ENERGIE: Lost in Transition (1/10)

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Les artisans, sacrifiés de la transition ratée.
Les artisans, sacrifiés de la transition ratée. Image par Alexa de Pixabay

Nous voilà au milieu du gué. Plus de gaz et pas encore d’alternatives concrètes. Les anxieux climatiques se tiennent la tête en attendant la fin du monde. Ils n’ont que les mots « dérèglement » et  « transition » à la bouche. Quand il fait beau, ils les inscrivent sur des pancartes qu’ils promènent à intervalles réguliers. Pour les autres, ce sera « Lost in Transition ». Voilà qui précise le scénario de ce No Future qu’on nous surine depuis 1977.

Quelle est la durée de vie de notre civilisation une fois qu’on la prive d’énergie ? C’est un peu ça la question que pose la transition ratée dont nos élus portent la lourde responsabilité. Le sujet est plus que vaste. Il est total au sens de Marcel Mauss. Il est sociétal. C’est pourquoi B-Mag a décidé de consacrer un dossier en dix parties pour brosser le tableau de cette crise qui est certainement la plus violente que l’Humanité ait à affronter. Ainsi, nous nous pencherons  sur les victimes, sur les lanceurs d’alerte mais aussi sur les responsables. Nous examinerons les solutions, réelles ou fantasmées, les implications économiques politiques et géostratégiques.

Les artisans, victimes d’une transition ratée

Pour inaugurer ce dossier, ce sont les victimes qui seront mises en avant. En quelques mois, des pans entiers de la société se sont révélés d’une incroyable fragilité face à l’envolée des prix de l’énergie. A mesure que les factures de régularisation tombent,  des particuliers, des ménages, des petits – et même des plus grands – commerces  s’avèrent incapables d’absorber les prix de l’énergie. Chauffer des locaux, conserver des aliments ou réaliser des préparations à chaud devient problématique pour de très nombreux acteurs. En traçant les pointillés, en prolongeant les courbes, c’est le crash qu’ils ont en ligne de mire.

Alors, la semaine dernière, une délégation d’artisans, principalement des boulangers, se sont rendus à Namur, siège du gouvernement wallon avec l’intention de sensibiliser le ministre en charge de l’économie à leur détresse face aux prix de l’énergie. Venus déverser des miettes de pain devant les bureaux de Willy Borsus pour obtenir un tarif social ou modifier la formation des prix de l’électricité, ils en sont revenus « entendus » mais bredouilles. Et oui, dans notre pays où a sévi si longtemps le plombier belge, le bedonnant De Haan, nous avons entretenons une foultitude de ministres qui ne décident de rien. Dans ce – confortable –  contexte, Monsieur Borsus se sera vite retranché derrière le fédéral pour le tarif social et derrière l’UE pour les mécanismes de formation des prix de l’électricité.

Voilà nos artisans renvoyés à leur triste sort. Le problème pour nos élus, que ce soit au gouvernement wallon, fédéral ou même à l’échelon européen,  c’est que le nombre de victimes est trop grand. Même s’ils meurent en silence, cela fera du bruit. Ces sacrifiés vont emporter des milliers d’emplois. Leur détresse impactera leurs fournisseurs. C’est une hécatombe. C’est une extinction de masse qui va s’abattre sur les PME et les emporter par secteur entiers : les boulangers, les poissonniers, les bouchers, les restaurants – déjà fragilisés par les mesures Covid.

Récemment, le dirigeant d’une grande boulangerie-pâtisserie Bruxelloise expliquait devoir son salut à la signature de contrats fixes pour l’énergie et le blé. « Sans cela », nous dit-il « je ne sais pas où nous en serions aujourd’hui. D’ailleurs, nous ne sommes pas sauvés car ces contrats viennent à échéance l’année prochaine. En attendant, on tient la tête hors de l’eau. Mais c’est mon personnel qui m’inquiète. J’ai des employés qui me demandent de les aider avec des avances pour payer leurs factures de chauffage ! On fait ce que l’on peut, avec des chèques repas. »

Ce soir, une amie m’apprend qu’un restaurateur d’Eupen cessera ses activités après le Nouvel An. Un parmi tant d’autres. Dans les mois qui viennent, nous connaîtrons tous un, deux ou trois « commerces essentiels » – en temps de pandémie- qui baisseront le volet sous le poids idéologique de la décroissance prolongé par l’impéritie de nos gouvernants.

Mais signe des temps, un syndicat de commerçants liégeois invite ses membres à se joindre au mouvement de grève nationale au programme du 9 novembre prochain. Il y a comme un parfum de convergence des souffrances.

T. H.