Fin de partie pour le Code du bien-être animal à Bruxelles. Après des années de tergiversations et à moins de 80 jours des élections, le PS enterre cette évolution éthique majeure tant attendue par la population bruxelloise sensible à la cause animale.
Rudi Vervoort, ministre-président socialiste de la Région, vient de confirmer, comme s’il le fallait, qu’il s’oppose à l’adoption d’un texte sur le bien-être animal. Pourquoi et pourquoi maintenant ? Pour comprendre cette saga en quatre actes, il est important de remonter dans le temps.
Abattage, un drame en quatre actes
Lors de la précédente législature, la Flandre sous l’impulsion du ministre NVA Ben Weyts adopte dès le 1er janvier 2019 une mesure imposant l’étourdissement avant l’abattage des animaux. La Wallonie s’aligne sur cette position quelques mois plus tard. Bruxelles fait la morte…
En 2020, des associations musulmanes et certains orthodoxes juifs s’opposent à ces mesures et introduisent un recours en annulation. Ils saisissent la Cour constitutionnelle en invoquant une atteinte à la liberté de culte. La Cour pose une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne. En 2021, celle-ci donne tort aux associations religieuses et conclut que l’étourdissement est une pratique qui ne contrevient pas à la liberté de culte. La Cour constitutionnelle déboute par conséquent les plaignants.
Malgré ce premier revers, les plaignants ne désarment pas et saisissent la Cour européenne des droits de l’Homme en 2022 pour permettre la poursuite de l’égorgement des animaux « à vif ». Ils invoquent encore une fois une mesure attentatoire à leur liberté de culte. Le verdict de la CEDH tombe le 13 février 2024 et le résultat est sans appel. Encore fois, les autorités considèrent que le droit des animaux à mourir dans un minimum de dignité ne contrevient pas à la liberté de culte et qu’il s’agit d’une réglementation équilibrée du point de vue des intérêts des uns et des autres.
A l’issue de ces combats judiciaires, il est évident que le problème n’est plus d’ordre juridique, mais purement politique. A quelques semaines des élections régionales, le PS veut caresser son électorat rigoriste musulman dans le sens du poil. Pour cela, pas question de prendre le moindre risque de remettre en question l’abattage rituel. Rappelons qu’en 2022, la question de l’étourdissement avait été mise au vote. Le camp de la cruauté animale l’avait emporté d’une très courte tête, à 42 voix contre 38. Parmi les opposants à cette prolongation des pratiques les plus barbares, on notera dans le camp socialiste les voix de Julien Uyttendael et Véronique Jamoulle, favorables à l’étourdissement. Le premier s’est exilé dans le Brabant wallon pour les élections. Quant à la seconde, elle ne figure plus sur les listes. Avec Ahmed Laouej aux commandes du PS Bruxellois, l’ex-député socialiste flamand Fouad Ahidar risque d’être radicalement privé d’oxygène pour sa liste ultra-confessionnelle qui tablait peut-être sur la disparition du parti Islam.
Ce qui est particulièrement choquant dans cette attitude de blocage rétrograde du PS (parti d’un progressisme XXL sur les questions LGBTQI devenu LE parti de la régression et du rigorisme religieux pour le reste), c’est que l’abattage rituel n’est même pas au menu du projet de Code du bien-être animal porté par le ministre en charge. Ce qui tétanise le PS, c’est qu’un tel texte soumis au Parlement permette l’adoption d’un amendement concernant l’étourdissement. Cela montre combien le processus démocratique lui répugne!
On est loin des promesses qu’Elio Di Rupo formulait aux défenseurs de la cause animale! Un vent favorable nous a fourni une copie de la prose électoraliste signée de la main du vieux chef. En 2019, soit il avait déjà livré Bruxelles aux communautaristes, soit il ne maîtrisait plus ses troupes. Dans un cas comme dans l’autre, triste bilan pour un ex-président dont l’horizon indépassable tient à la décoration de son futur EHPAD doré dans le quartier européen.
Que pense la population de l’abattage rituel ?
L’ironie de cette opération de basse politique qui organise la tragédie de centaines de milliers d’animaux massacrés dans des conditions abominables, c’est qu’elle ne remporte même pas le soutien de la population.
En effet, l’association GAÏA qui oeuvre au bien-être animal a largement sondé la population (Ipos-février 2024). Les chiffres sont éloquents. Près de 80% des Bruxellois ne s’opposent pas à l’interdiction de l’abattage sans étourdissement !
En 2010, GAÏA mettait en évidence dans un sondage que la moitié de la communauté musulmane de Bruxelles étaient favorable à l’étourdissement préalable et qu’ils étaient même 21% à l’encourager. Seuls 36% des musulmans y étaient opposés. Et c’est à cette frange radicalisée que le PS a fait allégeance, poussant ainsi toute la communauté vers plus de radicalisme, vers plus d’exigences d’un autre âge. En 2021, il n’y avait plus que 35% de musulmans favorables à l’étourdissement. 47% y était opposés.
Ceci participe du même phénomène que l’invitation de l’imam chanteur de sourates mortifères au sein du Parlement bruxellois par le député Hasan Koyuncu (tête de liste PS à Schaerbeek). Il s’agit dans le chef du PS de draguer l’électorat le plus rigoriste… avec les conséquences que l’on connaît en matière de radicalisation.
A ceux qui envisagent la cause animale comme un sujet en mode mineur, faut-il rappeler que nous sommes tous des animaux et qu’à ce titre, à écouter certains prêches, cela fera beaucoup de Chicken for KFC…
T.H.