Coca-Cola : pour un esprit malsain (dans un corps malsain)?

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Image par zhoozz de Pixabay Coca Cola détritus

Ce qui est formidable avec un liquide, c’est que ne possédant aucune forme, il peut les prendre toutes en fonction du contenant. Coca-Cola n’échappe à cette loi de la physique et c’est ce qui lui permet de se glisser tantôt dans une canette, tantôt dans une bouteille joliment galbée, mais par le principe ubiquitaire des vases communicants aussi de passer du racisme à l’antiracisme et même de jouer la carte de la « santé » tout en affolant nos cellules pancréatiques ! En 2020, Coca-Cola se targue même de nous remettre sur le droit chemin, celui qui aboutit au Bien. Mais au fond, quelle est la recette secrète de la morale à Coca-Cola ? 

Des J.0. de Berlin en 1936 à la Gay Pride, Coca-Cola se veut de toutes les fêtes.

Si le breuvage en tant que tel n’a pas été physiquement se loger dans un récipient en forme de croix gammée, Coca-Cola n’a pas oublié de sponsoriser les Jeux Olympiques de 1936 qui se sont tenus à Berlin. Fermant les yeux sur l’idéologie de son hôte, la boisson qui ne fait pas de tache sur une chemise brune, n’a jamais boudé le juteux marché allemand quitte à ignorer le pire. Et puis de toute façon, elle désaltérait les soldats du camp d’en face. Alors…

Aujourd’hui, qui voilà?  Coca-Cola, boisson mondialiste par excellence, qui tente d’imposer la Bienpensance à l’échelle planétaire, notamment en faisant pression sur les réseaux sociaux. En effet, drapée de la vertu de l’antiracisme, la major part à l’assaut d’un nouveau marché, celui des minorités victimaires, en croisant le fer médiatique avec les « discours racistes » qui inonderaient de haine Facebook et ses concurrents. C’est à croire que le board du géant de la boisson gazeuse a recruté dans les rangs des rescapés des cabinets de Laurette Onkelinx !

Le chemin emprunté par Coca-Cola pour passer jadis de la complaisance face au nazisme à la défense de l’intersectionnalité – en stigmatisant la majorité blanche dans le monde occidental  – passe par quelques étapes pour le moins déroutantes. Plus engagée que Martine qui va de la mer à la montagne en passant par le théâtre avant de faire un arrêt au manège, l’enseigne toute en volutes blanches sur fond rouge nous a servi quelques pièces d’anthologie. Attention, clichés !

Etes-vous plutôt sucre ou cocaïne?

En près de 135 ans d’existence, Coca-Cola grâce à l’omniprésence de sa publicité a laissé d’innombrables traces de ses petits arrangements avec les valeurs du moment. Tout cela est parfaitement décrit et documenté dans le passionnant ouvrage « Coca-Cola, l’enquête interdite » de William Reymond paru chez Flammarion en 2006. Dès le début, soit fin du XIXème, Coca-Cola met l’image de la femme en avant pour doper les ventes. On notera aussi qu’à l’époque et jusqu’en 1903, la boisson contiendra de la cocaïne! Vous pensez que la substance a été retirée et remplacée par une dose supplémentaire de sucre pour raison de santé ? Détrompez-vous, il était juste question de s’adapter aux craintes de sa clientèle issue de la classe moyenne blanche qui redoutait des troubles sociaux liés à la consommation d’un dopant par les couches les plus populaires, les plus noires de surcroît, après que le breuvage se soit démocratisé.

Avec de telles prémisses, le sponsoring des jeux de 1936 organisés par Adolf Hitler prend un certain sens. Plus tard, l’après-guerre et les trente glorieuses caractérisées par l’insouciance offrent à Coca-Cola un formidable terrain de jeu pour bâtir son image. C’est d’ailleurs en 1957 que Raymond Loewy, père du design industriel, retravaille la silhouette de la bouteille. Il faut attendre 1969 pour que le logo acquière le fameux Dynamic Ribbon, pour mieux surfer sur toutes les vagues. Le mouvement hippie inspire alors la campagne « Hilltop » qui préfigure les futurs «United Colors of Benetton».

Dans les années 1980, « les années fric« , Coca Cola s’adapte et met l’accent sur une joyeuse bande d’amis, tous blancs – blonds, surtout- et minces, malgré toutes les pizzas, les hamburgers et la bidoche passée au grill qu’ils semblent s’enfiler en continu, aidés par de grandes rasades de coca pour faciliter la déglutition. Un véritable collector pour les vegans ; anorexiques s’abstenir !

Les années 1990 voient naître une véritable révolution sur le plan alimentaire avec l’apparition des boissons light. Désormais les ravages sur la santé d’une boisson aussi sucrée que le plus célèbre soda peuvent être «contournés». Saluons au passage le travail d’équilibriste des communicants qui sont parvenus à créer un véritable marché pour la gamme light sans pour autant assassiner la version classique à base de sucre. Car sur le plan médical, il faut bien se dire que c’est l’organisme qui trinque pour ramener le taux de sucre à moins de 1g de glucide par litre de sang lorsqu’il se voit inondé d’un breuvage qui lui en apporte plus de 100g au litre!

Vu sous cet angle, les campagnes des années 1980 sonnaient déjà comme une ode à la « stéatose hépatique non alcoolique », plus communément connue de nos jours sous le nom de « maladie du soda », ou « NASH », cette pathologie qui se charge de donner au foie de nos contemporains des allures de foie gras du Sud-Ouest. Encore un détail – mais il a tout son poids – au sujet des édulcorants: si ceux-ci n’apportent pas de glucides, ils sembleraient, selon certaines études, perturber l’activité de l’insuline, un élément clé dans la survenance du diabète. Tout cela n’est ni très joli, ni réjouissant. Au delà des vies brisées à titre individuel, c’est aussi très coûteux pour la collectivité.

Coca-Cola préfère donc diluer cette réalité dans des images « positives ». Celles-ci jusqu’il a peu étaient incarnées par des modèles qui inspiraient la santé et la beauté. Rien de tel que d’ajouter un zeste de valeurs du moment. On se souvient tous du clip mettant en scène l’homme objet, campé dans un laveur de vitres tout en muscles qui met des plateaux d’executive women en ébullition depuis sa nacelle. Bien que  tirant parti du « Girl power », cette campagne était quand même un peu trop blanche et trop genrée. Les Barbies et leur Ken ont vécu! Voilà des années que Coca-Cola est à l’avant-garde de la promotion du LGBT, ce qui lui a valu quelques déboires en Hongrie et au Brésil…Des J.O. de Berlin à la Gay Pride, Coca-Cola ambitionne d’être de toutes les fêtes. Entre croix gammées et drapeaux LGBT, on entend encore quelques triangles roses remuer sous terre du côté de Buchenwald…

Des images et de la moraline pour diluer un réel qui n’a rien de light

Si Coca-Cola joue de nos jours à se présenter comme l’avocat des minorités visibles, il ne faut pas perdre de vue que pour une société aussi mondialisée, la population blanche occidentale fait figure de minorité invisible. Et si c’est elle qui détient -pour l’instant- le pouvoir d’achat qui lui permet de consommer, elle ne rivalisera pas longtemps avec les consommateurs dociles qui peuplent le reste de la planète, et qui consomment sans s’encombrer de questions sanitaires ou environnementales. 

Mais aujourd’hui, c’est encore une autre étape qui vient d’être franchie lorsque Coca-Cola entend s’instituer régulateur de la liberté d’expression. En faisant pression sur les réseaux sociaux, à l’image d’Unilever, Starbucks ou The North Face qui ont initié la démarche, cette méga-société matérialise sa volonté de baliser le contenu et par là les publications des membres, les vôtres donc, à travers un innommable chantage à la rétention des recettes publicitaires. La galaxie Coca-Cola et les innombrables marques qui la composent, comme Chaudfontaine, Honest ou Aquarius par exemple, sont parties en croisade pour forcer les réseaux sociaux à vous imposer leur conception du Bien.

Pourquoi Coca-Cola n’investit-elle pas dans une politique de responsabilité sociale avec des retombées effectives pour signifier réellement que la vie  -la vraie, celle que la maladie nous retire –  des « Blacks » compte? Car c’est bien joli de nous inonder de #BlackLivesMatter et de forcer les réseaux sociaux à nous pousser à l’overdose de moraline en nous faisant subir du #GeorgeFloyd et du #Traore du matin au soir, mais ce qui sauverait vraiment la vie des Noirs, ce serait de trouver le moyen de diminuer la prévalence du diabète au sein de leurs communautés. On connaît les liens qui lient cette maladie grave aux habitudes alimentaires.  Ne serait-ce donc pas à Coca-Cola plus qu’à n’importe qui d’autre de relever ce défi de santé publique, a fortiori en cette période pandémique où le Covid-19 fait des ravages dans les populations noires fragilisées par le diabète?

Du soda zéro Coca

Si tout ceci a fini par vous filer la nausée, pas de panique, il existe des alternatives pour accompagner le whisky ou allonger la vodka ! Si la marque au ruban blanc semble hégémonique, elle ne détient pas le monopole du cola. Tout d’abord, il y a le célèbre concurrent de toujours, Pepsi. En marge, de nombreuses marques concurrentes proposent de l’ « alter cola ». le plus souvent produit localement. Même la Normandie a son sympathique Meuh Cola ! Local, équitable et même décliné en version bio S.V.P.! Par L’Oréal, pour ajouter au sacrilège, cette dernière variante exempte de colorant est claire comme de l’eau de roche! 

Une autre piste encore pour sortir du giron de Coca-Cola, ce sont les appareils qui offrent la possibilité de produire chez soi et à volonté sa propre boisson gazeuse comme Soda Streeam (racheté en 2018 par Pepsi) par exemple. Outre l’avantage de pouvoir choisir sa composition idéale, cette alternative permet aussi de lutter activement contre la pollution par le plastique et l’aluminum. En effet, on peut se demander quelle est la part du géant du soda dans l’océan de déchets qui polluent notre planète?

Finalement, la bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’échapper à l’emprise de Coca-Cola, et c’est peut-être mieux pour le corps, pour l’esprit, pour la planète… et pour le respect de notre liberté d’expression aussi ! 

A défaut de nous transformer en militants intersectionnels, cette forme de turbocapitalisme militant pourrait finir par nous rendre sympathiques certains activistes de la décroissance. Mais encore, à défaut de se tracasser d’hygiène alimentaire, peut-être Coca-Cola devrait nous préserver de son hygiénisme progressiste.

Tatiana Hachimi