A quoi sert encore l’OTAN?

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A quoi sert encore l'Otan?
A quoi sert encore l'Otan? image Pixabay
Alors que la guerre tente de bousculer l’agenda et les unes des journaux, posons les pieds dans le plat avec une question iconoclaste : à quoi sert l’Otan en 2022 ? A nourrir des scénarios de séries télévisées qui battent des records au box office ? Vigil et Occupied nous en donnent une petite idée. Mais sur le fond, de quel danger l’Otan protège-t-elle ses membres ? Après tout, Emmanuel Macron n’a-t-il pas aussi été saisi d’un grand doute quant à l’utilité de l’institution en posant son diagnostic de mort cérébrale?

Un instrument diplomatique, politique et militaire au service des intérêts US

Depuis la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’URSS, on peine à trouver une réponse vraiment cohérente. En poussant un peu (fort, on en conviendra), on peut se demander si l’Otan, cette alliance née dans la foulée de la seconde guerre mondiale pour protéger l’Europe contre l’expansionnisme soviétique aurait eu le même succès si, à l’époque, Eisenhower n’avait pas bloqué le Général Patton aux portes de Prague. Peut-être ne faut-il pas tant de circonvolutions pour questionner l’objectif de l’Alliance qui n’est peut-être pas tant de faire refluer le communisme que d’instrumentaliser sa proximité pour vassaliser l’Europe occidentale et assurer des débouchés pour l’industrie militaire US.
 
A vrai dire, avec quelques décennies de recul, on observe finalement que l’Europe social-démocrate a sombré dans un système confiscatoire digne des pires régimes collectivistes et que le danger ne se situe pas vraiment à l’Est mais plutôt au sein de nos propres élites. Celles-ci gagnées par le wokisme venu d’Outre-Atlantique se feraient déborder sur leur droite par feu le camarade Marchais !  

Plus criant encore, le maintien de l’Alliance après la dislocation de l’URSS et la dissolution du traité de Varsovie qui avait été la réponse du bloc de l’Est face à la constitution de l’Otan nous montre qu’il s’agit d’un « autre machin » qui n’a même pas vraiment cherché à se réinventer pour justifier son maintien. 

Entre les années 1980 et 1990, l’opinion publique est focalisée sur le traités de réduction de l’arsenal militaire nucléaire. L’irruption de Mikhaïl Gorbachev en 1985 permet apparemment de clôturer la guerre froide sur une sorte de Happy End. Dans sa naïveté, le dernier Secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique n’avait cependant pas jugé utile de faire figurer par écrit l’ensemble des points négociés avec ses homologues américains. Il paraissait tellement évident que les pays membres du Pacte de Varsovie n’avaient pas vocation à intégrer l’Otan, qu’il n’a pas jugé utile de le faire. Ce qui valait pour un pays « tiers » comme la Finlande (qui n’a jamais été la grande amie de la Russie mais n’est pas membre de l’Alliance) s’appliquait a fortiori aux pays d’Europe centrale et orientale. Sauf que l’évidence a cédé le pas aux intérêts US. Ceux-ci on se sont employés à amadouer tout ce que l’Est comptait comme ex-Républiques pour les attirer dans son réseau. Depuis son 4e élargissement qui remonte à 1999 et qui a vu la Tchéquie, la Hongrie et la Pologne l’intégrer, l’Otan n’a cessé de s’étendre à l’Est pour s’installer aux frontières de la Russie avec une arrogance inouïe. 

Le rendez-vous manqué avec 9/11

L’Otan, les Etats-Unis et l’ensemble du monde occidental sont passés à côté de la meilleure occasion de donner un véritable sens, un but louable à l’Otan. Malgré la volonté des USA de venir challenger la Russie sur son propre terrain, cette dernière a répondu présente dans un formidable élan de solidarité au lendemain du 11 septembre 2001 pour venir en aide à son meilleur ennemi. Dans les premiers temps qui ont suivi cette attaque contre l’Occident au sens large et face à la volonté des islamistes de détruire le monde civilisé, la Russie s’est montrée un partenaire loyal pour les Etats-Unis. Allant même jusqu’à ravaler la honte infligée jadis par les Américains en Afghanistan, elle leur a fourni un inestimable soutien logistique sur place pour contrer les Talibans. 

Et puis, au fil du temps, le tandem Bush-Cheney a montré des signes de démotivation dans sa lutte contre l’islamisme. Petit à petit, chez les Américains, l’idée de pactiser avec les Talibans a fait son chemin. Finalement, le drame du 11 septembre s’est dilué dans une éprouvette de poudre de perlimpinpin brandie par le Général Powell à l’ONU. Business as usual. Vingt ans plus tard  on peut mesurer  les dégâts de l’invasion de l’Irak en 2003 qui n’avait d’autre objectif que de consolider les intérêts pétroliers et militaires dans la région (notamment koweitiens) et qui au passage à fait émerger l’Etat islamique. Pas sûr que les Irakiens soient sortis gagnants de la « libération » que les USA leur ont imposée. Et que dire des Afghans, qui aujourd’hui se retrouvent au bord de la famine, avec des bases militaires fantômes et des talibans revigorés comme jamais. Alors que le terrorisme a ébranlé nos démocratie et qu’il ne nous lâche un peu que par la grâce du coronavirus, l’Otan est passée à côté d’une redéfinition de ses missions qui aurait été de nature à doter cette institution d’une dimension ontologique qui lui manque cruellement. Elle aurait pu devenir cette coalition internationale d’Etats unis contre le péril terroriste. Elle aurait pu rassembler tous les pays désireux de défendre leur niveau de civilisation.

Avec un membre tel que la Turquie qui a fait de l’instrumentalisation de l’islamisme une monnaie d’échange, c’est mal engagé. Mais alors, à quoi sert encore l’Otan pour nous Européens si elle n’est pas là pour lutter contre le terrorisme ? A part écouler des stocks d’armes auprès de nouveaux alliés crédules et pour créer de réelles tensions aux frontières d’une Europe géographiquement très éloignée des USA, ça ne saute pas au yeux. Exciter les Russes ; tenter de les pousser à la faute pour justifier sa présence et tout ce qui en découle… La note sera présentée à une population inconsciente qui s’offre l’impression de vivre dans une série télévisée. 

Plus que jamais, l’Otan remplit son rôle d’agence d’exportation de l’armement US (le dossier des F-35 est là pour nous le rappeler). Son objectif se résume au placement de produit… quoi qu’il en coûte. L’industrie de l’entertainment surfe sur nos peurs. L’Otan se recycle admirablement dans des thrillers qui les entretiennent tout en nous divertissant. Rien de tel en période de pandémie où l’Europe s’ennuie comme un rat mort ! 

Et pour nous, petits Belges champions de la médiocrité au long cours qui n’échappe pas à nos humoristes, l’Otan offre à des ministres de la défense sans la moindre consistance l’occasion d’exister un tout petit peu. Tremblez, Russes, la Belgique se tient prête !
 

Pour se prononcer sur l’utilité de l’Otan, il faut remonter plus haut et se poser une question: qui sont nos ennemis. Pas sûr que ceux identifiés comme tels il y a trente ans soient toujours d’actualité.

Tatiana Hachimi