« Assouplissement » de la loi sur l’avortement, ou dérive scandaleuse ?

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Image artistique d'un fetus
Image artistique d'un fetus, par shawn, sous licence libre https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/

La proposition de loi « modifiant diverses dispositions législatives en vue d’assouplir les conditions pour recourir à l’interruption volontaire de grossesse », portée au Parlement belge par l’extrême gauche écologiste, la gauche socialiste et, malheureusement, quelques élus libéraux, devrait être rejetée, pour trois motifs majeurs.

La proposition stipule un délai de dix-huit semaines pour pratiquer un avortement, soit la moitié de la grossesse. À dix-huit semaines, le fœtus mesure vingt centimètres, il est doté de bras, de jambes, d’un corps, d’un crâne, d’un cerveau et d’un sexe. Bien sûr, les philosophes se sont fait une spécialité, depuis la nuit des temps, de discuter du sexe des anges : quand l’être humain devient-il proprement « humain » ? Où situer la naissance de l’esprit, de l’âme ? Toutes questions qui n’ont jamais reçu, ni ne pourront jamais recevoir, par essence, aucune réponse objective.

Seule certitude : à dix-huit semaines, les jambes parfaitement formées du fœtus ne sont pas celles d’un babouin ; ces bras ne sont pas d’une poupée mécanique ; cette âme en gestation, dont nul ne peut déterminer ce que déjà elle rumine, est humaine.

En pratique, l’avortement d’un fœtus de dix-huit semaines implique généralement de sectionner et broyer « un être humain parfaitement formé » dans le ventre de la mère avant que de l’en extraire, car il est déjà bien trop grand pour procéder « en douceur », comme le rappelait à la Chambre la députée Valerie Van Peel (N-VA).

Ce délai de dix-huit semaines, à peine stipulé, devient à son tour purement théorique. En effet, la proposition « assouplissante » extrait l’avortement du champ pénal pour le tout, sans aucune considération de délai.

Dit autrement, l’avortement pratiqué à n’importe quel moment de la grossesse, jusqu’à son terme, ne pourra jamais faire l’objet d’aucune poursuite pénale dans le chef de personne — sauf le droit commun s’appliquant au médecin qui manquerait à ses devoirs thérapeutiques. Si le meurtre est, selon sa définition juridique, le fait de donner volontairement la mort à autrui, il s’agit bien ici d’une légalisation — « dépénalisation » — du meurtre au sens strict, et non métaphorique.

Enfin, la proposition renforce et développe des sanctions pénales particulièrement lourdes à l’égard de ceux qui s’opposent à l’avortement d’un enfant à naître. Dans sa première version, la proposition criminalisait le simple fait, par exemple pour le père de l’enfant, d’exprimer son opinion critique quant au projet d’avortement. Cette légalisation du délit d’opinion, qui plus est dans sa définition la plus arbitraire, a très justement fait l’objet de remarques critiques de la section de législation du Conseil d’État (66.881/AG).

Il n’en reste pas moins que, dans sa dernière version, soumise aux votes des députés, la proposition porte des sanctions pénales à l’égard de celui qui s’oppose à l’avortement, même de façon simplement verbale, dans le même temps qu’elle efface toute possibilité de sanction pénale pour le fait de pratiquer un avortement jusqu’au terme de la grossesse.

Drieu Godefridi, PhD, 13 juillet 2020