Ni genou à terre, ni larmes de circonstance. Les policiers n’ont pas choisi de verser dans la victimisation pour exprimer leur exaspération. Au contraire, c’est avec courage, dignité et sobriété qu’ils ont exprimé aujourd’hui le refus d’être stigmatisés et de voir leur métier entaché par un tenace soupçon de racisme.
On avait dit pas d’amalgame…
Dans la foulée de l’affaire « George Floyd », l’emballement médiatique a jeté un discrédit planétaire sur une profession, celle de policier. En quelques jours, aux USA comme en France ou en Belgique, les forces de l’ordre se sont retrouvées littéralement entravées dans leur fonctionnement quotidien pour suspicion de racisme.
Privées de facto de la sacro-sainte présomption d’innocence, pilier de notre droit pénal, chacune de leurs interventions est désormais susceptible de déraper en lynchage médiatique, voire en lynchage tout court. Le phénomène n’est pas neuf, mais il interpelle par son ampleur et sa virulence. Aucun commissariat n’est épargné.
C’est dans ce contexte de tension exacerbée que le groupe Police Unyfying Movement qui compte près de 18.000 membres des forces de l’ordre sur Facebook a organisé ce 19 juin à midi précise une manifestation statique à travers l’ensemble du pays, que ce soit à Bruxelles, à Liège, à Namur ou en Flandre. Combien étaient-ils? Vu le caractère diffus de l’événement, c’est assez difficile à chiffrer. D’autant que nombreux étaient en service et y ont participé numériquement en postant des photos, qui de ses menottes sur son bureau, qui de sa matraque coincée dans une jante de son combi. Même les chiens d’une brigade canine se sont joints aux hurlements des sirènes de la place Poelaert sur laquelle étaient rassemblées quelques centaines de personnes.
Las de cette « haine du flic », les policiers accusent non sans fondement une presse qui globalement biaise les faits en ne s’attachant qu’aux images « chocs » d’interpellations musclées sans montrer les séquences qui ont précédé et qui permettent de comprendre pourquoi ils ont dû avoir recours à un usage légitime de la violence. Nous gardons tous en mémoire les images de l’interpellation à Paris de l’infirmière Farida C. Et peut-être encore plus celles de la séquence d’avant qui ont mis un peu plus de temps à apparaître sur les réseaux sociaux mais où on pouvait voir distinctement la même blouse blanche caillasser la police. Comment ne pas réagir avec fermeté face à une telle furie?
Les policiers sont aussi révulsés à l’idée d’être constamment versés dans la catégorie des irrécupérables, celle des racistes. Ils exercent un métier difficile, dans des quartiers difficiles avec une population difficile. C’est une réalité, et elle est ainsi. Et ne demandez-pas aux policiers issus de la diversité de dédire leurs collègues « de type caucasien », car ils vivent les même choses et les mêmes insultes sur le terrain. Souvent, pour eux, c’est même pire car au reste, ils peuvent ajouter le fait d’être qualifiés de traîtres.
Ce « flic bashing » qui s’acharne à instiller l’idée qu’en chaque policier sommeille un raciste est aussi stupide que politiquement orienté. En effet, alors qu’en ce jour précisément vient de tomber la condamnation d’un membre de la zone de police de Schaerbeek pour avoir tuyauté les auteurs des attentats de Paris et de Bruxelles, qui pourrait avoir l’idée de qualifier la police de djihadiste?
Pour Caroline, commissaire dans une des zones de Bruxelles, « la police est à l’image de la société. Elle n’est pas infaillible, il y a de bons policiers et de moins bons, et même certains qui ne devraient pas ou plus y être. Il y a de institutions prévues pour régler ce type de questions. Il faut juste les laisser travailler et prendre leurs décisions sereinement. Mais la police, c’est avant tout une grande famille composée de personnes qui exercent un métier que peu de gens supporteraient ».
Bodycams VS PoliceWatch
Parmi les gouttes qui font chaque jour déborder le vase, il faut ajouter la plainte de l’eurodéputée allemande du groupe des Verts/ALE, Pierrette Herzberger-Fofana. Celle-ci, après s’être interposée lors de l’interpellation de « deux jeunes noirs » aux abords de la Gare de Nord a porté plainte pour violences policières. Et comme par le plus grand des hasards le parlement européen siégeait justement en session plénière du 17 au 19 juin, elle ne s’est bien entendu pas privée de livrer, en larmes, sa seule version des faits devant un hémicycle traumatisé. On attend la création d’une cellule d’assistance psychologique… En attendant, de leur côté, les policiers déclarent avoir été confrontés à un cas de rébellion. Sans la publicité à l’échelle européenne dont a bénéficié cet incident, les chaînes de télévision allemandes et britanniques n’auraient certainement pas couvert la manifestation des policiers.
Ces arrangements avec la vérité que la gauchosphère promeut en permanence à l’aide d’outils « citoyens » tels que le PoliceWatch de la Ligue des droits humains ne sont pas sans rappeler les dérives des commissions populaires qui faisaient régner la terreur.
Pour couper court à l’exploitation biaisée des faits et aux fantasmes qu’ils pourraient faire naître au sein d’une population déjà bien endoctrinée, rien de tel que les images des faits. C’est pourquoi de nombreux policiers demandent aujourd’hui à être équipés d’une bodycam. Seul cet outil permettra de filmer l’intégralité des faits et leur enchaînement. Accepter la boydycam, c’est tout simplement introduire la transparence.
Les hommes sur le terrain ne sont pas les seuls à réclamer cet équipement. Christian Beaupère, Chef de Corps de la police de Liège depuis vingt ans, est aussi demandeur. Particulièrement préoccupé par la dégradation des conditions de travail de ses hommes, il a même invité son personnel à prendre part aujourd’hui à la manifestation organisée par le Police Unifying Movement.
Cette manifestation, pacifique, soutenue par de nombreux Chefs de Corps, est très singulière. A l’inverse de ce qui s’est produit en France, elle n’avait pas pour objectif d’interpeller l’exécutif puisque celui-ci est plutôt en phase avec les revendications exprimées. Etrangement, les syndicats policiers traditionnels sont restés en retrait. Ils se sont retrouvés dépassés par la base, même si à titre individuel des représentants syndicaux étaient présents.
Mêlé à la foule des policiers, un avocat vêtu de sa toge et de son masque à l’effigie du Barreau de Bruxelles est venu manifester sa solidarité. Interrogé par une chaîne de télévision qui lui posait la question du racisme au sujet de la mort du « jeune Adil », Me Philippe Marcus Helmons a déploré l’issue fatale de cette interpellation tout en insistant sur l’importance de contextualiser les faits avant d’ajouter: « non, on ne peut pas laisser dire que notre police est raciste. Il peut y avoir des problèmes à la police comme partout. Mais dans son ensemble, en Belgique, la police fait très bien son travail et je voulais lui témoigner mon soutien car en protégeant notre société, elle protège notre démocratie»
En définitive, la manifestation était donc adressée principalement à la presse pour qu’elle cesse ses amalgames douteux et ses stigmatisations à l’emporte-pièces qui dressent des segments entiers de la population contre la police. Beaucoup de nos médias se complaisent dans un rôle qui n’est guère très éloigné de celui de la tristement célèbre Radio 1000 Collines dont les messages biaisés ont fini par conduire au génocide. Il ne faudrait pas que la « haine du flic » conduise à des morts. Il ne faudrait pas que Guerilla, le roman d’anticipation de Laurent Obertone, passe de la fiction au réel.
Aujourd’hui, les policiers ont déposé leurs menottes. Mais ne leur demandez pas de déposer les armes, ce n’est pas dans leur nature! Policier ce n’est pas un métier, c’est une vocation !
Tatiana Hachimi