Démystifier l’économie et la monnaie

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Cette suite d’articles s’inscrit dans une volonté de démystifier tant la théorie économique que la théorie monétaire sans verser dans un académisme pontifiant. Le but est d’éclairer le lecteur sur des principes économiques immuables ainsi que sur la production monétaire dévoyée de nos jours.

Qu’est-ce que le prix ? Qu’est-ce que la valeur ?

Longtemps relayée au rang de moyen d’échange, il a fallu la perspicacité de quelques érudits, voire même d’escrocs, pour comprendre que la monnaie est bien plus que cela. Outre son rôle d’unité de compte, c’est sa caractéristique de réserve de valeur qui a attiré l’attention de ses analystes. En effet, qu’est-ce que la valeur ? Est-elle applicable à la monnaie ? Comment fluctue-t-elle ? Qu’est-ce que le prix ?   

Il revient à Carl Menger l’insigne honneur d’avoir défini correctement la valeur (à ne pas confondre avec le prix !) comme une notion subjective dépendant des échelles de valeurs et préférences temporelles des individus.

Pour bien faire la différence entre la notion de valeur et la notion de prix, il faut avoir à l’esprit les deux concepts suivants :

  1. Le prix est une quantité d’unités monétaires (ou de biens et/ou services dans le cadre du troc). Le prix repose sur une égalité au temps t (c.à.d. au moment de l’échange). Si je vends ma pomme pour 1 EUR, alors 1 pomme = 1 EUR. Le prix est donc une notion objective, cardinale et quantitative au temps t. A la seconde suivante, il n’est pas certain que ce prix sera valable. Cette notion objective de l’échange passé appartient donc à la statistique et à l’histoire de l’économie.
  2. La valeur est une notion subjective qui dépend de chaque individu mais aussi de la rareté et de l’utilité du bien ou service échangé. Si je possède un stock de 100 pommes que je suis prêt à échanger contre 1 EUR la pièce, j’estime que la valeur de chaque pomme cédée est inférieure à la valeur d’une unité monétaire supplémentaire dans ma poche. Inversement, chaque acheteur estime que la valeur de chaque pomme acquise (en fait, la satisfaction de manger la pomme) est supérieure à la valeur de l’unité monétaire cédée. La valeur de la pomme peut varier en fonction de sa rareté relative, de son utilité, de sa qualité, de sa quantité mais surtout de la préférence que les individus vont lui accorder. C’est non seulement une notion subjective mais c’est également un concept asymétrique. Au moment de l’échange, il y a toujours une asymétrie de valeur entre les deux parties. Pour l’acheteur, valeur de la pomme > valeur d’un euro. Pour le vendeur, valeur de la pomme < valeur d’euro. A noter qu’il se peut que l’acheteur regrette son choix après coup parce que la pomme n’était pas à son goût par exemple. Egalement, le vendeur peut regretter sa vente car, s’il avait attendu plus longtemps, il aurait pu vendre sa pomme plus chère. La valeur est donc une notion subjective, ordinale et qualitative dans le temps.

Même si prix et valeurs fluctuent dans le temps, les prix peuvent être quantifiés au contraire de la notion de valeur. Mais les prix ne représentent qu’une trace historique, une statistique en fait, d’un échange objectif dans le passé. Les prix relevés dans le passé (même une transaction qui a eu lieu il y a quelques secondes relève du passé) appartiennent à l’histoire de l’économie tandis que la valeur (subjective) appartient à la science économique pour énoncer ses lois.

La valeur ne peut pas être quantifiée tant au niveau de l’individu (micro-économie) que de la population globale (macro-économie). Toute tentative de quantification et donc de mise en équations de la valeur relève de la statistique et de l’histoire de l’économie à un moment donné dans le temps (passé). Toute modélisation s’avère donc limitée et déficiente car elle confond prix et valeurs. Il n’est donc pas possible de définir les lois de l’économie à l’aide de modèles mathématiques en raison de l’asymétrie énoncée supra mais aussi en raison des milliards d’échelles de valeurs et préférences temporelles propres aux êtres humains.  Même si les équations des économistes mathématiciens sont correctes, elles reposent sur des postulats incomplets qui relèvent plus de la situation d’exception que de la règle universelle.

La loi d’utilité marginale

Mais venons en à la Loi d’utilité marginale et tentons de l’énoncer à l’aide d’exemples. Si Carl Menger a défini la valeur, c’est Ludwig von Mises qui enfonce le clou en démontrant que la monnaie, si on la considère comme une marchandise ou un service avec en sus la particularité de moyen d’échange, est également soumise à la Loi d’utilité marginale.

En clair, cela signifie qu’une quantité d’unités monétaires croissante tendra vers un optimum de satisfaction.

Par exemple, si vous gagnez 20 000 EUR nets par mois (un très haut salaire) et que, le mois suivant, vous recevez une augmentation et passez à 22 000 EUR (+10%), cela ne changera pas grand’ chose à votre train de vie et à votre satisfaction personnelle. Par contre, si vous gagnez 1 500 EUR net par mois, le fait de passer à 1650 EUR (+10%) a beaucoup plus d’impact en termes relatifs et vous apporte ici une satisfaction plus grande quant à votre capacité à payer le loyer et les factures, voire à épargner.

Un autre exemple pour démontrer la valeur subjective et l’applicabilité de la Loi d’utilité marginale à la monnaie consiste à expliquer le concept de désutilité du travail. Je suis prêt à faire des heures supplémentaires pour gagner plus. J’estime que le temps libre sacrifié au travail a moins de valeur que la quantité d’unités monétaires supplémentaires que je reçois (ou espère recevoir dans le cadre d’une promotion potentielle). Je suis même prêt à travailler le samedi s’il le faut. Toutefois, si j’y passe tous les week-ends, au fil du temps je commence à me dire que la quantité d’unités monétaires en plus ne vaut plus vraiment le temps sacrifié à ne plus profiter de ma famille, mes amis et mes loisirs. Le travail me devient « désutile » car le revenu supplémentaire que ce sacrifice m’apporte ne vaut pas la satisfaction que je reçois en étant auprès de ma famille ou de mes amis.   

Il est à noter que la Loi d’utilité marginale s’énonce en termes économiques comme en termes non-économiques (ex. : les branches des grands arbres ne montent pas jusqu’au ciel ou encore ma capacité à courir un marathon en moins de 3 heures).

La préférence temporelle

Si l’on prend un individu isolé, on constate que son échelle de valeurs fluctue dans le temps. Par exemple, une personne âgée est plus soucieuse de la qualité des soins de santé qu’une personne jeune en principe. En revanche, un jeune sera plus soucieux de l’accès au marché du travail qu’une personne âgée à la retraite.

Mais les préférences temporelles de chaque individu fluctuent également dans le temps. La préférence temporelle exprime la propension de chaque individu à consommer. Plus ma préférence temporelle est élevée, plus je suis enclin à consommer maintenant et moins j’accepte de postposer ma consommation, c.à.d. épargner (l’épargne est une absence de consommation au temps t et un report de consommation au temps t+1, t+2, t+3…). Plus ma préférence temporelle est basse, plus je suis enclin à allouer mon excès de production (mon épargne en fait) à des moyens supplémentaires par accumulation, pourvu que mes choix d’investissement soient judicieux, c.à.d. que la production de biens et/ou services soit valorisée par les clients potentiels. C’est bien l’acheteur qui exprime la valeur et qui participe donc à définir le prix objectif. Le vendeur doit donc anticiper cette notion de valeur en ajustant ces coûts afin de dégager un profit, mais rien n’est certain car la valeur fluctue dans le temps. Ce jeu d’essais et d’erreurs est une caractéristique universelle car le futur est incertain.

Les sociétés et civilisations les plus développées et les plus abouties sont celles dont les citoyens sont parvenus à réduire leurs préférences temporelles de sorte à se projeter loin dans le futur. Dans un processus de production croissante (on n’est pas chez les ascètes), moins au consomme au temps t, plus on peut épargner et allouer les ressources non consommées à des moyens de production élaborés. Ce phénomène d’accumulation est le principe de base du capitalisme au sens strict du terme. Avec la division du travail et la spécialisation des métiers qui vont crescendo, la maîtrise de la préférence temporelle, en plus d’être un acte de sagesse et de maturité, est la qualité essentielle d’une société stable et pérenne.

Remarque : Karl Marx définit la valeur comme une notion objective, arguant qu’une heure de travail d’un manœuvre a la même valeur qu’une heure de travail d’un chirurgien ou d’une ingénieur, ce qui est évidemment faux et ridicule. Sur base de ce postulat dévoyé, tout l’édifice économique de Marx s’effondre.

La suite

Il est essentiel de garder à l’esprit la notion de prix, de valeur, d’utilité marginale et de préférence temporelle pour comprendre la suite. En effet, nous verrons  comment des théories économiques et monétaires furieuses sont venues enrayer le processus de développement de la société occidentale pour aboutir à ce qu’on peut qualifier aujourd’hui de démonie de la monnaie.

A suivre…

Jules Alove