L’annonce d’une consultation publique sur l’impact environnemental du maintien jusqu’en 2025 des centrales nucléaires de Doel 1 et 2 a été publiée le vendredi 2 avril au Moniteur. L’information n’a pas fait la une des journaux. Pourtant, ce processus qui a démarré le 15 avril pour se clôturer le 15 juin est exceptionnel à la fois par son ampleur et par l’impact qu’il pourrait avoir pour l’avenir de nos centrales.
Rétroactes : En 2003 la Belgique, sous l’impulsion des écologistes et avec l’aval de Guy Verhofstadt alors premier Ministre, décrète la sortie du nucléaire pour 2015. Cette décision qui tenait plus d’une idéologie politique que d’un projet construit s’est assez rapidement heurtée au mur du réel : le contrôle des émissions de CO2 et l’absence totale de préparation du futur. C’est alors qu’en 2015 la durée de vie de nos plus anciens réacteurs, Doel 1 et 2 a été prolongée jusqu’en 2025. La convention européenne ESPOO exige que des activités pouvant avoir des conséquences transfrontalières fassent l’objet d’une étude d’impact environnemental. La prolongation n’étant pas un changement des conditions de production, aucune enquête d’impact environnemental n’était nécessaire. Sur requête de Greenpeace en 2015, la cour constitutionnelle a invalidé cette décision fin 2019. C’est ainsi que cette question se retrouve à nouveau à l’agenda politique belge sans qu’une stratégie énergétique n’ait pu se concrétiser depuis plus de de vingt ans. Dans ce contexte, on comprend mieux la place qu’occupe cette consultation dans le dispositif décisionnel…
Pour Doel 1 & 2, on a vu grand… très grand puisqu’elle s’adresse à tous les « riverains » qui vivent dans un rayon de 1000 km autour du site !
Outre les pays frontaliers de la Belgique (Pays-Bas, Luxembourg, France, Allemagne), les Britanniques, les Irlandais, les Danois, les Suisses, les Autrichiens, ainsi qu’une partie des Norvégiens, Suédois, Polonais, Tchèques, Slovènes, et Italiens pourront ainsi donner leur avis sur la prolongation de Doel 1 et 2, via un formulaire en ligne.
Pour justifier le choix d’un périmètre aussi étendu la Ministre écologiste en charge du dossier met en avant qu’en cas d’accident grave, les répercussions pourraient se faire sentir jusqu’à 1000 km des centrales de Doel. C’est faire preuve de peu de connaissance des risques réels comme le révèle les accidents exceptionnels de Fukushima et Tchernobyl dont les zones contaminées avec impacts sanitaires (> 600 000 Bq/m²) s’étendent autour de Fukushima dans rayon de 30 km et de 128 km pour Tchernobyl. C’est assimiler à bon compte la conception de nos centrales de génération II aux réacteurs russes RMBK et l’activité sismique belge aux conditions sismiques exceptionnelles de Fukushima.
Bien qu’une documentation technique accompagne la consultation, y répondre n’est pas aisé pour le profane. Par ailleurs, les résultats de la consultation ne sont pas contraignants pour l’Etat belge, mais seront difficiles à interpréter et soumis au seul jugement de ceux qui la dépouilleront.
Il est à noter que les Pays-Bas ont décidé de prolonger l’exploitation de leur unique centrale nucléaire de Borssele à 60 ans, soit jusqu’en 2033. Cette centrale, plus ancienne que nos premières centrales de Doel 1 et 2, est située à la frontière belge (à 40 km de Gand).
En Suisse, si le principe de sortie du nucléaire est admis sans limite de temps, la décision est laissée aux acteurs compétents : l’agence nationale de sécurité nucléaire (IFSN) d’une part et les opérateurs d’autres part. Ce sont ces derniers qui décident de prolonger leurs centrales nucléaires de les fermer en fonction de la rentabilité des modifications de sureté d’exploitation qui lui sont imposées. En Belgique, c’est le politique qui décide des solutions hautement techniques.
En France, la décision de fermeture de Fessenheim en parfait état de marche est politique. C’est une promesse faite à EELV par François Hollande pour leur soutien à l’élection présidentielle.
Aux Etats-Unis l’agence nationale de sureté nucléaire (US.NRC) a autorisé la prolongation de toutes les centrales (96) ont obtenu une licence d’exploitation de 60 ans dont 6 centrales ont reçu une licence d’exploitation de 80 ans . Elles sont toutes de la même génération que Doel 1&2.
Dans aucun de ces pays, il n’y a eu d’opposition ou de réaction populaire pour contester les décisions prises. Des états des USA sont candidats pour l’installation de nouvelles centrales.
Faut-il rappeler que remplacer les centrales nucléaires belges par des centrales au gaz doublerait nos émissions de CO2 les portant à quatre fois les objectifs Européens pour 2030 ?
Le rapport (mars 2020) du Joint Research Center de l’Union Européenne conclu « qu’il n’y a aucune raison scientifique de dire que l’énergie nucléaire est plus néfaste pour l’environnement que toute autre source d’électricité » ; et aussi « l’enfouissement géologique est un « moyen sûr et approprié » pour isoler les déchets nucléaires de la biosphère sur des échelles de temps très longues ». On y trouve entre autres cette information en nombre de morts par unité d’énergie produite en cycle de vie (YOLL), de la mine au démantèlement et recyclage de chaque source. Le nombre de morts compté résulte de causes directes d’accidents et indirectes par impact environnemental des accidents et de l’exploitation proprement dite.
La consultation gouvernementale belge donne accès à deux rapports scientifiques sur l’impact environnemental de Doel 1et 2. Pour votre facilité vous trouverez tout d’abord, le rapport rédigé par le CEN/SCK qui démontre qu’il n’y a absolument aucune raison technique ou sécuritaire qui justifie la fermeture de nos centrales nucléaires après 40 ou 50 ans d’exploitation.
Pour chaque mode de production d’électricité une infographie montre le nombre de décès directement lié à un accident d’exploitation. Par unité d’énergie produite (TWh) le nucléaire ne cause que 0,04 décès, alors que le gaz naturel p.ex. en cause 20, soit 500 fois plus. Faut-il rappeler le drame de Ghislenghien en 2004 (24 morts) ou celui de la rue Léopold à Liège en 2010 (14 morts) ?
A ce jour l’Europe Occidentale et les USA possèdent des réacteurs de même conception ; aucun mort par radiation nucléaire n’a été à déplorer.
Vous l’aurez compris, si vous n’exprimez pas votre opinion, d’autres le feront, encouragés par les puissants mouvements anti-nucléaires très actifs sur les réseaux sociaux. Il est donc important de répondre à ce questionnaire et de le diffuser largement.
Le texte de cette consultation ne brille pas par son accessibilité et la formulation des questions manque singulièrement de clarté. Avant d’y répondre, n’hésitez pas à examiner l’ensemble des questions en cliquant sur la flèche située en bas à droite du questionnaire (sur fond mauve).
De façon assez troublante, à la première étape, la plus importante, il est demandé de répondre à une question ouverte par un commentaire. L’exercice est difficile pour le profane. C’est pourquoi, si vous souhaitez manifester votre volonté de voir les centrales de Doel 1 et 2 prolongées entre 2022 et 2025, nous vous vous proposons ce commentaire à titre de suggestion:
« Je suis contre la désactivation de Doel 1 et de Doel 2 avant 2025. Comme le démontrent les rapports du CEN/SCK, l’exploitation de ces centrales évite des émissions de CO2, améliore notre sécurité d’approvisionnement en électricité et n’a pas d’effet sur la santé et l’environnement plus négatifs que les alternatives en ce compris les énergies renouvelables.«
Ensuite, pour la seconde étape, dans les questions à choix multiples, nous vous invitons à cocher autant de réponses que vous voulez et certainement à ne pas passer à côté des cases F et G.
Cette consultation ne remet pas en question les choix sur le plus long terme. Toutefois, gardons à l’esprit que ce qu’un gouvernement a fait, un autre peut toujours le défaire.
Ph. Cauwe