DROGUES: l’insoutenable toxicité de Liège

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Liège, Tox City, plus que jamais
Liège, Tox City, plus que jamais. Image par Nico Franz de Pixabay

Alors que les bourgmestres des grandes villes du pays interpellent le fédéral afin d’obtenir plus de moyens pour lutter contre le trafic de drogue, une ville, Liège, Tox City, se distingue par la singularité de son approche des plus laxistes du phénomène. Et cela ne semble pas lui réussir.

Les grandes villes victimes du trafic de drogues… et du laxisme de leurs édiles

Si le regard des médias se porte souvent sur Anvers lorsqu’il s’agit de dépeindre les ravages du narcotrafic, c’est plutôt à Liège qu’il faut aller chercher le plus mauvais élève en termes de « narco-cité ». Anvers, deuxième port international européen (après Rotterdam) pour des raisons logistiques évidentes, fait face au transit de quantités considérables de stupéfiants. Il est organisé par des mafias structurées qui opèrent directement avec les pays de production. Il passe à Anvers suffisamment de drogue en transit pour alimenter à la marge un marché local. En outre, on ne peut pas ignorer les années de laxisme dans la gestion municipale des drogues sous l’ère socialiste incarnée par Leona Detiège entre 1995 et 2003. Le rejet de l’approche répressive a favorisé l’enracinement du phénomène. Rétablir le cap est très difficile. Voilà des années que Bart De Wever s’acharne à rebrousser chemin en remettant à Anvers la police au cœur du dispositif anti-drogue. Les résultats sont maigres car la mission est quasi impossible.

Mais le laxisme anversois du temps où les socialistes y régnaient en maître reste néanmoins sans commune mesure avec celui des politiques implémentées à Liège. Voilà plus de trente ans que  la cité ardente a choisi de résoudre la problématique des drogues qui la gangrène en s’attaquant non aux stupéfiants ou aux acteurs impliqués, mais aux mots. En sortant les usagers de drogues du tribunal, pense-t-on à Liège, par magie, on réduit le nombre de toxicomanes. On les transforme en malades à gérer, à psychiatriser. Voilà trente ans qu’à Liège, le contrat de sécurité et ses technocrates de province alimentés par des impôts locaux et des fonds européens font la promotion à peine voilée de la déprohibition. Toujours la même antienne ! Cela a commencé doucement par la dévalorisation de la répression (qualifiée péjorativement de « tout au répressif ») au profit de la prévention (sans jamais réellement définir les éléments clefs de cette notion). Ensuite sont arrivés les traitements de substitution (qui n’en sont pas puisque la majorité des usagers de drogues à Lièges sont polytoxicomanes, sans compter que les produits de substitution créent de nouvelles addictions). Après, Liège s’est dotée  d’une salle de shoot

L’expérimentation sociale en action

Si Molenbeek a été le laboratoire social du défunt bourgmestre socialiste Moureaux qui y a pratiqué la « greffe intercultuelle » avec les succès terroristes qu’on lui reconnaît, Liège se taille une réputation internationale dans l’expérimentation sociale sur la population toxicomane. Ainsi, entre 2011 et 2013, les autorités liégeoises ont organisé un projet pilote de distribution d’héroïne en collaboration avec le département de criminologie de l’Université de Liège. Mené dans des conditions éthiques douteuses vu l’extrême fragilité du public visé, ce projet aura connu une importante surmortalité des sujets étudiés (5 morts sur 28 cas en deux ans). Non reconduit, le projet laisse la structure Tadam à la tête d’une salle d’injection qui elle aussi fait débat, surtout quand elle délivre le mode d’emploi de la fabrication du crack !

Pas besoin d’étude approfondie pour prendre conscience des chiffres dramatiques de la toxicomanie à Liège tant ils sautent aux yeux  ! Place Saint-Lambert, à quelques pas du Palais de justice, on voit défiler le ballet incessant de silhouettes longilignes mal cachées sous des vêtements trop amples. Animées d’une  démarche saccadée, parfois trébuchante, leur visage est mangé par des orbites en forme de cratère. Souvent s’y ajoute le noir d’une ecchymose. A Liège, on trouve les prostituées les plus décharnées, les plus édentées… A Liège, les trottoirs sont plus éclairants que toutes les statistiques sur l’état de délabrement de tout un pan de la société !

Tox City

L’hyper-centre, nécrosé, offre depuis des décennies un terrain favorable au développement du trafic de drogues. Le titanesque chantier du tram ne fait qu’accélérer le déclin de nombreux quartiers (Outremeuse, Feronstrée, rue Cathédrale…) Fait singulier en Belgique, toutes les activités en lien avec ce marché, qu’il s’agisse des transactions ou de la consommation, s’y déroulent « à ciel ouvert », au vu et au su de tous. Le nombre de toxicomanes et leur visibilité valent depuis longtemps à Liège le sobriquet peu engageant de Tox City.

Dès lors, à Liège, la préoccupation, pour ne pas dire l’obsession des autorités socialistes, est d’invisibiliser coûte que coûte ces nuisances. Voilà trente ans que les autorités mettent en œuvre -sans y croire- des politiques  un peu ringardes de « tout au préventif -rien au répressif » héritées de la pensée de Michel Foucault, qui voyait dans la prison une institution qui génère de la délinquance. Par un raccourci extraordinaire, certains imaginent aujourd’hui qu’il suffit de « détruire la prison » pour enrayer la délinquance. En somme, abandonner la répression revient à supprimer le crime. Et dans le cas d’espèce, légaliser les drogues permet de lutter contre leur trafic. Voilà le raisonnement simpliste qui est servi à la population pour faire bonne figure vis à vis de l’électeur. Sur le terrain, bien entendu, personne n’est dupe. Il faut dire aussi que les millions d’euros « investis » dans la toxicomanie font vivre confortablement quelques bataillons de fonctionnaires et une nuée d’asbl. L’enjeu se situe ailleurs. L’objectif n’est pas de réduire le phénomène, mais juste d’en rendre les nuisances supportables pour les riverains. Et même là, cela ne semble pas gagné si on en juge par le mécontentement de nombreux liégeois qui implorent depuis des années qu’il soit mis fin à leur cauchemar.

La prévention comme une démission

Comme toujours, avec les politiques de gauche, il s’agit d’acheter la paix sociale avec l’argent du contribuable. Une lâche démission financée par des administrés qui mettront des années à réaliser qu’ils ont été grugés. Toutefois, avec la population toxicomane, ce genre de petit jeu politicien peut se révéler beaucoup plus difficile à gérer qu’avec n’importe quel autre segment minoritaire de la population que l’on voudrait privilégier. Les toxicomanes ont une rationalité qui évolue dans un cadre très différent de celui de la société civile. Imaginant qu’il était possible de passer ce genre de pacte qui ne dit pas son nom avec la population toxicomane, les autorités liégeoises sous couvert de prévention ont financé des espaces ad hoc (salle de shoot, salle de distribution,…) qui ont pour seul but de réduire les nuisances urbaines. Sauf que ces politiques s’avèrent très attractives ; tellement attractives qu’elles gonflent les effectifs des junkies liégeois. Contribuent-elles à transformer des usagers de drogue occasionnels en usagers réguliers ? Ces politiques faussement généreuses attirent-elles des toxicomanes d’autres villes, voire d’autres pays ? Toujours est-il que le phénomène prend une ampleur inouïe. Est-ce un hasard si des enseignes comme H&M ou Decathlon ont fui la Place St-Lambert, épicentre des nuisances ?

Voilà beaucoup de questions qui devraient inviter les décideurs politiques et les chercheurs en criminologie à jeter un regard critique sur la corrélation qui pourrait exister entre l’abandon de la répression et la montée en puissance du narco-trafic.

Pourtant, la prévention aurait eu toute sa place. Mais de quelle prévention parle-t-on ? Celle qui consiste à faire défiler du personnel associatif dans les écoles pour expliquer devant des classes hilares que fumer un pétard, c’est pas vraiment un drame ?

La véritable prévention, ce serait celle qui agirait en amont des phénomènes d’addiction. Or quand on voit la montée en puissance de la consommation de drogues, d’écran, d’alcool, de jeux, il y a de quoi désespérer. Toutes ces formes d’assuétudes sont autant de marqueurs d’un malaise extrêmement profond qui pèse sur notre société au point de la faire vaciller. No Future, scandaient les Sex Pistols. Jamais nous n’en n’avons été aussi près !

En attendant, dans un souci de cohérence et pour éviter le gaspillage des ressources, les élus issus des rangs de formations qui prônent la dépénalisation des drogues ne devraient pas être autorisés à demander des effectifs policiers supplémentaires. Ce serait comme donner des perles à des cochons. Ce qu’il conviendrait d’allouer à ces communes, ce sont des assistants sociaux et des chercheurs en criminologie, parfaitement en phase avec le discours des élus. Après tout, un programme politique, c’est fait pour être suivi… Pour le meilleur et pour le pire. C’est une sorte de contrat de mariage entre une population et ses représentants.

Mais finalement en Belgique, quels sont ces partis qui n’ont pas baissé pavillon face au trafic de stupéfiants ?

T.H.