Commission ‘décolonisation’: le parlement belge a-t-il ouvert la boîte de Pandore?

1625
Image Pixabay, RDC,

Le feuilleton s’annonce long, pénible et à terme potentiellement très dommageable pour la population belge, le Royaume de Belgique, mais aussi pour la République démocratique du Congo. 

Mise sur pied pour coller au plus près du délire ‘anti raciste’ qui s’est emparé d’une bonne partie du monde occidental à la suite du meurtre présumé « raciste » de Georges Floyd, la Commission  parlementaire belge sur la ‘décolonisation’, dont les travaux sont censés débuter au mois d’octobre 2020,  a pour objectif avoué d’examiner le passé colonial belge non seulement au Congo (à l’époque de Léopold II, ‘Etat indépendant du Congo’), mais aussi au Rwanda et Burundi (à l’époque, le territoire du Ruanda-Urundi  faisait partie de l’empire colonial de l’Allemagne, auquel celle-ci dut renoncer suite à sa défaite lors de la Première Guerre Mondiale, et qui sera placé sous administration belge, dans le cadre d’un mandat de la Société des Nations, puis sous tutelle de l’O.N.U.).

Présidée par M. Wouter De Vriendt (groupe Ecolo/Groen), cette commission a finalement pu constituer, après moult désistements et péripéties, son groupe d’experts. Sa composition témoigne cependant d’un parti pris et biais idéologiques, qui n’augurent rien de bon pour notre pays. 

Un choix épineux et conflictuel des experts

A l’image de notre temps, le choix s’est porté sur une équipe multidisciplinaire et multiculturelle. 

Parmi les experts finalement choisis, on retrouve ainsi le Dr. Zana Mathieu Etambala (Musée d’Afrique et KU Leuven), historien spécialisé dans l’histoire coloniale, le Dr Gillian Mathys (UGent), historienne et chercheuse, le Pr. Elikia M’Bokolo (EHESS, Université Kinshasa), spécialiste de l’histoire contemporaine et de l’histoire de la diaspora africaine, Mme. Anne Wetsi Mpoma, historienne de l’art et membre de l’association ‘Bamko’ (laquelle entend notamment promouvoir l’interculturalité et lutter contre l’afrophobie), Mgr Jean-Louis Nahimana, ancien président de la Commission ‘Vérité et Réconciliation (CVR)’ burundaise, le Dr Pierre-Luc Plasman (UCL), historien et chercheur auprès de l’Institut Sciences-Politiques Louvain-Europe, le Pr Valérie Rosoux (Institut Egmont et UCL), docteur en philosophie et relations internationales et spécialistes des processus de réconciliation, M. Martien Schotsmans, juriste, Mme. Laure Uwase, avocate au barreau de Bruxelles,  prétendue spécialiste de la région des Grands Lacs et liée à l’ASBL Jambon News, et enfin  le Pr. Sarah Van Beurden (Ohio State University), historienne spécialiste de l’Afrique et de la culture coloniale.  

On notera que la légitimité même de Mme Uwase en tant qu’experte est vigoureusement déniée par l’ASBL ‘Ibuka Mémoire et Justice’, laquelle affirme « avoir empêché en 2018 la tenue d’un colloque au Parlement européen, après avoir fourni des éléments démontrant que Jumbo News véhiculait une idéologie niant le génocide et confondant victimes et bourreaux. Pour Ibuka, la présence d’une représentante de Jumbo News dans le groupe d’experts est une insulte à la vérité historique et à la mémoire des victimes. ».

Ce n’est pas tout: l’historien belgo-congolais Mathieu Zana Etambala remettrait déjà en cause la composition du groupe d’experts. Donc, à peine mise sur pied, la commission sur la ‘décolonisation’ semble déjà naviguer en eaux troubles. Dans de telles conditions, la sérénité de ses travaux est loin d’être assurée.    

Afin de mieux ‘guider’ ces experts dans la recherche d’une vérité plus conforme aux aspirations financières de ces minorités bruyantes et agissantes, ceux-ci sont chaudement invités à consulter certaines associations militantes, telles que le ‘Collectif Mémoire Coloniale’, ‘Black Speaks Black’ ou encore l’ASBL ‘Ibuka Mémoire et Justice’, regroupant les survivants du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994 et dont l’un des objectifs est d’assister et défendre les rescapés du génocide. 

Des conséquences potentiellement incalculables pour la Belgique 

Pétris de bons sentiments, qui sentent bon la naïveté et une dose certaine d’irresponsabilité politique, et mâtinés d’un clientélisme de bas étage, nos parlementaires ne semblent pas se rendre compte du caractère particulièrement dommageable – mais aussi parfaitement accessoire, dispensable et non urgent – que peuvent engendrer les résultats des ‘travaux’ ainsi entrepris, dans un contexte général où à peu près tous les voyants de la vie du pays (économique, politique, social) sont au rouge vif !

A l’inverse donc des parlementaires belges, les autorités politiques congolaises et surtout burundaises semblent conscientes des enjeux et des bénéfices, notamment pécuniaires (sous la forme de dommages et intérêts substantiels), qu’ils pourront en retirer le moment venu. Ils fourbissent déjà leurs armes juridiques. 

Ainsi, au Burundi, sur instigation du Sénat, des académiques (dont certains auraient été formés dans les universités belges), plancheraient sur la préparation d’un rapport (à ce stade, bien entendu encore confidentiel) accablant pour l’Allemagne, mais surtout pour le Royaume de Belgique, en tant qu’initiateur de la réforme administrative du 21 août 1925 au Burundi.  

Commencée au milieu des années 1920 et achevée deux décennies plus tard, cette réforme administrative aura notamment pour conséquence un net renforcement du pouvoir des Bangawa et surtout une éviction des chefs d’origine Hutu.  La structure administrative ainsi mise en place demeurera inchangée jusqu’à la veille de l’indépendance. 

A ce stade toutefois, les conférenciers, parmi lesquels on peut citer par exemple le Docteur Jean Bosco Manirambona (« Les aspects historiques et anthropologiques de la réforme administrative du 21 août 1925 : conséquences et actions à mener ») ou encore le Docteur Laurent Nzosaba (« Aspects juridiques de la réforme administrative du 21 août 1925 »), ont d’ores et déjà mis en exergue un certain nombre de conséquences liées à cette loi du 21 août 1925, à savoir, sur le plan politique, en particulier (i) une ‘ethnicisation’ de la société burundaise, ayant détruit l’Etat-Nation du Burundi ; (ii) l’inoculation d’une haine communautaire par les colonisateurs allemands et belges (laquelle aurait engendré la déchirure du tissu social et la radicalisation ethnique); (iii) la destruction des fondements culturels, politiques et sociaux et, au niveau économique, une paupérisation de la population burundaise en général. 

Très logiquement, les conférenciers plaident déjà à ce stade pour que le gouvernement de la République du Burundi demande notamment « par voie diplomatique ou via un tribunal compétent en la matière, à la Belgique et à l’Allemagne, et à ceux qui leur ont servi de bras droit dans la conquête du Burundi, à sa soumission et à l’élaboration de son système de gouvernance, la reconnaissance du tort causé au peuple burundais et exiger sa réparation tant morale, financière et matérielle (sic) »,  et plus particulièrement au Royaume de Belgique des réparations à « tous les responsables de la colonisation et de la réforme administrative belge.» 

Bien entendu, de telles réparations se chiffreraient potentiellement, à charge de tous les contribuables belges, à des dizaines de milliards, voire davantage, sans compter les dommages purement psychologiques ou moraux. En ces temps de victimisation, pourquoi ne pas faire feu de tout bois…

Il apparaît que cette commission sur la ‘décolonisation’ s’apparente de plus en plus à une grenade déjà dégoupillée, prête à exploser à la figure non seulement des autorités publiques belges (en termes d’image internationale, déjà piètre, et de dommages et intérêts colossaux), mais aussi, le cas échéant, à celle des autorités rwandaises, burundaises et congolaises avec un possible risque de balkanisation de la RDC.  

Il nous semble pourtant que d’autres voies étaient possibles pour apaiser les relations avec nos anciennes colonies, comme par exemple un renforcement de la coopération bilatérale dans un esprit ‘gagnant-gagnant’… 

J.-L. Erlovsen