Par Nicolas de Pape.
L’accord historique entre, d’une part, les Emirats Arabes Unis et Bahrein et, d’autre part, Israël est passé presque inaperçu en Belgique, littéralement snobé ou critiqué au plan européen. Deux raisons : ils ont été arrachés par « l’idiot du village » (Donald Trump mais en réalité son gendre, Jared Kuchner) et ils bypassent les Palestiniens, obsession ethnico-progressiste de l’Europe. Bons perdants, les Démocrates américains, eux, n’ont pas hésité à saluer le succès de Donald Trump.
Sous l’égide du président américain, le dirigeant israélien Benjamin Netanyahu a signé le 15 septembre, à la Maison Blanche, des accords bilatéraux avec le ministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis, Cheikh Abdallah ben Zayed Al-Nahyane, et celui de Bahreïn, Abdel Latif al-Zayani.
Dans les jardins de la Maison-Blanche, Donald Trump, orphelin d’un grand succès géopolitique et à 8 semaines des élections présidentielles, peut éructer : « Après des décennies de divisions et de conflits, nous sommes témoins de l’aube d’un nouveau Moyen-Orient. » Et de préciser que 5 ou 6 autres pays arabo-musulmans pourraient rejoindre l’accord, sans préciser lesquels mais le Maroc serait dans la liste ainsi que l’État d’Oman, du Soudan et de Mauritanie.
Cet accord est signé en échange d’un gel de l’extension des « colonies » en Cis-Jordanie.
Le Premier ministre israélien, optimiste, espère mettre fin au conflit israélo-arabe « une bonne fois pour toute » tout en saluant ses vis-à-vis arabes d’un « Assalamu Alaikum » (la paix soit avec vous). Abdallah ben Zayed Al-Nahyane, a remercié Benjamin Netanyahu « pour avoir choisi la paix et pour avoir stoppé l’annexion de territoires palestiniens ».
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis
Depuis 1979 et 1994 (accords de paix avec l’Egypte et la Jordanie, respectivement), c’est la première fois que quelque chose de tangible (davantage que les promesses des accords bancals d’Oslo) est signé entre Israéliens et Arabes.
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis : les EAU et Bahrein ont un adversaire commun avec Israël et l’Amérique de Trump : la théocratie iranienne aux mains des Mollahs depuis la chute du Shah et l’avènement de l’Ayatollah Rouhollah Khomeiny en 1979, jusque là réfugié… à Neauphle-le-Château sous la protection bienveillante de la France laïque et voltairienne et de laquelle il préparait tranquillement sa révolution. Merci Valéry Giscard d’Estaing pour votre clairvoyance.
Les pays du Golfe ont également des intérêts économiques à partager et entendent bénéficier de la haute technologie israélienne, digitale mais aussi, notamment le dessalement de l’eau de mer et les moyens de lutte contre la pandémie de Coronavirus, virus qui apprécie en particulier l’air conditionné généralisé dans les monarchies pétrolières.
Bien évidemment, cet accord historique ne fait pas que des heureux.
Les Palestiniens, depuis longtemps prétextes brandis par des régimes arabes corrompus pour désigner la responsabilité de « l’entité sioniste » dans leurs propres turpitudes, ne sont plus guère une monnaie d’échange.
Les Palestiniens dindons volontaires de la farce
Même si Donald Trump a ajouté : « Les Palestiniens vont totalement devenir un membre, je ne suis pas bravache, je vous assure que les Palestiniens vont faire partie d’un accord au moment opportun », l’Autorité palestinienne a immédiatement regretté cet accord. « Les tentatives pour contourner le peuple palestinien auront de graves répercussions dont les Etats-Unis et l’occupation israélienne devront porter la responsabilité », a précisé le président palestinien, Mahmoud Abbas, sans donner de détails, bien sûr, la hauteur de ces « graves répercussions » puisqu’Abbas n’a en réalité aucun levier pour menacer quiconque.
Le principal opposant politique en Israël, Yaïr Lapid, dont deux anciens acolytes, le ministre de la Défense Benny Gantz et le chef de la diplomatie Gabi Ashkenazi, ont rejoint Netanyahu pour former avec lui un gouvernement d’union, a estimé que Netanyahu n’avait aucune intention de signer une paix avec les Palestiniens. Lapid a cependant reconnu que les Palestiniens ne pouvaient attendre la paix « assis sur une chaise » et qu’ils ne pourraient pas non plus « tout avoir », notamment Jérusalem, dont il a rappelé l’indivisibilité.
La Russie s’oppose mollement
La Russie qui, au temps de la guerre froide, sous le nom de « Union soviétique » a pratiquement « inventé » le concept de peuple palestinien en opposition avec les Etats-Unis, alliés inconditionnel de l’Etat hébreu depuis 1967, a évidemment regretté cette paix limitée tout en reconnaissant ses avancées. « Prenant note des progrès en cours dans la normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes, nous constatons que le problème palestinien conserve toute sa gravité », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères à l’AFP. Une critique plutôt mollassonne qui démontre le désintérêt de la Russie pour ce conflit par rapport à ses priorités de maintien de sa zone d’influence en Syrie.
En Europe, l’accord passe presque inaperçu. Les pays européens, largement acquis à la cause palestinienne et, une nouvelle fois en retard d’une guerre, le prennent assez mal : comment est-il possible d’obtenir de telles avancées sans régler LE VRAI LE SEUL conflit, celui entre Israël et les Palestiniens ?
Toute la politique étrangère européenne dans la région est axée sur ce conflit, les Européens ayant trouvé dans les Palestiniens, « les nouveaux Juifs », les « opprimés parfaits » puisqu’occupés par les descendants du peuple supplicié dans une relative indifférence dans la majorité des pays d’Europe en 40-45.
Donald Trump, la surprise du chef
Une nouvelle fois, Donald Trump, tel le génie de la Lampe, surprend tout le monde.
Déclaré « inapte à la fonction présidentielle » dès novembre 2016 voire même avant par la majorité des commentateurs et « spécialistes » des Etats-Unis dont aucun n’a pu prévoir sa victoire, Donald Trump, non content de n’avoir pas poussé sur le bouton nucléaire comme les mêmes commentateurs le pronostiquaient très sérieusement, a accouché d’un accord de paix qui aurait été loué sur toute la planète s’il était l’œuvre de Barack Obama.
Si les Affaires étrangères sont rarement un argument de campagne pour un président américain sortant (sauf, a contrario, quand ça tourne mal comme la prise d’otage des employés de l’ambassade américaine à Téhéran sous Jimmy Carter), ce succès diplomatique démontre une nouvelle fois que le pensionnaire de la Maison-Blanche est tout sauf un zozo.
L’autre enseignement – mais ça on le savait déjà – c’est que les membres de la Ligue arabe n’ont que peu de sentiments à l’égard de leurs « frères » palestiniens qui constituaient pour eux davantage une épine dans le pied qu’autre chose. Jusqu’à présent.
Nicolas de Pape