Concilier l’inconciliable. C’est l’écueil sur lequel bute la zone Euro, tiraillée entre ses fourmis au Nord et ses Cigales du Sud. Le problème, c’est que cette ligne de démarcation, cette faille passe justement par la Belgique. Et ce n’est pas un hasard. Coupée en deux, ses « Fruguaux » habitent en Flandre et ses « Solidaires » en Socialie. Pardon pour les Bruxellois, les germanophones et les habitants des communes à facilités. Ce n’est pas que je veuille les humilier, mais l’Histoire et la Constitution s’en sont chargées depuis longtemps.
Bien sûr, nous aimerions tous que le Blanc-Moussi et le Zwarte Piet ne fassent qu’un comme le Ying et le Yang, que le Lion et le Coq restent amis pour la vie, et que tout ce petit monde enfourche sa licorne – ou son vélo – pour rejoindre les Bisounours et leurs olympiades de sports de glisse sur arc-en-ciel. Mais soyons réalistes, il est question de sauver une économie et d’éviter les morts collatérales, qu’elles soient économiques, sanitaires ou sécuritaires.
Depuis 1830, la Belgique est un État composite qui rassemble des peuples différents, de culture et de langues différentes. C’était bien l’objectif poursuivi lors de sa conception dans une ère post-Napoléonienne baignée de rancœur, d’orgueil et de nationalisme mal placé. Toutefois, à l’époque, cette ligne de démarcation s’est estompée le temps d’une révolution contre l’oppresseur hollandais. Morcelé et convoité, il s’en est fallu de peu pour que notre pays connaisse un destin très différent. Napoléon aurait remporté la bataille de Waterloo, la Belgique serait devenue entièrement française. La première guerre mondiale n’aurait peut-être pas éclaté, ôtant du même coup tout objet à la seconde. « Avec des si, on met Paris en bouteille ».
Nous voilà en 2020 face à un joli sac de nœuds. Pendant que le roi lit ses discours vivre-ensemblistes d’un ennui fini dans son prompteur, les finances de la Corona Nation (et oui, record des morts du Covid 19 par mille habitants toujours non battu !) dévissent. L’argent magique coule à flot au Sud, dans la République Socialiste des Cigales. Au Nord, les Fourmis noires s’impatientent. Et au milieu, à Bruxelles, depuis que le vert est dans le fruit, la saison de la chasse à la voiture est ouverte. Et avec tout ça, il faudrait constituer un gouvernement ? Même portée par le plus présidentiel des orgueils, cette entreprise semble vouée à l’échec tant elle est déconnectée du réel.
La particratie, cette discipline de la malgouvernance dans laquelle la Belgique excelle, livre le pays tantôt à des incompétents notoires, tantôt à des fanatiques portés au pouvoir par leur absence totale de scrupule. Après des décennies de ce régime, faut-il s’étonner que notre justice et notre police ne soient plus que l’ombre d’elles-mêmes ? Onkelinx, quatre ans, cinq mois et dix jours à la tête de la Justice, ça fait combien de juges rouges nommé-e-s à vie (bitch please, en écriture inclusive maintenant) ?
Cette spécialité socialiste qu’est l’entrisme a tellement nuit à nos institutions qu’elle a fini par les rendre inopérantes. Trop d’administrations sont mitées par « les amis des amis » qui avec les années sont montés en grade et en puissance.
D’un côté, le PS veut entrer au fédéral pour maintenir cette malgouvernance au sommet. De l’autre, la NVA veut profiter d’une occasion historique pour sortir de l’orbite de toutes ces administrations sous tutelle des socialistes, ou de leurs associés. Le désengagement du gouvernement flamand par rapport à Unia est un exemple flagrant de l’exaspération légitime des Flamands. Si seulement le problème ne concernait qu’Unia…
Quelle que soit l’issue du nouveau round de négociations décidé aujourd’hui, la Belgique est vouée à connaître d’importantes réformes conduisant à plus d’autonomie pour les Régions. C’est ce qui sera au programme d’un gouvernement PS-NVA. Et si ce n’est pas le cas, le plan B qui résulterait d’élections législatives mettra en scène une Flandre structurée autour d’un bloc NVA-VB qui pourrait être rejoint par l’Open VLD pour maintenir le cap du confédéralisme.
Quant au suicide bruxellois orchestré par un gouvernement « éco-solidaire » rouge-vert-rose (avec une touche flamande de bleu, héritage de la ligne Rutten), tel un Red Bull, il donne des ailes au lion flamand !
En attendant, demain, c’est la fête, a minima, Corona oblige. Il paraît que même la pluie ne sera pas là…