La Foire du Midi, bouc émissaire d’un durcissement sanitaire improvisé?

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Image par Free-Photos de Pixabay Les forains ne sont pas à la fête

Avec l’augmentation des cas de Coronavirus, c’est à nouveau la foire aux incohérences et le festival des fausses bonnes idées. Au milieu du gué, les forains, une espèce d’indépendants en voie de disparition.

En 2007, ils étaient 1200. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 900 en Belgique. La période est difficile pour les forains. La multiplication des règlementations, les vagues d’attentats et maintenant la pandémie plonge cette profession dans le marasme. Dans ce contexte, la décision du Bourgmestre de Bruxelles d’annuler la Foire du Midi à trois jours de son ouverture et alors que de nombreux manèges étaient déjà sur place, voire déjà montés, passe très mal.

Si la situation sanitaire commande de prendre des mesures pour enrayer la propagation du virus, il est impératif que celles-ci soient cohérentes et utiles. En effet, notre pays et notre économie ont trop souffert ces derniers mois de décisions prises en dépit du bon sens. Or, cette mesure drastique prise par les autorités bruxelloises semble en prendre le chemin. En effet, mettre un terme à la foire, c’est trop, ou c’est trop peu. Ce sentiment d’incohérence est encore renforcé par le fait que l’interdiction est décidée par la même équipe que celle qui a autorisé le 7 juin la manifestation “Black Lives Matter” qui a rassemblé plus de dix mille personnes.

Les marchés et les parcs d’attractions ne font pas l’objet d’interdiction. Les centres commerciaux non plus. Les dispositifs que les commerçants ont mis en place pour accueillir leurs clients, les forains sont en mesure de les reproduire sur leurs attractions. Où se situe la logique? Pourquoi ne pas envisager des modalités spécifiques à la gestion des flux avant d’envisager l’annulation pure et simple? Pourquoi ne pas proposer de déplacer la foire, par exemple sur le site du Heysel pour diminuer la densité des visiteurs? Pourquoi ne pas « éclater » la foire sur plusieurs sites? Différentes pistes auraient pu être explorées en concertation avec la profession. 

Or aujourd’hui, à Bruxelles, on dirait que les autorités découvrent, hagardes, que le virus circule toujours, et qu’elles prennent leurs décisions au jour le jour, sans aucune planification qui intègre le « worse case scenario » . Pourtant, s’il y a bien un paramètre qu’aucun décideur ne devrait perdre de vue pour éviter les mesures à l’emporte-pièces, c’est celui-là. Gouverner, c’est prévoir, paraît-il…

Eté 2020, Le stand de la friterie De Corte installé à Evere

Aujourd’hui, les forains sont partagés entre colère et incompréhension. Pour eux, cette saison d’été de la foire du Midi est vitale. Nombreux ne s’en remettraient pas économiquement si l’annulation était confirmée. Leur présence aurait en outre apporté un peu de distraction à beaucoup de gens qui n’auront pas été en mesure de partir en vacances. La population non plus n’est pas indifférente au sort des forains car elle sait qu’en des temps aussi incertains, elle peut être victime de décisions arbitraire à l’image de celles qui les accablent. « Pour nous, qui avons la chance en vendant des frites de pouvoir trouver un emplacement en dehors de la foire et de pouvoir continuer à travailler, c’est difficile. Mais pour les manèges qui eux n’ont aucune possibilité de se retourner, c’est dramatique. Ils ne s’e remettront pas. » nous explique Marvin De Corte dont le stand rutilant, sorte de « Rolls-Royce du fritkot » a pour l’instant élu domicile sur un carrefour d’Evere.

La situation sanitaire est suffisamment durablement problématique pour exiger de nos élus qu’ils adoptent une attitude responsable. Ceci leur imposera certainement d’envisager leur action politique sous un angle inédit parce que détaché des bénéfices électoraux auprès de leurs clientèles. On peut rêver… Les forains ne votent pas à Bruxelles,  mais ce n’est pas une raison pour en faire des boucs émissaires auxquels appliquer les mesures les plus drastiques. 

Ce n’est qu’en limitant les pratiques à risques des populations récalcitrantes que l’on parviendra à freiner la propagation du virus. Ce sont elles qui doivent guider les mesures de restriction. Pas de catégories décidées dans l’urgence et sans réelle analyse sur le terrain. Sinon, à la maladie, on ajoute l’injustice et la pauvreté.

Et si in fine il apparaît tout de même que le maintien de la foire n’est pas possible, au nom de l’esprit de la fête que les forains perpétuent depuis le Moyen-Age à Bruxelles, la Ville et la Région seraient bien inspirées de les aider financièrement pour ne pas perdre un peu plus de leur âme. A l’heure où les millions pleuvent pour y aménager des pistes cyclables, ce serait indécent de laisser les forains au bord de la route… sachant qu’elle les conduit à une mort économique certaine.

Tatiana Hachimi