Faut-il accueillir tous les Afghans qui se pressent à nos portes ?

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Une frontière pour la paix intérieure
Une frontière pour la paix intérieure. Image par S. Hermann & F. Richter de Pixabay

Les erreurs cumulées de l’administration Biden pourraient entraîner une vague migratoire considérable d’Afghans vers l’Europe, dont une minorité dangereuse. La majorité toutefois invoquera le droit d’asile. Faut-il pour autant accueillir toute la misère de l’Afghanistan ? Non : il faut y prendre notre part. 

Lorsque Joe Biden a affirmé que l’opération d’évacuation de l’Afghanistan était un « extraordinaire succès », c’était au mieux, déplacé, au pire un mensonge – nonobstant en effet la réussite logistique de l’évacuation en fin de processus que nous devons à une armée américaine décidément la seule au monde capable de réaliser une telle prouesse. 

L’administration Biden (plus que Biden lui-même qui semble de plus en plus absent au niveau cognitif) a en réalité commis erreurs sur erreurs.

Le processus d’évacuation, tout d’abord. Il ne faut pas avoir fait l’école militaire de West Point pour savoir qu’il fallait d’abord évacuer le personnel ainsi que les proches collaborateurs afghans (comme les interprètes), ensuite le matériel militaire puis, enfin, les militaires eux-mêmes. 

Il ne fallait en aucun cas abandonner la base de Bagram. Si le personnel militaire était insuffisant pour s’y maintenir en même temps que de protéger l’aéroport de Kaboul et l’ambassade américaine, il fallait envoyer des renforts avant l’évacuation.

Comme l’explique Charles Lipson, professeur émérite de sciences politiques à l’Université de Chicago et éditorialiste à The Spectator (édition US, 31 août 2021), l’abandon de la base de Bagram a tout d’abord, privé les États-Unis d’un important centre d’évacuation. « Deuxièmement, cette décision a effectivement libéré les pires terroristes capturés dans le pays, qui étaient détenus dans une prison à côté de la base. Lorsque les États-Unis sont partis, les talibans les ont immédiatement libérés. Parmi les personnes libérées se trouvaient de hauts commandants d’Al-Qaïda. Ce n’est pas surprenant puisque les talibans, Al-Qaïda et le réseau Haqqani sont trois organisations terroristes étroitement liées. Troisièmement, l’abandon de Bagram au milieu de la nuit, sans coordination avec les Afghans alliés, a clairement indiqué à ces alliés que les États-Unis les abandonnaient presque immédiatement. Ce signal a conduit à leur effondrement rapide, celui-là même que l’administration Biden qualifie de ‘inattendu’. (Il s’agit là aussi d’une exagération puisque la communauté du renseignement a publié récemment des déclarations selon lesquelles elle s’attendait à un effondrement rapide). »

En outre, se fixer une date-butoir qui correspond aux souhaits du pouvoir taliban (le 31 août) n’était pas non plus très intelligent, d’autant qu’il donnait de facto la possibilité au nouveau régime de danser sur les cendres du 11 septembre 2001 dont on a célébré le 20e triste anniversaire. 

Enfin – liste non exhaustive -, la saison choisie pour le retrait (l’été) est, selon plusieurs spécialistes, le plus mauvais moment car la mobilité des talibans entre les vallées du pays est maximale pour reconquérir le pays très rapidement – en hiver, alqaedistes et Talibans se retirent au Pakistan.

Certes, sur la décision du retrait, entamée sous Obama, et hélas confirmée sous Trump, il y a débat : les Américains ne pouvaient sans doute pas rester éternellement en Afghanistan. Mais en même temps, la « restitution » du pays à un pouvoir islamiste, poreux d’avec plusieurs organisations terroristes, est bien pire que la situation du maintien d’une (faible) présence militaire. La stabilisation de pays comme l’Irak et l’Afghanistan, lorsqu’on a l’hubris de démocratiser des nations aux valeurs ancestrales, nécessite davantage que deux décennies de présence militaire, comme ce fut le cas pour des pays pourtant moins rétrogrades comme la Corée. 

L’attentat qui a coûté la vie à une centaine de personnes dont 13 militaires américains alors qu’aucune mort n’était à déplorer depuis dix ans, vient nous rappeler que le nouveau régime, bien qu’il ait condamné les attentats revendiqués par l’Etat islamique, ne peut garantir que ne se fomente, depuis l’Afghanistan, un nouvel 11 septembre… 

C’est pourquoi les demandes d’asile doivent être dépistées au regard des critères relevant du terrorisme. Le logisticien du massacre du 13 novembre 2015 qui a fait 90 morts au Bataclan, Abdelhamid Abaaoud, dont l’ombre plane sur le procès qui a démarré en France, était un recruteur hors-pair pour l’EI. Son commando s’était entraîné en Syrie et certains de ses membres étaient revenus en Europe dans le flot des réfugiés. Plusieurs terroristes potentiels venant d’Afghanistan ont d’ores-et-déjà été signalés aux autorités et cinq d’entre-eux ont déjà été placés sous surveillance. Or il suffit d’une demi-dizaine passant au travers des mailles du filet pour faire un massacre, à Paris, Bruxelles, sur la Promenade des Anglais ou ailleurs… 

On ne doit garantir l’asile qu’aux interprètes et proches collaborateurs des Occidentaux qui périraient immédiatement pour trahison ainsi qu’aux femmes qui ont occupé des postes désormais impensables pour les nouveaux dirigeants islamistes rigoristes (ministres, journalistes, restauratrices, tenancières de boutique de prêt-porter, coiffeuses, barbiers, etc.), aux homosexuels, aux personnes ayant affiché des convictions religieuses ou athées incompatibles avec l’ordre nouveau taliban,… Ces personnes, qui ont nos valeurs chevillées au corps, constitueront d’ailleurs une valeur ajoutée pour nos pays.

Nicolas de Pape