Donald Trump : à qui perd gagne

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Trump President
Image par Pete Linforth de Pixabay, Trump President

Par Nicolas de Pape

L’étau se resserre pour Donald Trump. Mais il peut encore retourner l’élection en démontrant des irrégularités suffisamment massives dans au moins trois Etats-clés, Pennsylvanie, Michigan et Géorgie. L’objectif est, soit de repasser au-dessus de 270 Grands électeurs, soit faire repasser Biden en-dessous. Si aucun des candidats n’a la majorité de 270 GE, le 12e Amendement prévoit que l’élection se joue à la Chambre des représentants. A raison d’une voix par Etat, les Républicains y sont majoritaires. Mais le temps joue contre Trump…

Si vous êtes près de l’ennemi, faites-lui croire que vous êtes loin de lui.

Si vous êtes loin de l’ennemi, faites-lui croire que vous l’êtes maintenant.

Sun Tzu, l’Art de la Guerre

Déclaré avant même novembre 2016 inapte à la fonction de président des Etats-Unis par la plupart des commentateurs, Donald Trump apparaît, au contraire, comme un grand stratège à la combativité étonnante pour un homme de 74 ans. Il semble croire encore qu’il peut renverser la tendance !

Son objectif est, vraisemblablement en appel, d’aller plaider sa cause devant la Cour suprême pour parvenir à invalider les résultats d’au moins deux Etats-clés, la Pennsylvanie et la Géorgie (et peut-être le Michigan ou le Wisconsin). C’est possible, même après les certifications de Grands électeurs par les Etats.

Allégations de fraude sous serment

Les espoirs de Donald Trump reposent sur ses avocats.

Rudy Giuliani, ancien procureur, ancien maire de New-York et qui dirige l’équipe juridique de Trump, affirme qu’il dispose d’au moins cent « affidavits » dans la plupart des Etats-clés (témoignages sous serment susceptibles de vous envoyer en prison en cas de parjure) pour faire invalider, dans la seule Pennsylvanie (20 Grands électeurs), 670.000 voix. L’avance de Joe Biden dans cet Etat est d’environ 80.000 voix…

Esbroufes ? Elucubrations ? Il a fourni, jeudi 19 novembre, lors d’une conférence de presse de 1 h 45 (à revoir sur YouTube, non couverte par la plupart des grands médias américains), un affidavit qu’on peut vérifier publiquement (la centaine d’autres témoins doivent en effet être protégés). Il s’agit en l’occurrence d’une témoin, Jessie Jacob, qui décrit des irrégularités dans un gros bureau de vote à Détroit, Michigan (« I was instructed by my supervisor to adjust the mailing date of these absentee mail-in packages to be earlier than when they were sent »/ « Mon superviseur m’a ordonné d’apposer sur des votes par correspondance, une date antérieure à celle de leur envoi »). Giuliani affirme que des fraudes de ce genre ont été la règle dans la plupart des Etats-clés. Il parle d’autres irrégularités comme : des doubles votes (en présentiel ET par correspondance), des non-vérifications d’identités, des assesseurs républicains empêchés de surveiller le dépouillement, etc.

Giuliani affirme que ce type de fraudes qui perdure dans l’histoire des Etats-Unis est facilitée par la complicité de la pègre dans les grandes métropoles industrielles américaines comme Philadelphie, Pittsburgh, Détroit, Chicago, etc.

Lors d’une audition mercredi 25 novembre devant l’Assemblée locale de Pennsylvanie dans une salle de conférence d’hôtel à Gettysburg, et devant des sénateurs de l’Etat, Rudy Giuliani a présenté une série de ces témoins dont un qui a été empêché de surveiller le dépouillement dans un bureau de votes. L’Associated Press et l’AFP ont publié à ce sujet une dépêche moquant l’intervention téléphonique lors de cette séance de Donald Trump qui « sans preuve », affirme que l’élection « a été truquée ». Or, les affidavits sont des moyens de preuve, ce que ces grandes agences de presse devraient pertinemment savoir.

Depuis le début de ces allégations, une quasi omerta règne sur les principales chaînes de télévision américaines, à l’exception de Fox News, Newsmax et OAAN. Certaines ont, rappelons-le, censuré Donald Trump lors d’une conférence de presse post-élection où il faisait état de fraudes. On imagine aisément leur attitude si Joe Biden s’était plaint d’irrégularités électorales…

Tout au long de la campagne, d’ailleurs, le parti-pris des médias mainstream en faveur de Joe Biden a été à la limite de la corruption morale. Le centre de recherche sur les médias MRC a ainsi mené divers sondages qui démontrent que 17% des électeurs de Joe Biden n’auraient pas voté pour lui s’ils avaient eu connaissance d’affaires non-couvertes, comme les affaires de viol et les allégations d’emails compromettants contenus dans l’ordinateur portable de Hunter Biden, le fils de Joe. A ce sujet, rappelons que le New York Post, tabloïd de 200 ans d’âge qui a publié plusieurs enquêtes sur Hunter Biden et son affairisme en Ukraine, a vu son compte Twitter et son compte Facebook bloqués pendant plusieurs jours, preuve que les GAFAM ont tout fait, également, pour que Joe Biden soit élu. Pratiquement la moitié des tweets de Trump sont affublés d’un avertissement de Twitter : « Ces allégations sont controversées. » Les comptes Twitter d’Eric Trump et Donald Trump Junior ont été souvent bloqués.

Selon le MRC, si les principaux médias avaient été moins biaisés, Donald Trump aurait emporté la plupart des Etats-clés où l’institut de recherche a interrogé des électeurs : Arizona, Géorgie, Michigan, Nevada, Pennsylvanie et Wisconsin.

Conspiration aux ramifications internationales ?

En parallèle, Me Sidney Powell, ancienne procureure également, étudie un axe très différent et qui relève d’une conspiration. En gros, les machines à voter électroniques Dominion, auraient été manipulées sur place et de l’étranger pour « switcher » des millions de voix de Trump vers Biden mais aussi pour retirer des voix à des parlementaires, systématiquement en faveur des Démocrates. On sait que dans au moins un comté du Michigan un bug est arrivé. Un recomptage à la main a permis de conclure à une erreur en défaveur de Trump de 6.000 voix alors que la machine avait porté Biden en tête.

Le 25 novembre, Me Powell a déposé une plainte en Géorgie et au Michigan pour démontrer ces allégations. Le document de plus de 100 pages déposé devant une cour du Michigan est public : à lire ici. Pour faire court1, il y est allégué, entre autres, quatre types de fraude : les votes orphelins (30.000 électeurs ont reçu une assignation à voter sans le demander et 30.000 bulletins envoyés par correspondance sont indiqués comme manquants) ; le fractionnement des votes (le système Dominion/Smartmatic contiendrait un algorithme qui permet d’attribuer une fraction du vote à un candidat déterminé) ; impossibilité physique supposée de compter 384.000 votes, presque tous pour Joe Biden, dans 4 arrondissements dans la nuit du 3 au 4 novembre. Me Powell s’appuie sur l’expertise de trois professeurs de Princeton.

Enfin, Me Powell relate, preuve à l’appui, qu’Eric Coomer, Voting Systems Officer of Strategy and Security pour Dominium, s’est vanté sur un forum antifa avant l’élection : « Don’t worry Trump won’t win the election, we fixed that. » (« N’ayez pas peur, Trump ne gagnera pas cette élection. Nous allons arranger cela. »). Me Powell fournit également le témoignage d’un expert en cybersécurité qui confirmerait les « flips » entre Trump et Biden.

Les grands médias américains mainstream et l’Associated Press continuent de nier toute possibilité de fraudes, taxant Donald Trump de mauvais perdant et d’irresponsable. Pourtant, ces mêmes médias ont endossé l’histoire abracadabrantesque du « dossier russe », une enquête de deux ans et demi menée par le Procureur Mueller contre le président Trump, enquête qui avait tenté, en vain, de démontrer que des hackers russes avaient « volé » l’élection à Hillary Clinton sur ordre de Vladimir Poutine.

Invoquer le 12e Amendement

Il faut écouter sur cette affaire Alan Dershowitz, avocat et constitutionnaliste américain, professeur émérite à Harvard, auteur de nombreux best-sellers.

Me Dershowitz, qui a défendu Trump lors de sa procédure de destitution, pense que la stratégie de Donald Trump n’est plus d’atteindre 270 GE mais bien de faire redescendre Joe Biden en-dessous de 270. Même 269 suffirait pour qu’une nouvelle élection présidentielle ait lieu, cette fois à la Chambre, en vertu du 12e Amendement à la Constitution américaine. Et à raison d’une voix par Etat à la Chambre, les Républicains y disposent de la majorité. Une autre possibilité est que le Sénat, toujours républicain jusque janvier, rejette plusieurs certifications de grands électeurs s’ils émanent d’Etats douteux. Enfin, dans certains Etats remportés par Biden, leur règlement n’oblige pas les Grands électeurs à voter pour Biden.

Trump pourrait-il renverser l’élection ?

A ce stade, étant donné le court laps de temps qui reste pour invalider des élections, Me Dershowitz voit tout de même Joe Biden s’installer dans le Bureau ovale le 20 janvier. S’exprimant avant le dépôt de la plainte de Sidney Powell, il a déclaré : « Dans un cas, ils n’ont pas les chiffres [pour retourner l’élection] ; dans l’autre cas, ils ne semblent pas encore avoir les preuves, peut-être qu’ils les ont, je ne les ai pas vues. Mais la théorie juridique est là pour les soutenir s’ils ont les chiffres et s’ils ont les preuves2.»

Dans ce contexte, l’acceptation par Donald Trump d’un premier pas vers une transition pacifique de l’administration centrale avec l’équipe Biden n’offre qu’un semblant de réponse puisqu’il ne s’agit que de pure logistique (boissons, mobiliers, ordinateurs…). Le 27 novembre, Trump a déclaré que si le Collège électoral élisait Biden, il quitterait son bureau mais que « d’ici le 20 janvier, beaucoup de choses peuvent arriver ».

Vraisemblablement, Trump voit cette affaire tranchée in fine, par la Cour suprême. Toutefois, le « narratif » du « président élu Biden » à nous imposé par l’Establishment depuis le 7 novembre constitue une forte pression sur la Cour qui peut préférer la cohésion sociale à des émeutes de grande ampleur, inévitables si la Chambre des Représentants élisait finalement Donald Trump. Déjà des antifas ont menacé de bloquer les « quartiers républicains » si Trump ne concède pas la défaite d’ici dimanche 29/11.

Gore vs. Bush Jr.

Si Trump ne doit pas attendre des miracles des juges suprêmes, la Cour suprême est toutefois la plus conservatrice depuis longtemps (6/9 juges) avec trois juges proposés ou nommés par Trump : Brett Kavanaugh, Amy Coney Barrett et Neil Gorsuch. Le juge Roberts, en revanche, vote souvent avec les juges démocrates. Il l’a encore prouvé dans l’affaire opposant le gouverneur de New York aux cultes qui voulaient se réunir pour Thanksgiving.

Dans l’affaire Gore vs. Bush en 2000, la Cour suprême des Etats-Unis avait donné raison à George Bush Jr le… 12 décembre, estimant, par 7 voix contre 2, « que le recompte ordonné par la Cour suprême de Floride était anticonstitutionnel » et, par 5 voix contre 4, « qu’il était impossible d’effectuer un recompte dans les délais impartis par la Constitution »3. Al Gore, déclaré élu par tous les grands médias le soir du 7 novembre 2000, « concéda » en soulignant son désaccord avec cette décision. Bush fut élu avec 537 voix d’avance dans une Floride dont le gouverneur n’était autre que son frère Jeb Bush…

Conclusion et pronostic

Le temps joue contre les équipes juridiques de Donald Trump. Vérifier les allégations de fraudes, notamment celles de Me Powell, peuvent prendre des mois. Le FBI devra s’impliquer ce qu’il n’a pas fait dans l’affaire du laptop d’Hunter Biden.

Jusqu’à présent, seul un juge a suspendu la certification en Pennsylvanie, aucun gouverneur ni secrétaire d’Etat n’a abondé dans le sens de Trump et la division cyber du Département de la Sécurité intérieure a déclaré que cette élection était « la plus sûre de l’histoire des Etats-Unis ». La firme Dominion a également nié toute compromission des résultats.

Si les allégations de l’entourage de Trump sont toutefois fondées, il est possible que la vérité surgisse plutôt dans le courant de 2021.

On peut affirmer que Joe Biden verrait – dans cette hypothèse et seulement dans cette hypothèse – sa présidence considérablement affaiblie. En cas de démission ou destitution de Biden, la vice-présidente Kamala Harris prendrait alors le relais… Ce scénario a été évoqué par plusieurs commentateurs.

En tout état de cause, la série Netflix « House of Cards » paraît désormais bien en-dessous de la réalité…

Nicolas de Pape, journaliste belge

1 J’emprunte ici à l’excellent résumé du philosophe Drieu Godefridi sur Medium.

2 « So in one case they don’t have the numbers, in the other case they don’t seem yet to have the evidence, maybe they do, I haven’t seen it. But the legal theory is there to support them if they have the numbers and they have the evidence. », Fox News, 23/11/2020.

3 Citations Wikipedia.