FRANCE : SEPTEMBRE NOIR, MOIS DE TOUS LES DANGERS

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#10septembre, @NicolasNepaieraPlus Photo: Burak AYDIN, PEXELS
#10septembre, @NicolasNepaieraPlus, Photo: Burak AYDIN, PEXELS

Alors que demain la France s’apprête à plonger dans le chaos, hier, de façon parfaitement prévisible et programmée, elle perdait son premier ministre. Simple crise gouvernementale ? Crise de régime ? Et si nous assistions en direct à l’effondrement du modèle social démocrate ?

Quand @NicolasNeVeutPlusPayer

De l’Elysée, Jupiter, cette géante gazeuse gonflée à l’hélium, ne dompte plus les foules à coup de punchlines faciles. Incapable de mettre sur pied un exécutif viable, il n’en finit pas d’user des premiers ministres. Son impopularité record ne laisse aucun doute sur son incapacité totale à maîtriser le pays. Sauf à utiliser des moyens détournés qui consistent toujours à agiter des leurres (Covid, Ukraine, Gaza…), Macron fait pâle figure. Tel Charles VI, qui démarra son règne en « Charles le Bien-Aimé » pour terminer avec le sobriquet « Le Fou », il pourrait ne rester du Mozart de la finance que le souvenir d’une inefficacité toxique.

Dans ces conditions, trouver encore un nouveau premier ministre prêt à jouer les fusibles alors que les présidentielles aiguisent déjà les appétits semble bien complexe. Cela relève même de la mission impossible. Du brouhaha des intérêts personnels, il ne peut rien sortir de constructif ni de courageux. Les Français en ont conscience. Cet été, sur X, on a vu surgir la figure de @NicolasQuiPaie, ce représentant de la classe moyenne française exsangue. Las de financer tout et n’importe quoi sans discernement, il est soudainement parti en quête d’une meilleure gouvernance. C’est lui qui a le premier hashtagué le #10septembre2025 en invitant la population à un large mouvement d’inaction économique : boycotter les transactions numériques ; ne réaliser que des transactions en liquide ; retirer des espèces … Qualifié de poujadiste, ce mouvement qui n’en n’était qu’au stade embryonnaire s’est immédiatement fait récupérer par l’extrême-gauche. LFI et les mouvements syndicaux se sont engouffrés dans la brèche pour faire du 10 septembre une journée de casse nationale, un « Bloquons tout ». Une demi-aubaine pour la Macronie.

Les casseurs d’extrême-gauche sont nettement plus pilotables que des Nicolas qui cessent de payer. La messe n’est pas encore dite. La nature et la portée du 10 septembre dépendront de la capacité des forces en place à agir de façon ordonnée et structurée, mais aussi de tenir sur la durée. Le 10 septembre actera plutôt le début d’un mouvement que la fin d’une institution. La France n’est plus un pays qui fait bloc. La France est un pays qui sera bloqué demain parce que de blocs s’y font face. L’imminence des troubles qui vont secouer le pays ce #10septembre a accéléré le départ d’un Bayrou totalement impréparé à un tel soulèvement, malgré près de cinquante ans de longévité politique !

Pas moins de 80.000 hommes sont prévus pour sécuriser le territoire. Mais que faut-il redouter ? Une résurgence des Gilets jaunes ? Depuis des années, on assiste à une succession de  jacqueries. A chaque fois, le mouvement renaît de ses cendres et s’étend tant sur le plan géographique que thématique. Les Bonnets rouges, cantonnés à des problèmes de péages en Bretagne sont revenus vêtus de jaune pour bloquer tous les ronds-points de France avec des revendications liées au prix des carburants. Aujourd’hui, les Français sont confrontés à un effondrement de leur pouvoir d’achat, lié en grande partie au renchérissement des prix de l’énergie. Le mouvement des #gueux porté par Alexandre Jardin qui a engrangé récemment certains succès sur des décisions cruciales dans cette matière entend clairement se désolidariser des actions prévues demain. Cela ne veut pas dire que la base suivra. Cela en fait de toute façon un acteur de plus dans le camp de la défiance à l’encontre du pouvoir.

Jour de colère: #10septembre2025, échouage du mirage soc-dem?

Ce n’est pas une crise de gouvernement, ni une crise de régime. C’est pire. C’est une crise de modèle. Trouver un premier ministre providentiel ou introduire la proportionnelle n’y changeront rien. Le grippage de la démocratie française se joue à un tout autre niveau.

Au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle le modèle de démocratie représentative convenait à une société dans laquelle les élus sont plus instruits que ceux qu’ils représentent. Au fil du temps, le niveau d’éducation de la population a augmenté rendant nettement moins performante et moins utile cette espèce de tutelle du politique sur son électorat par le truchement de la représentation. Les aspirations à une démocratie plus participative, plus directe, comme le montrent les demandes récurrentes de referendums, s’inscrivent clairement dans ce contexte d’ « horizontalisation » de la vie politique.

En se montrant très critique, on pourrait même constater que les compétences ne sont plus incarnées par les représentants. Une large partie de ceux-ci finirait sous les ponts ou sur les trottoirs s’ils n’avaient eu l’occasion de se faire élire. Quant aux technocrates qui n’ont pas le profil du clochard, on ne voit pas clairement ce qu’ils apportent à la collectivité à part des prélèvements. Qu’est-ce que cette caste a à proposer aux entrepreneurs, aux travailleurs qui remplissent les caisses qu’elle s’emploie à vider avec zèle ? A vrai dire, pas grand-chose. Voilà la source du profond mouvement de délégitimisation du pouvoir. Il ne date pas d’hier. Il a juste été contenu par des décennies de mensonges médiatiques répétés en boucle à chaque scrutin.

Certains faits a priori anecdotiques peuvent avoir des effets dévastateurs en matière de communication politique lorsqu’il y a autant d’électricité dans l’air. L’épisode du nourrissage des poules de la présidente du Sénat Braun-Pivet est venu remettre une couche de déconnection sur les sorties déjà très déconnectées de l’ex-ministre Panier-Runacher sur la qualité de l’air dans les ZFE. De tels propos face à un peuple qui sombre dans la pauvreté génèrent un très puissant ressentiment.

Comme le dit l’adage, toutes les bonnes choses ont une fin. Ou encore, pour employer une formule plus biblique, « Les derniers seront les premiers ». Le déphasage d’un monde politique en lévitation qui gouverne désormais sans gouvernail laissera des traces et de la casse. Non, la dette ne peut pas exploser à l’infini. Elle est la grande faucheuse dans la main des agences de notation capables de balayer n’importe quel régime, fut-il d’essence jupitérienne. Non, l’absurdité ne peut pas présider à la destinée d’un pays. Elle l’enterre. Non, l’arrogance n’est pas un mode de gouvernance. Macron a agi comme ses prédécesseurs mais en pire. Le voilà aujourd’hui en passe de choisir son huitième premier ministre. Quel que soit le casting qui agite les chroniqueurs politiques, les jeux sont faits. Le 8, jour de démission ; le 10 jour de contestation. Et n’oublions pas le 12, jour de notation.  

En France, comme ailleurs, les soubresauts de la vie politique nous prouvent que l’on ne peut pas défier indéfiniment la volonté du peuple. On peut le tromper un temps. On peut lui vendre les bienfaits d’un cordon sanitaire sous forme d’un barrage de castors. Mais il arrive toujours un moment où le réel revient avec force. Or celle du peuple peut se montrer très violente. Le modèle/mirage/mensonge « soc-dem » et son lot d’injustices fiscales ont miné l’économie, détruit l’industrie et l’emploi. En France, l’heure des comptes a sonné. Il va falloir trouver de l’argent et dès lors se pose une question, une seule: qui sacrifier?

Aujourd’hui, le Mozart de la dette est nu, face à son peuple. Seuls 80.000 hommes en armes lui garantissent de se maintenir à l’Elysée. Mais dans quelles conditions? D’ici 2027, Monsieur En-Même-Temps aura le loisir de conjuguer le verbe démissionner à tous les temps.  

T.H.