression”, il s’agit, en réalité, de la demande que lui a adressée par le MR, par la voie de son représentant, Corentin de Salle (directeur du centre d’études Jean Gol), de retirer son voile lors des séances du conseil d’administration. Refus ferme et non négociable de Madame Haouach de retirer son accoutrement.
Dans cet entretien du week-end, Ihsane Haouach se livre, sans contradicteur (Le Soir n’a pas estimé utile de rappeler le principe de neutralité – en l’occurrence, exclusive – dans les services publics, ni son importance, ni de faire droit au point de vue du MR sur cette question) et sans retenue, non seulement à une longue complainte victimaire en règle (dont certains ont le secret), mais aussi à une attaque frontale contre la démocratie belge.
Des déclarations saillantes de Madame Haouach, on retiendra notamment les éléments suivants:
- les défenseurs ou partisans du respect du principe de neutralité exclusive doivent être assimilés, en vrac et sans distinction, à des ‘racistes’, des sexistes’ et, bien entendu, des partisans de l’extrême-droite; de plus, elle considère que le principe de neutralité exclusive « devient une doctrine », voire une forme de fondamentalisme ;
- la neutralité d’apparence n’existe pas, puisqu’on « véhicule tous quelque chose » à travers notre façon de s’habiller, notre couleur de peau ou notre couleur de cheveux. A cet égard, on remarquera toutefois qu’à l’inverse du voile islamique, la couleur des cheveux n’est pas, à notre connaissance, un marqueur politique ou religieux, pas plus qu’un vêtement;
- Madame Haouach n’accepte d’entrer dans ce débat qu’à la condition que ses contradicteurs soient prêts à changer d’avis; elle laisse également sous-entendre que ceux qui ne partageraient pas son point de vue (par exemple sur le rôle du voile) pourraient s’exposer à des poursuites judiciaires (un appel au djihad judiciaire?);
- Madame Haouach réfute le point de vue selon lequel le voile serait un marqueur religieux (« Ca, c’est une présomption, un stéréotype« ). Bref, cette vision n’est qu’une pure affabulation d’Occidentaux attardés. En revanche, elle indique que son voile fait partie intégrante de son identité (« C’est une partie de mon identité qui n’a pas à être débattue publiquement ni à être justifiée.« );
- Pour Madame Haouach, interdire le port de signes convictionnels (NDLR: dans les services publics, uniquement) est discriminatoire et inefficace;
- Enfin, Madame Haouach indique sans ambigüité que les relations entre l’Eglise (c’est-à-dire, la religion) et l’Etat ne constituent pas un principe intangible, mais doivent être modulées en fonction du changement démographique (« La discussion n’est pas: est-ce qu’on remet en cause la séparation de l’Eglise et de l’Etat? C’est: comment la décline-t-on avec un changement démographique?« ).
Que conclure de ce qui ressemble en tout point à une diatribe contre des valeurs qui constituent le socle de notre société depuis le siècle des Lumières (dont l’Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes est supposé défendre tout un pan?)
Que Madame Haouach milite pour un changement de régime, dans lequel les principes démocratiques les plus fondamentaux n’auraient plus cours?
Enfin, et c’est assez cocasse, Madame Haouach accréditerait-t-elle la thèse, généralement attribuée à l’extrême-droite, selon laquelle la population belge, voire européenne ferait l’objet d’un ‘grand remplacement’ lorsqu’elle utilise les termes de “changement démographique”?
En tout cas, l’entretien de Madame Houach a le mérite de la clarté et de la sincérité. Non seulement il démontre qu’elle n’est pas la personne idoine pour le poste auquel elle a été nommée, mais aussi – et surtout – qu’elle est capable de se saisir du ‘vivre-ensemble’ pour le retourner contre notre démocratie et lui porter des coups.
Moins perceptible, le silence assourdissant de la direction de cet Institut remise entre les mains de deux socialistes (pour contenter le Nord et le Sud du pays). Comme la gauche, vérolée par l’incohérence de sa collection d’électorats victimaires (toujours) et séparatistes (souvent), ils sentent arriver le vilain retour de karma. L’espoir de continuer à percevoir tranquillement leur indécent salaire les pousse certainement au silence.
Qui sait, les surprendra-t-on peut-être un jour en train de se remémorer avec nostalgie l’époque où la N-VA exerçait la tutelle sur l’Institut en la personne de Zuhal Demir, farouche opposante au voile, en particulier à l’école.
En attendant, admirons les interventions au buldozer opérées par Ecolo qui a repris le flambeau et qui peut s’enorgueillir d’avoir introduit son zest de charia au coeur des questions de genre.
J.-L. Erlovsen