Sans grande surprise, l’aventure US en Afghanistan se termine sur une formidable pantalonnade. Si elle a été initiée par les Américains, l’Otan s’y est engouffrée comme un seul homme de sorte qu’aujourd’hui de nombreux dirigeants européens peuvent eux aussi fièrement arborer un bonnet d’âne « Made in Afghanistan ».
La guerre qu’il ne fallait pas perdre
En Occident où diplomatie rime plus que jamais avec hypocrisie, on s’apprête déjà à accueillir une nouvelle vague de migrants afghans. Pour faire passer la pilule auprès d’électorats anesthésiés par la crise sanitaire, il suffira de présenter l’événement comme imprévu.
Ainsi, l’Allemagne, qui a fourni le plus important contingent de soldats après les Etats-Unis (près de 160.000 soldats stationnés), voit sa vie politique intérieure peu ou prou empoisonnée par ce dossier, qui s’immiscera à n’en pas douter dans la campagne électorale en cours, notamment en raison des critiques quant à l’absence d’un plan d’évacuation des collaborateurs afghans de l’ambassade et des ONG allemandes.
Cris d’orfraies et gros titres: les talibans sont aux portes de Kaboul ! Voilà de quoi rompre le ronron quotidien du corona-feuilleton qui berce homo festivus depuis deux ans. Rien d’étonnant pourtant pour ceux qui s’intéressent un peu à ce territoire perdu de la planète. Exception faite du montant astronomique déboursé par les Américains, 1000 milliards de dollars tout de même, pour arriver vingt ans après leur entrée en Afghanistan à rendre le pays, exsangue, à des talibans en grande forme.
Quand on dépense autant d’argent à si mauvais escient, il est urgent de s’interroger sur ses fondamentaux ! C’est ce qui a motivé Donald Trump à programmer le retrait de son armée de ce bourbier. Dans son impréparation, son successeur s’est contenté de reprendre la formule sans réfléchir au sens de cette démarche et surtout à ses modalités pratiques. On comprends l’agacement de Trump face à un tel gâchis!
En effet, ce 15 août 2021 restera dans les mémoires avec ces images du matériel de guerre américain qui équipait l’armée afghane tomber dans l’escarcelle talibane. Jour de fête garanti dans les territoires perdus d’Occident. Et ce n’est pas la Sainte Vierge que l’on célèbre !
Fallait-il s’aventurer en Afghanistan ? La question mérite d’être débattue. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’une fois la guerre démarrée, l’Occident se devait de la gagner. Sa supériorité militaire et l’incroyable débauche de moyens devaient logiquement conduire à une victoire du monde civilisé. Celle-ci était d’autant plus envisageable qu’initialement, les Russes avaient accepté de coopérer sur le terrain avec les forces de l’Otan, mettant ainsi de côté une rancune – plus que légitime- vis-à-vis des Américains qui avaient pourtant armé in illo tempore un certain Ben Laden dans l’ultime épisode de la guerre froide.
Parmi les nombreuses raisons de cet échec retentissant, il convient de pointer en premier lieu cette erreur magistrale des Américains d’avoir ouvert, en dehors de toute rationalité géopolitique, un nouveau front en Irak en 2003.
Cette initiative, largement portée par le britannique Tony Blair et une poignée de néo-cons dans le sillage de Bush Junior, a non seulement déforcé les Américains et leurs alliés en Afghanistan, mais a aussi permis l’émergence d’un axe terroriste s’étendant du Pakistan jusqu’aux portes de l’Europe.
Au tournant des années 2010, les Américains avaient déjà cédé sur tous les éléments fondamentaux: l’opium était redevenu une culture comme une autre; il ne fallait pas appauvrir les paysans du coin, sous peine de le voir rejoindre les talibans.
Quant à ces derniers, pour les adoucir, il importait d’intégrer « les plus modérés » aux négociations. Dans de telles conditions, les Russes se sont progressivement désinvestis. Incompréhension du côté de l’Otan, incapable de jeter un regard critique sur sa stratégie comme le montre cet article, une archive éclairante sur le manque d’auto-critique de la sphère atlantiste.
Sans stratégie à long terme, les Américains ont laissé l’Afghanistan se laisser gangrener par la drogue, l’islamisme et la corruption, jusqu’à ce que le pays sombre dans le terrorisme et l’arriération absolue.
Quelles leçons retenir du cas afghan ?
L’Afghanistan, est une terre maudite, une plaie géopolitique ouverte depuis des siècles. C’est aussi le théâtre d’un génocide rarement évoqué, celui de l’Hindu Kush, dont le nombre de victimes s’élèverait à 80 millions selon certaines sources. Moins de cinq mois avant le 11 septembre 2001, François Gautier, écrivain et journaliste français installé en Inde dont il est spécialiste, mettait en garde les Européens comme les Indiens contre le déni de la violence qui a caractérisé l’expansion de l’islam dans cette région dans un article prophétique.
Aujourd’hui, c’est une guerre tribale qui voit l’ethnie majoritaire pashtoune, rétive à la modernité et encline à l’extrémisme, revenir au pouvoir, sans qu’on lui oppose de grande résistance.
Ce changement de régime aura bien entendu un impact sur les flux migratoires, alors que les Afghans constituent déjà le plus gros contingent d’entrants en Europe. Que vont devenir les femmes et les enfants? Ceux que l’on ne voit pas s’entretuer pour embarquer vers l’Europe puisque ce sont des jeunes hommes qui monopolisent les places…
Or, c’est une population qui se situe aux antipodes de nos valeurs. Cette distance est d’ailleurs l’élément principal de l’échec des Américains. Ces derniers n’ont jamais réussi à faire accepter les valeurs occidentales. Dans leur majorité, les populations locales leur préfèrent le rigorisme des talibans. Il est dès lors autant illusoire d’imaginer les intégrer ici que de les faire passer à la modernité là-bas.
Or, il ne faudrait pas qu’après la débâcle, nous plongions dans le suicide en accueillant dans nos démocraties malades un nouveau contingent d’individus à ce point distants de nos droits les plus fondamentaux et pour qui le viol et la lapidation sont des formalités. Bien que cette réalité soit déplaisante à énoncer et à accepter, les migrants afghans sont surreprésentés en matière de viol comme le décrit un dossier consacré au profil criminel des migrants afghans paru dans l’hebdomadaire protestant « Réforme », situé à mille lieues de la moindre tendance extrémiste.
Par ailleurs, alors qu’une ébauche de mafia afghane active dans le narco-trafic apparaît de façon discrète, il ne fait aucun doute aujourd’hui que les talibans sauront exploiter notre niaiserie habituelle pour nous inonder de leurs partisans. Ceux-ci pourront alors constituer chez nous de puissants réseaux, notamment dans le milieu de la drogue et plus précisément celui de l’héroïne où ils viendront concurrencer les intermédiaires turcs pour occuper l’ensemble du marché depuis le champ de pavots jusqu’au détaillant dans nos rues.
Avec le matériel militaire abandonné par les Américains, les talibans saison été 21 « claquettes chaussettes » ont désormais toutes les cartes en mains pour mener une guerre de l’opium qui nous affaiblira autant qu’elle les enrichira.
Vu que notre classe politique se partage entre individus dépourvus de colonne vertébrale et sympathisants de la charia, le pire reste à craindre à Kaboul, comme à Bruxelles, Berlin ou Paris.
‘Wir schaffen das nicht
Qui aura le courage de dire ‘Wir schaffen das nicht’ ? Au mieux, nous pourrions exfiltrer des Afghans qui peuvent attester de façon formelle de leur engagement pro-occidental, des diplômés qui n’ont plus leur place parmi les platistes. On songe en particulier aux femmes médecins, journalistes, professeurs,… En dehors de ces cas précis, notre pseudo-générosité nous mettra en danger. En effet, parmi les ennemis déclarés des talibans, on compte les membres de Daesh.
Les ennemis de nos ennemis sont-ils pour autant nos amis? Si nous répondons par l’affirmative (à l’instar des atlantistes qui structurent leur vision géopolitique sur de tels raccourcis), il nous appartient de faire bon accueil à nos frères daeschiens. Parviendrons-nous à les déradicaliser (après leur avoir laissé l’occasion de commettre l’un ou l’autre attentat sur notre sol dans un accès aigu de déséquilibre passager) ? Rien n’est moins sûr. Nous avons déjà énormément mis en oeuvre pour tenter d’amener le peuple afghan aux rudiments des droits de l’homme, sans le moindre résultat. L’accueil, peut-être, mais strictement conditionné pour éviter au pire de prendre racine ici!
Les Russes, les Américains, les Français, les Britanniques et tant d’autres pays ont payé ce projet noble de la vie de leurs soldats. Les contribuables de la coalition ont investi dans cette guerre 1000 milliards de dollars. A présent, il appartient aux seuls Afghans de se ressaisir pour réussir à chasser les talibans, au péril de leur vie.
Nous Occidentaux, avons nos propres « zones talibanes ». Elles ne sont pas entourées de montagnes, mais d’immeubles. Elles aussi ne demandent qu’à s’étendre au gré de l’essor du trafic de drogue, de l’islam et de la corruption qui y règnent en maître.
Notre devoir est de limiter leur essor en combattant, ici, l’impuissance publique incarnée par des élus en burn-out qui acceptent tout et n’importe quoi (pourvu que cela rapporte des voix) pour ne pas un jour tomber, comme Kabul. Pour rappel, dans les années 1970 cette capitale était nettement plus civilisée que ne l’est Molenbeek aujourd’hui comme on peut le découvrir dans ce reportage radiophonique consacré à ces temps révolus, lorsque l’Afghanistan dansait.
Sans quoi, Bruxelles ne bruxellera plus… ou alors sous sa burqa.
Thierry Henrion