DROIXHE: des Tchétchènes au pays de Tchantchès

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Droixhe: la guerre interclainique fait un mort.
Droixhe: la guerre interclainique fait un mort. Image par Daniel S. de Pixabay

Les images de Droixhe (Liège) où une guerre interclanique a opposé ce vendredi des Tchétchènes à des Kurdes dans des échanges de tirs à l’arme de guerre ont fait le tour des réseaux sociaux et la une des rédactions. Le bilan, un mort et deux blessés, nous fait franchir un cap qui témoigne d’un effondrement  de l’Etat dans ses prérogatives régaliennes.

Du laxisme à la barbarie

« Il est interdit d’interdire », ce mantra hérité de Mai 68 qui a conduit à l’émasculation de l’Etat régalien laisse aujourd’hui la société à la merci de la sauvagerie ordinaire. La nature a horreur du vide. La nature humaine aussi. A mesure qu’un ordre disparaît, il est immédiatement remplacé par un autre. A l’Etat de droit, se substitue progressivement la guerre de tous contre tous pour nous plonger dans un univers jadis parfaitement décrit par Hobbes dans son Léviathan.

Plutôt que de l’envisager sous l’angle de l’anomie est-il plus réaliste d’y voir la substitution d’un corpus normatif étatique par un ensemble de normes juridiques secrétées par des fragments de société en voie d’autonomisation. Ceci devient envisageable lorsque la centralité de la norme est placée dans l’effectivité de sa sanction, comme le suggère le philosophe du droit, Lucien François. On remarquera au passage que les protagonistes de cette guerre font montre d’une détermination sans faille dans l’exécution de la sanction à l’infraction d’une norme qui régit la vie de ces clans. En effet, à partir du moment où ces entités constitués autour d’une identité ethnique coexistent depuis des années sans s’entretuer quotidiennement (auquel cas elles seraient plongés dans une logique génocidaire), on peut raisonnablement concevoir l’existence d’une norme, bien que celle-ci échappe au quidam. Il y a quelques décennies, on aurait parlé de « loi du milieu ». mais c’était « notre » milieu, qui vivait en marge de notre société et sans décalage culturel.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des lois exogènes importées via l’immigration puisqu’un individu ne migre bien entendu pas qu’avec son corps, mais aussi avec son esprit et donc sa langue, ses mœurs et ses coutumes. Si ces dernières ne sont pas en phase avec la société d’accueil et sont sanctionnées de façon plus sévère (à renfort d’AK47 est sans droit pour la défense), elles s’imposeront sans la moindre difficulté face à une justice étatique démissionnaire. A cet égard, l’ironie du sort veut que cette nuit, le procès en appel agresseurs des policiers brûlés vifs à Viry-Châtillon ait revu à la baisse les peines prononcées. Le message est très clair et a bien été reçu dans les territoires perdus, que d’aucuns préfèrent désigner comme « séparés ». Un scandale de plus… 

Tout va bien, les médias veillent

Si la violence des faits hisse potentiellement Droixhe au niveau de Medellin, ce qui est encore plus spectaculaire, c’est leur traitement médiatique ! D’un côté, ces actes de barbarie urbaine ont choqué l’ensemble des médias flamands. Des journaux télévisés de la chaîne de télévision publique flamande aux publications du Vlaams Belang sur les réseaux sociaux, on souligne la tension qui règne à Droixhe. De l’autre côté de la frontière linguistique, l’organe de presse officiel francophone, la RTBF, parvient à consacrer la moitié du duplex au vivre-ensemble qui règnerait dans ce quartier, haut-lieu du trafic de stupéfiants en région liégeoise depuis des décennies. Pour parvenir à ses fins, l’équipe dépêchée sur place a trouvé un couple de personnes âgées’ qui vantaient l’arrivée prochaine du tram dans ce quartier dont les barres d’immeubles s’étirent tout au Nord de la ville, en bord de Meuse. Rompus à la pensée positive, ils poursuivent en relativisant ainsi : «  Mais ce n’est qu’un cas. Il y en a d’autres autre part. Donc ce n’est pas ça qui devrait nous rendre malheureux de ce qui se passe à Bressoux (NDLR : quartier situé à l’intersection de Droixhe et Liège)  ». On ne sera pas étonné de constater que la RTBF avait commencé par qualifier les faits d’altercation, comme le montre l’url du lien vers le reportage

Comme si cela ne suffisait pas, la RTBF a réussi à braquer ses caméras sur un riverain à qui elle a pu arracher ces paroles d’apaisement : « Je travaille ici tous les jours ; ça fait 36 ans que j’habite le quartier. Je travaille le soir ; je sors la nuit… Il n’y a vraiment aucun souci à ce niveau-là. On a vraiment le vivre-ensemble qui est le maître-mot du quartier. » Le reportage ne nous dit pas si l’interviewé travaille, de près ou de loin, pour la Ville ou la Province de Liège, où même la moindre Madame Pipi sait qu’il est de bon ton d’avoir sa carte du parti socialiste.

Mais là n’est pas l’essentiel. Le véritable problème, réside dans ce glissement sans fin vers un univers de violence que la police a de plus en plus de mal à endiguer. Le problème vient aussi d’une distorsion de la réalité qui voudrait faire croire que « la guerre », ce sont des tués par balles tout le temps, partout. Rien n’est plus faux. Les attaques sont toujours sporadiques et n’impliquent jamais qu’une portion congrue de la population. La seconde guerre mondiale, malgré ses bombardements, n’a fait « que » 80.000 victimes environ sur un total d’un peu plus de 8 millions d’habitants en 1940. 

Les guerres de gangs ou les guerres civiles sont peut-être moins spectaculaires car elles n’engagent pas souvent de moyens aériens. Malgré leur côté « low cost » et local, le nombre de morts y est. Au Mexique la guerre des cartels a fait selon les recensements entre 50.000 et 100.000 victimes entre 2006 et 2012. Un autre conflit, sur fond d’islamisme en Algérie, la décennie noire entamée en 1991, a généré entre 60.000 et 150.000 victimes. Donc, pour répondre aux intervenants du JT de la RTBF peut-être membres de la ligue des optimistes, au Mexique comme en Algérie, la vie n’a jamais cessé de « continuer » : les transports transportaient les passagers ; les boulangers pétrissaient leur pain ; les professeurs enseignaient à leurs élèves. Ce qu’on évite d’évoquer, c’est le climat pesant dans lequel “la vie continue”.

Tchétchènes : la mise en garde de la Russie

En 2012, notre consœur du Vif, Marie-Cécile Royen mettait en exergue les problèmes inhérents aux mœurs musclées de la communauté Tchétchène particulièrement représentée en Belgique.  Faut-il rappeler qu’en 2009, déjà, l’ancien Ambassadeur de Russie en Belgique Vadim Loukov  avait mis en garde notre pays contre son laxisme dans l’octroi de l’asile à des Tchétchènes ? La Belgique n’en a eu cure et a poursuivi, tête baissée, à accueillir des contingents tchétchènes, principalement massés à Verviers côté francophone et à Ostende, au Nord du pays. Surreprésentée parmi les djihadistes et particulièrement active dans les réseaux mafieux, cette communauté musulmane fermée est depuis toujours dans le viseur des services de renseignements, en Belgique, comme ailleurs. Tout porte à croire que surveiller ne suffit pas. On comprend d’autant mieux le ressentiment russe quand on mesure à quel point la Belgique et sa politique d’accueil dépourvue de discernement contribuent à l’essor du terrorisme, bien au-delà de nos frontières, y compris en Russie comme le montre une récente série de perquisitions dans les milieux tchétchènes. 

L’angélisme, pour ne pas dire la paresse des autorités belges ne constitue pas la réponse la plus appropriée pour garantir la suprématie de l’Etat de droit. Un cap, plus que symbolique, a été franchi à Droixhe. Comme tout était prévisible pour avoir fait l’objet d’analyses au niveau du renseignement, tout porte à croire que les autorités ne changeront pas leur fusil d’épaule parce qu’elles ont déjà trop peur que leurs actions soient couvertes par le bruit des rafales de Kalachnikov. Cultivez votre optimisme, valeureux liégeois, le port de l’AK47 sera interdit dans le tram ! 

Qui sait, le jour où l’on pourra à nouveau rire de tout sans risquer une fatwa, peut-être Tchantchès, malicieux homologue liégeois du célèbre Guignol fera-t-il la guerre aux Tchétchènes comme aux Romains… 

Dominique Dumont