BELGIQUE: Quel gouvernement fédéral au menu de M. Lachaert?

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Photo de Bruno Ticianelli provenant de Pexels

Après avoir erré de longues années en zone rouge, les Bleus de Flandre viennent de se choisir un nouveau président. Egbert Lachaert incarnera-t-il la rupture par rapport à la ligne floue, voire, comateuse, imprimée par celle qu’il remplace à la tête de l’Open Vld?

Huit ans de contrition

Longtemps, les libéraux flamands ont vécu sur la réputation du « Baby Thatcher » que certains avaient cru voir en Guy Verhofsftadt à ses débuts. Sa formation avait même réussi à passer devant les champions de l’époque, les démocrates chrétiens. L’inertie des voix engrangées a longtemps entretenu l’illusion que l’on pouvait raconter tout, et son contraire -en même temps- pour prendre le risque de partir à la conquête de nouveaux électorats, sans perdre les anciens. La recette a fonctionné un temps avec un score miraculeux en 1999. Après, une bulle, un pic et puis un long pschiiiit…

Les dents de la chance du jeune premier lui auront permis d’accéder au poste de Premier. Ensuite, elles auront servi à rayer le parquet européen. Sans succès d’envergure comme escompté par l’intéressé. De dérives social démocrates en dérives écologistes, Baby Thatcher finira dans le rôle ridicule de meilleur ami du Baby Boomer Cohn Bendit, l’idole vieillissante des soixhantehuitards. Etrangement, avec quelques années d’avance, cette carrière caractérisée par une courbe en cloche préfigurait le destin d’un Sarkozy, et de bien d’autres.

Passé de 25% à près de 15% aux dernières élections de 2019, l’Open Vldi était un parti en urgence absolue à l’issue de la plus longue présidence. L’une des plus désastreuses aussi, celle de Gwendolyn Rutten. Comment expliquer ce casting à l’époque? La magie des quotas réservés aux femmes? Une course au jeunisme? Ou bien de façon plus pragmatique, était-ce un choix par défaut, celui de l’insignifiance, destiné à éviter les guerres internes? Peu importe, le fait est que durant les huit ans de cette présidence boboïsée à outrance, les libéraux ont couru après une Flandre en profonde mutation sans jamais la rattraper faute d’avoir compris ce qui la faisait évoluer.

Largués par la fulgurante ascension de la N-VA et maintenant par celle du Vlaams Belang, les libéraux ont tenté de continuer à exister en se profilant comme la rustine de centre gauche ouverte à la mondialisation, à l’écologie et aux francophones. De la social démocratie protéïforme à l’envi. Il ne fallait pas être grand devin pour assurer l’échec d’une telle stratégie dans un terreau social où les électeurs sont en attente d’un positionnement ferme sur les plans migratoire et budgétaire et d’une attitude plus consistante sur le terrain culturel et identitaire.

En parfait décalage avec son électorat, l’Open Vld a misé sur des politiques écologiques radicales comme la piétonnisation à marche forcée de Bruxelles. Ce fiasco dont le retentissement déborde des frontières du royaume n’aura pas porté bonheur à Els Ampe qui imaginait pouvoir se profiler à la présidence et qui n’aura récolté qu’un médiocre 7%!

L’Open Vld qui s’était gardé de quitter le gouvernement Marrakech avait ainsi posé un geste fort en faveur de l’immigration. Pire, il a profité de cette crise politique pour reprendre les clefs du secrétariat à l’Asile du très populaire Theo Francken et les remettre à une Maggie De Block qui caracole dans les scores … d’impopularité.

Voilà plus d’un an que des élections internes étaient prévues pour redéfinir la ligne du parti, sans cesse reportées, elles ont fini par aboutir au changement tant attendu puisque le parti sera conduit par Egbert Lachaert, supposé incarner l’aile droite de sa formation.

A droite: Un peu? ; Beaucoup? Passionnément?

L’objectif numéro un de ce président fraîchement élu sera à n’en pas douter de tout mettre en oeuvre pour monnayer au mieux la place de son parti dans le prochain gouvernement. Les crevettes (comme on surnomme dédaigneusement les libéraux en Flandre) tentera certainement de se tailler la part du lion en se présentant comme le chainon marquant entre PS et la N-VA. De son côté, la N-VA qui glisse dangereusement dans les sondages, est plus que jamais tentée de remonter dans une majorité au fédéral pour éviter la gifle que pourraient lui infliger de nouvelles élections.

Déjà partenaires au gouvernement flamand, N-VA et libéraux flamands pensent certainement prolonger ce scénario à l’échelon supérieur pour jouer la montre et briser le Vlaams Belang dans son élan, quitte à régler leurs comptes en off et à swaper des voix au centre droit.

Néanmoins, sur le fond, les problèmes ne disparaîtront pas. L’argent magique de l’Europe ne permettra pas de sauver les classes moyennes sans opérer de choix drastiques. A terme, la population aura beaucoup de mal à accepter les largesses budgétaires accordées aux politiques migratoires. Elle sera aussi certainement moins réceptive aux objectifs délirants qui s’inscrivent dans le sillage du green washing porté par des technocrates hors-sol.

En un mot, la croissance du VB dans les sondages correspond à des attentes bien précises de la population flamande qui s’articulent autour de la volonté de minimiser les flux migratoires pour réserver des avantages sociaux à sa population. A cet égard, on notera que la Région Flamande a été en mesure d’offrir à ses indépendants un soutien financier près de trois fois plus conséquent que ses homologues bruxellois.

La crise du Coronavirus -durant laquelle la libérale Maggie De Block a incarné mieux que quiconque et les deux deux doigts dans le nez la malgouvernance- a amplifié des tendances existantes. Elles seront encore renforcées par l’après-Covid19 qui nous promet des lendemains qui déchantent. Dans ce contexte, « écraser » la tendance 3VB » comme on écrase la courbe du virus semble illusoire car on ne confinera jamais les esprits.

Si l’Open Vld joue sa survie, et la N-VA son hégémonie, ensemble et contre le Vlaams Belang, comme le laisse entendre Egbert Lachaert, le feront-ils au détriment du programme de ce dernier plébiscité en Flandre? Si c’est le cas, ils n’auraient vraiment tiré aucune leçon du -politiquement- défunt Sarkozy. Dans le cas contraire, ils joueraient les doublures du Vlaams Belang.

La partie est difficile. Plus la marge budgétaire rétrécit, plus les couteaux s’aiguisent. Dans « le monde d’avant », on se battait pour la gloriole avec Machiavel sous le bras tel un Verhofstadt ou un Michel Junior. Dans « le monde d’après », on se bat pour sa survie, qui passe par celle de son électorat, lui même en urgence absolue…

Dans ce contexte extrêmement tendu, on ne peut exclure que la crise sanitaire débouche sur la remise en question du cordon sanitaire. Après tout, « jamais » s’accommode très bien de l’un ou l’autre « mais »…

Dominique Dupont