Green Deal: à quand la désillusion de l’hydrogène?

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L’hydrogène du Green Deal est-il la bonne solution pour la voiture particulière ?

L’UE a confirmé aujourd’hui à travers son Conseil sa volonté de s’en remettre à l’hydrogène pour poursuivre la croisade qu’elle a entrepris, contre le carbone. L’idée semble très séduisante. Mais derrière toute magie, il y a  il y a la réalité de la physique et de la chimie qui ne peuvent être vaincues sans d’énorme subventions. Mais est-ce la meilleure manière d’utiliser nos impôts ?

Un kilogramme d’hydrogène contient 33.3 kWh ; un kg d’essence contient 11.5 kWh. 

Mais,  l’hydrogène est un gaz. Un m³ (1.000 litres d’hydrogène à 25° ne contient que 90 grammes d’hydrogène. Pour parcourir 600 km une voiture avec pile à combustible (PAC) a besoin de 5.4 kg d’hydrogène. Pour de l’hydrogène non comprimé, il faudra se munir d’un réservoir de 60.000 litres, et s’il est comprimé à 220 bar, un réservoir de 363 litres suffira. Une voiture à essence moyenne consomme de 42 litres d’essence pour rouler 600 km.   

Une PAC restitue 19% de l’énergie prise au réseau pour fournir l’énergie à la roue de la voiture. Une batterie Ion -li restitue à la roue 69% de l’énergie prise au réseau pour la charger. Donc pour parcourir 600 km, la voiture électrique (VE) consommera 90 kWh à la roue  (15 kWh/100 km) et sera dotée d’un réservoir de 363 litres pour l’hydrogène auxquels il faudra ajouter 540 kg pour la batterie…

Le schéma ci-après contre montre que l’efficacité d’utilisation de l’électricité du réseau par un VE à batterie Ion—li est 3.5 fois plus grande que la VE à combustible. Les pertes d’électricité sont 2.7 fois moins importantes.

En plus des inconvénients liées au poids et volume inhérents respectivement aux batteries et aux piles à combustible, les émissions de CO2 associées aux véhicules dépendent de la qualité du kWh qui sert à produire de l’hydrogène ou à recharger la batterie. 

Le diagramme ci-dessus compare les émissions de CO2 par km parcouru en fonction de la quantité de CO2 du kWh du réseau du pays dans lequel circule la VE ainsi que les émissions (125gr CO2/km) d’une  voiture à essence (VT) qui consomme 6 l/100 km. Les valeur correspondantes sont données dans le tableau ci-dessous ainsi que l’émission de CO2 liée au kWh du réseau électrique.

Si l’électricité est à 100% nucléaire il n’y a pas d’émission de CO2. Ces valeurs ne tiennent pas compte de l’empreinte CO2 de fabrication et de recyclage. Deux observations peuvent être faites: la Norvège est le meilleur élève de la classe grâce aux nombreux de barrages et aux centrales nucléaires ; le Danemark est loin d’être vertueux malgré le grand nombre d’éoliennes. Quand il y a beaucoup de vent, le Danemark vend à la Norvège au prix marginal du pompage en barrages. Quand il n’y a pas de vent, le Danemark rachète au prix fort (pic de demande) à la Norvège ou à l’Allemagne dont le kWh est à forte teneur en CO2.

Pour les véhicules électriques, les inconvénients de poids et de volume sont mieux résolus pour les gros transports. Ne nous laissons pour autant pas abuser : les bus « à hydrogène » qui circulent actuellement dans les rues consomment du gaz naturel auquel ajoute maximum 10% d’hydrogène. 

Si la voiture électrique a des vertus, tout n’est pas simple. Il n’y a que trois pays en Europe pour lesquels la voiture électrique pollue moins que la voiture thermique à essence. En outre, les véhicules électriques utilisent plus de ressources naturelles rares que les véhicules thermiques. Mais ceci est une autre histoire.

En somme, ces quelques calculs simples autour de chiffres accessibles montrent que plus y a de kWh produits par le nucléaire, plus la voiture électrique sera propre. Et pourtant, pas plus tard que très tôt ce matin, le Conseil de l’Union européenne insistait sur sa volonté de s’orienter vers de l’hydrogène issus d’énergies renouvelables en ces termes : « Les États membres reconnaissent qu’il convient de mettre l’accent sur l’hydrogène provenant de sources renouvelables compte tenu de son rôle clé dans la réalisation de l’objectif de décarbonation, et que la demande supplémentaire d’énergie renouvelable résultant du déploiement d’hydrogène provenant de sources renouvelables devra être prise en compte dans poursuite de la planification et du déploiement d’une capacité d’énergie renouvelable supplémentaire. »

Aux difficultés inhérentes à l’intermittence des énergies renouvelables, l’UE ajoute celles posées par les difficultés de maîtrise économique sur l’hydrogène dont les quantités à produire seraient bien mieux rencontrées par décomposition à très haute température qui est possible avec des réacteur nucléaires avec un rendement énergétique de plus de 90%. 

Et pour ceux qui voudraient approfondir la question de l’inadéquation de l’hydrogène dans la course au Green Deal, nous ne pouvons que recommander la lecture de L’utopie hydrogène, le dernier ouvrage du Professeur Furfari, à la fois complet et suffisamment didactique pour être compris par tous les esprits dotés de bonne volonté.

Philippe Cauwe