Les consommateurs aiment indéniablement les oeufs. L’aviculture est pourtant loin de se profiler comme un modèle sur le plan éthique. Pour ceux qui aiment les oeufs ET les poules, il existe plusieurs solutions pour mettre sa consommation en accord avec ses convictions et oeuvrer ainsi à une filière plus respectueuse de la vie des pondeuses. Avec le Coronavirus, la consommation d’oeufs à littéralement explosé. En France elle a augmenté de 44%. C’est peut-être le moment d’adapter ses pratiques pour donner du sens à ce que beaucoup appellent un peu vite le « monde d’après ».
Le vilain petit poussin (mâle)
L’aviculture est souvent épinglée pour ses pratiques contraires au bien être animal quand il ne s’agit pas de barbarie à l’état pur. Une large part du secteur avicole recourt à des élevages en batteries. Les poussins mâles, dont la valeurs marchande est nulle, sont jetés vivants dans d’immenses broyeuses. Quant au sort des survivantes, il n’est guère plus enviable dans la mesure où leur bec est le plus souvent épointé pour diminuer la gravité des blessures qu’elles s’infligent en raison de la promiscuité dans laquelle elles évoluent (jusqu’à 16 individus au mètre carré) durant leur brève et minable existence.
Alors que la longévité d’une poule peut atteindre dix ans, passé 18 mois, elles sont pour la plupart réformées, entendez, liquidées. Pourquoi? parce qu’elles pondent moins et que leurs oeufs ont tendance à présenter des irrégularités au niveau de la coquille. Au rang des images révulsantes, nous conservons aussi celles de poules jetées par millions dans des bennes lors des différentes crises sanitaires (dioxine, grippes aviaires, Fipronil, etc ) qui ont frappé le secteur, elles mêmes souvent consécutives au mode d’élevage intensif.
Des progrès en matière d’éthique sont régulièrement réalisés par les aviculteurs sous la pression de consommateurs de plus en plus conscients des conditions qui règnent dans ces élevages « de masse ». C’est ainsi que différentes normes liées à des cahiers de charges précis ont vu le jour. Grâce au code d’identification inscrit sur chaque oeuf, il est possible de déterminer si la poule qui l’a pondu a eu l’occasion de voir le jour, de sentir l’odeur de la paille voire même de fouler le sol. A grand renfort de marketing sur fond d’images champêtres, les industriels tentent de rassurer le consommateur.
Que l’on ne s’y trompe pas, la grande distribution ne détient pas le monopole des oeufs industriels. A la ferme, ou sur les marchés, vous risquez aussi de croiser des oeufs de batteries sur les étals. L’unique indication valable pour établir les conditions de vie de la poule son inscrites dans le code qui figure sur ses oeufs. Pour rappel, celui-ci commence par un chiffre de 0 à 3 qui va du meilleur au pire en termes de bien-être animal, suivi des deux premières lettres du pays de production. Ensuite viennent la région et l’élevage.
Parmi les avancées notables, on retiendra l’arrivée toute récente du sexage in ovo qui consiste à déterminer le sexe du poussin au stade embryonnaire ce qui évite d’avoir recours au massacre par broyage. Une véritable révolution! Différentes technologies se disputent ce marché qui a, comme les oeufs, le vent en poupe.
Un marché éthique de niche qui fait son nid
C’est paradoxalement dans cet univers assez glauque où l’animal est réduit à l’état d’objet qu’une start-up avicole éthique française, Poulehouse, a décidé d’attaquer ce marché – hyper concurrentiel – à contre courant des objectifs de rentabilité pure. En 2017 elle a démarré en proposant des oeufs de poules « déclassées ». Elle a ensuite été l’un des premiers promoteurs du sexage in ovo. Comme de nombreux distributeurs comprennent qu’il s’agit d’un véritable argument de vente auprès des consommateurs soucieux, cette innovation technologique attire de plus en plus d’industriels dans la filière. Comme quoi, les cercles vertueux existent, surtout là où on les attend le moins.
Il est évident que le bien-être de la poule a un prix. En Belgique, où les oeufs Poulehouse sont distribués dans de nombreux points de vente dont certaines enseignes Séquoia où ils sont commercialisés à 5,99€ le carton de six. « Nous en vendons régulièrement à une clientèle qui vient chez nous expressément pour se les procurer » explique Caroline, gérante de la boutique située à Ixelles, chaussée de Waterloo, pour qui il est important de faire découvrir ce produit.
Si toutes les bourses ne peuvent évidement pas se permettre d’introduire régulièrement de telles denrées dans leur panier, il est toutefois possible à chacun d’en acheter épisodiquement pour tout de même participer selon ses moyens aux progrès éthiques dans ce segment spécifique de l’industrie agro-alimentaire.
Pour éviter d’alimenter la misère animale, il est aussi possible de se fournir auprès de nombreux petits producteurs locaux qui élèvent des poules dans des conditions parfaitement éthiques. Quant aux plus motivés, ils peuvent aussi opter pour le Do It Yourself en installant un poulailler pour y loger des poules réformées. Plusieurs associations de protection animales, dont « Les poules heureuses » spécialisée dans ces sympathiques volatiles, se chargent du sauvetage de « vieilles » poules avant qu’elles ne passent à la la case abattoir et les proposent ensuite à l’adoption. De son côté, depuis peu Poulehouse se profile aussi comme intermédiaire entre les aviculteurs et les particuliers pour offrir une belle retraite à ces pondeuses sur le déclin. Petit à petit, l’éthique finit par faire son nid.
Tatiana Hachimi